A la suite d'une visite en 2019, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a fait état de mauvaises pratiques envers les patients hospitalisés en soins psychiatriques sans consentement du CHS. Ils seraient privés de certains de leurs droits fondamentaux.
Un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté accablant. Sept contrôleurs ont effectué une visite du centre hospitalier spécialisé en psychiatrie Albert-Bousquet, du 7 au 10 octobre 2019, et ils pointent sans ambages de nombreux dysfonctionnements et "violations des droits et libertés fondamentaux des patients en soins sans consentement" dans cet établissement hospitalier situé sur la presqu’île de Nouville, à Nouméa.
Dans un rapport de 118 pages dévoilé récemment, il est mentionné que "les conditions matérielles de prise en charge sont inadaptées dans les unités". Le document énumère plusieurs griefs : vétusté des locaux, atteintes à la dignité et à l’intimité des patients, entretien insuffisant, caractère spartiate des chambres, œilleton sur les toilettes des chambres d’isolement…
Pour Philippe Palombo, le directeur du CHS ces "manquements sont dûs plus à une incompréhension des contrôleurs" qui comparent l’unique établissement de santé mentale de Nouvelle-Calédonie aux standards de la Métropole.
Philippe Palombo était l'invité du JT du mardi 22 juin 2021. Son interview complète est à retrouver ici.
Une "approche sécuritaire" des malades
Autre critique : ces unités ont été créées et aménagées sur un modèle carcéral, avec la présence de caméras de surveillance, de barbelés et de plaques de fer sur les murs. Aux yeux des contrôleurs, le CHS pratique "une approche sécuritaire des patients plus qu’une prise en charge médicale".
A titre d’exemple, des fouilles y sont pratiquées avec l’utilisation de détecteurs de métaux, mais aussi l’intervention d’un maître-chien, des forces de l’ordre et d’une équipe cynophile pour la recherche de stupéfiants. Des pratiques que le directeur explique par la présence de nombreux "trafics autour de l’établissement".
Aucune unité dédiée aux adolescents
Dans leur rapport, les contrôleurs estiment que "les droits des patients sont largement ignorés" et que les garanties juridiques sont bafouées. Ils signalent également la disparition de fichiers de personnes hospitalisées. Les pratiques en matière d’isolement sont, elles aussi, pointées du doigt. Ainsi, les espaces qui y sont dédiés "sont démunis de bouton d’appel et de tout dispositif équivalent" et "ne permettent en outre aucun accès à l’air libre", précise le rapport.
Autre reproche : la prise en charge des adolescents, qui sont hospitalisés dans les mêmes chambres que les adultes, générant un risque de dérives et d’abus sexuels. Le projet d’établissement avait bien la vocation de distinguer les unités entre adultes et mineurs, "mais, hélas depuis cinq-six ans, nos budgets ne nous le permettent pas", déplore Philippe Palombo.
Une absence de comité d’éthique
Selon les contrôleurs, "ces nombreuses atteintes aux droits trouvent l’une de leurs causes dans l’insuffisance manifeste de la réflexion institutionnelle", du fait notamment de l’absence de comité d’éthique. La conclusion du rapport est sans appel. Selon ses auteurs, "
Un tel cumul d’atteintes aux droits et libertés fondamentaux des patients en soins sans consentement est rarement observé.
Les auteurs du rapport invitent le CHS à se mettre "sans délai en conformité avec les exigences du code de la santé publique". En octobre 2011, une première visite du contrôleur général des lieux de privation de liberté avait été réalisée. Plusieurs violations des droits et libertés fondamentaux avaient déjà été relevées. Or, "le rapport n’a donné lieu à quasiment aucune action corrective de la part de l’établissement", signalent les contrôleurs à l'issue de leur deuxième visite en 2019.
L'intégralité du rapport est à consulter ici.
Le décryptage de Laurence Pourtau et Claude Lindor