Adrien a été bercé par les vagues du lagon calédonien depuis son enfance, sur le bateau familial. Mais à l’époque, il ne voit la navigation que comme un loisir, une sortie plaisir pour le week-end. Après son baccalauréat, il part pour la métropole, et y étudie le commerce pendant cinq ans. Une formation en alternance qui lui permet de découvrir le monde de l’immobilier. Un milieu plus ou moins familier, car son père y travaille également, en Nouvelle-Calédonie.
Comme beaucoup d’enfants du pays, le retour à la maison est inévitable. Adrien décide de rentrer, avec une opportunité professionnelle qui l'attend. Il restera huit ans agent immobilier avant de finalement suivre "son rêve de gosse", à 33 ans : devenir capitaine de bateau.
Changement de cap
C'est lors d'un voyage en Polynésie que le déclic se fait. Il fait part de son projet à l’une de ses anciennes collègues de l’immobilier, installée à Tahiti. "Elle me disait que je ne faisais que parler de la mer et des bateaux. Elle m’a dit : 'Vas-y, donne-toi les moyens'", se souvient Adrien.
Quelques semaines après son retour sur le Caillou, il prend son courage à deux mains et démissionne. Car la formation qu'il souhaite suivre ne peut pas se faire alors qu'il est employé à plein temps. Se pose la question de l'absence de salaire et du financement de ses nouvelles études. "C’était un risque, car j’avais une situation confortable. Mais l’argent ne me suffisait plus. Je voulais autre chose."
J’ai eu la chance de pouvoir bénéficier d'un financement du gouvernement, un dispositif pour les demandeurs d'emplois qui souhaitent se reconvertir.
Adrien Crocherie, capitaine de bateau
Sélectionné parmi de nombreux profils, Adrien débute sa formation à Nouville, à l'école des métiers de la mer, pour six mois. "C’est la première fois que je retournais à l’école en sachant exactement ce que je voulais faire. Je savais pourquoi je le faisais et grâce à qui" reconnaît-il.
Quand je serai marin
Une formation qui lui permet d'abord d'être matelot, et d’apprendre les bases du secourisme et des notions d’intervention équivalentes à celles des pompiers. Mais aussi à manier un bateau et à faire des nœuds. Or, l’appel du large est obligatoire dans cette formation. Adrien embarque de façon professionnelle à bord d'un navire, et c'est sur l'Amborella qu'il passera les douze mois suivants.
"J’étais matelot à bord, je m’occupais de la cuisine, du ménage et d’autres choses. La mission du bateau correspondait à mon projet professionnel d’origine, qui était d’emmener des scientifiques en mission. Pendant un an, j’alternais entre des missions en mer de 10 à 15 jours et des journées à terre, où je m’occupais de l’entretien du navire", raconte le jeune homme.
Adrien et le reste de l’équipage mettent plusieurs fois le cap vers des endroits reculés de la Nouvelle-Calédonie, comme les récifs d’Entrecasteaux, le parc de la mer de Corail ou encore les îles Matthew et Hunter. Un an plus tard, en août 2024, il devient éligible au brevet pour devenir capitaine 200. Un titre qui lui permet de piloter des bateaux aussi gros que le Coral palms, qui emmène les passagers à l'îlot Maître. "Je ne voulais pas me mettre à mon compte, surtout que c'est compliqué d'être skipper patenté, on dépend beaucoup de la météo ou du capitaine du bateau avec qui on travaille" explique-t-il.
À contre-courant
En août 2024, Adrien passe ensuite son brevet tant rêvé de capitaine, pendant quatre mois, avant de l'obtenir haut la main. Dans une Calédonie en pleine crise insurrectionnelle, Adrien nage à contre-courant et parvient à trouver un emploi en décembre. "Le jour où j'ai obtenu mon brevet, j’ai reçu un appel pour me dire que j’étais pris et j’ai commencé deux semaines plus tard. Tous les astres étaient alignés" se souvient-il.
Embauché par la société minière Montagnat, qu'il avait rencontrée quelques mois auparavant, il pilote aujourd’hui les remorqueurs qui tirent les chalands de minerai vers les minéraliers situés dans la baie, près de Tontouta. "Je ne me suis jamais autant éclaté. C’est un métier très polyvalent, dans lequel il faut savoir tout faire, c’est très stimulant !" confie Adrien.
Étape suivante pour le capitaine Crocherie : obtenir le prochain échelon, le capitaine 500, qui permet de conduire des plus gros bateaux et d’aller encore plus loin.