Du 6 au 18 avril dernier, Willy Gatuhau, maire de Païta, se rendait à Paris pour représenter la commune dans le cadre des discussions concernant l'avenir institutionnel du pays et le financement des collectivités ultramarines. Au programme, des entretiens aux cabinets du Premier ministre et du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, avec le président du Sénat, des groupes parlementaires et des organismes interministériels.
Quelques jours après son retour, lors du conseil municipal du 11 mai, une délibération était votée attribuant un mandat spécial au maire dans le cadre de ce voyage et lui donnant droit, à ce titre, au remboursement de ses frais de voyage, s'élevant à 1,14 million de francs.
Le caractère urgent "insuffisamment motivé"
Si la procédure ne comporte rien d'illégal en soi, et a même été validée par le trésorier-payeur et par le contrôle de légalité, il était reproché au maire d'avoir insuffisamment motivé le caractère urgent du déplacement ayant conduit à l'attribution de ce mandat spécial à son retour et non avant le départ. "J'ai peut-être effectivement insuffisamment motivé ce déplacement", concède Willy Gatuhau, qui argumente qu'il lui était "impossible de réunir le conseil municipal avant, en raison des délais de convocation".
Willy Gatuhau n'a finalement pas fait partie de la délégation des Loyalistes, composée de quatre élus, Sonia Backès, Gil Brial, Nicolas Metzdorf et Brieuc Frogier, mais s'est déplacé en tant que maire. L'opposition fait remarquer que c'est le seul à s'être déplacé à ce titre, Alcide Ponga et Gilbert Tyuienon, maires de Kouaoua et de Canala, faisant partie des délégations du Rassemblement et indépendantiste.
345 millions de crédit négociés
"Avez-vous eu une invitation officielle ?, interrogeait le 11 mai en conseil municipal Franck Vakalepu, élu Eveil océanien, qui a porté le recours devant le tribunal administratif. Quel était le caractère urgent pour justifier ce mandat spécial ?"
"Oui, il y avait bien un caractère urgent, se défendait le premier magistrat, sauf à attaquer le trésorier-payeur, qui a considéré que oui. Je n'ai participé à aucune discussion politique et concernant les invitations officielles, ce n’est pas comme ça que ça marche. Les groupes politiques reçoivent des invitations et composent les délégations."
Trois mois pour rembourser
Alors pourquoi avoir fait le voyage à Paris s'il n'était pas dans la liste des Loyalistes ? "Depuis que le ministre Lecornu a initié ce travail de discussions, j'ai été de toutes les séquences avec les Loyalistes", justifie-t-il. "J'y suis allé en tant que maire. Et je souligne que ce 1,14 million que j'ai dépensé m'a permis au final de négocier des crédits de 345 millions pour développer la commune."
Un argument qui n'a pas fait pencher le jugement du tribunal administratif, qui juge en général davantage sur la forme que sur le fond.
Il a annulé la délibération votée le 11 mai en conseil municipal et enjoint le maire de Païta à rembourser la somme. "Je suis un justiciable comme un autre et je vais me conformer à cette décision, a indiqué le maire. Je n'ai peut-être pas été dans les clous et je n'ai pas suffisamment motivé ce déplacement. Les gens croient que les maires ont des super rémunérations. Le salaire d'un maire c'est 560 000 francs", rappelle Willy Gatuhau. Il a trois mois pour rembourser la somme indûment perçue.