PORTRAIT. Émeutes et humour. Kingtäz, les locaux détruits mais il "garde le cap"

Son pseudo, Kingtäz, vient de son surnom au collège.
Ils sont caricaturiste, youtubeur ou simple internaute. Depuis le déclenchement des émeutes en Nouvelle-Calédonie, ils racontent la crise à leur manière, entre parodie et humour noir. Personnellement touché par les émeutes, Kingtäz est resté discret mais reprend peu à peu ses vidéos humoristiques. Sur Facebook, il comptabilise plus de 75 000 abonnés [1/5].

C'est avec un peu d'émotion dans la voix que Kingtäz se souvient du 14 mai. Le lendemain du début des émeutes. Ce jour-là, le producteur de vidéos humoristiques est cloîtré chez lui, à Koutio, et regarde avec désespoir la caméra de surveillance de ses locaux situés à Normandie. "À 14h30, on a vu l'alarme se déclencher", se souvient-il. "On", c'est lui et sa femme, Eva, avec qui il travaille dans sa société de production. "Quand j'ai activé le son, j'ai entendu des 'boums'. En fait, c'était les mecs qui étaient en train de taper sur le volet roulant. Je les ai vus rentrer et là, l'alarme s'est déclenchée. Donc, on a appelé la police, ils nous ont dit qu'ils ne pouvaient rien faire, qu'ils étaient débordés..."

Avec sa femme, ils regardent le bureau se faire piller jusqu'au moment où la borne wifi est arrachée. " Là, tout est coupé, il n'y a plus qu'à attendre". Une semaine après, il se rend sur les lieux, la plupart du matériel ne pourra plus servir. Les deux locaux à côté de son bureau ont brûlé, son local est inondé. Et quatre mois après, l'assurance ne l'a pas remboursé.

Sonné, Kingtäz décide de fermer sa page Facebook temporairement. "En fait, ça m'a pris un peu de temps pour digérer tout ça. Sur le coup, je ne me suis pas dit : 'Tiens, je vais en faire une parodie'", se souvient-il. Après quelques jours prostrés chez lui, Quentin Joubert, de son vrai nom, décide de "garder le cap". 

Un barrage presque parfait

Trois semaines après le début des émeutes, Kingtäz et sa famille sortent enfin de chez eux et se rendent à Nouméa. Là, ils découvrent des "barrages tout propres, hypers organisés". "C'était pas du tout la même qu'à Koutio !". "Ça m'a fait marrer et c'est là que je me suis dit : il faudrait faire un barrage presque parfait." De là, Quentin reprend son "blaze", Kingtäz, celui qu'il a depuis le collège, et commence le montage entre des photos de barrage et des témoignages de personne de l'émission de téléréalité Un dîner presque parfait

Pour réaliser ses vidéos humoristiques, cet ingénieur du son de formation double les images de films ou d'émission avec sa propre voix. "Le but, c'est de faire rigoler les gens, donc de détendre un peu l'atmosphère et effectivement, elle a fait plus de 500 000 vues. Voilà, quoi."

Des vidéos "pour le plaisir"

L'inspiration lui vient souvent de ses parties de jeux vidéo en réseau avec ses amis de Nouvelle-Calédonie. "J'ai souvent énormément d'idées comme ça. Pendant les émeutes, on jouait en continu." 

Pour faire ses parodies, ça lui prend "entre deux heures et une semaine". Mais la vraie différence depuis les émeutes, c'est que ses vidéos ne sont plus rémunérées. "Jusqu'à présent, c'était des commandes mais maintenant, c'est juste pour faire plaisir."

Kingtäz s'est fait tatouer son "blaze" sur le bras par l'artiste Kuby Kolor.

Hormis les vidéos humoristiques, Quentin et sa femme travaillent pour la communication de différentes institutions et entreprises. Mais là, ils ont perdu presque 80 % de leur chiffre d’affaires. Pour assurer l'avenir de sa famille et notamment de sa fille de 4 ans, sa conjointe a repris un emploi dans un bar.

De son côté, Quentin honore les contrats engagés jusqu'à la fin de l'année. "Après, je ne sais pas. Le fait d'avoir été incendié, c'est quand même un gros manque à gagner derrière." Désormais, il travaille sur une planche de contreplaqué dans son salon et sa femme a posé son ordinateur entre les deux machines à laver. " Mais on a la chance d'avoir encore notre maison, nous", confie-t-il.

Une reprise "calme plat"

Dans ses vidéos, Kingtäz essaye de ne "heurter personne", sans faire de politique, ni de discrimination. "En fait, je garde mes convictions pour moi, je n'appartiens pas à un peuple. Moi, je fais partie de tout le monde.

Il croit en l'avenir de la Nouvelle-Calédonie : "D'ailleurs, vu ce qui s'est passé, je pense qu'il vaudrait mieux pas que ça revienne comme avant. Il faudrait plutôt un renouveau, avec moins d'erreurs qui seront faites.

Mais dans les mois prochains, si ça continue "d'être le calme plat" pour ses contrats, il espère se former en Métropole à de nouvelles techniques de production avant de revenir en Nouvelle-Calédonie, territoire où il est arrivé quand il avait 5 ans. "On continuera de travailler à distance et c'est sûr, on reviendra !" 

>> Retrouvez tous les matins, jusqu'à dimanche, notre série de portraits "Emeutes et humour".