"Ma tenue est au bureau, ils peuvent m’appeler quand ils veulent." Sa retraite de pompier, Jo Peyronnet ne l'a pas prise tout à fait. "Ça me manque. À chaque fois qu’il y a un feu, je suis là quand je peux. Ou un accident, je m’arrête, je donne la main, j’ai ma chasuble dans la voiture. C’est dans mon sang." Aujourd'hui âgé de 74 ans, le maire de Moindou se souvient de la naissance de cette vocation.
"J’étais dans la Marine, lors de mon service militaire, en 1969. Ce jour-là il y a eu un cyclone, Colleen. On nous a demandé d’aller aider les familles qui avaient tout perdu. Après, on est intervenus sur un incendie qui s'était déclaré dans un magasin : on a mis un tuyau dans la mer, on pompait, on a éteint le feu et du coup, ça m’a donné la fibre de devenir pompier."
Services techniques municipaux et ambulanciers
Devenu directeur technique à la mairie de Moindou, il suit les cours du soir dispensés par l'Association territoriale de protection civile de Nouvelle-Calédonie. C'est que, dans les années 80 et 90, les services techniques municipaux et les ambulanciers assuraient seuls l’assistance aux victimes d’accidents et la lutte contre les incendies. "Rien n’était structuré : il y avait seulement la caserne de Nouméa. Aucune autre n'existait sur le territoire [puis Dumbéa en 1995, et Païta en 1998]. C'était difficile, parce qu’il fallait avoir l’agrément pour ouvrir une caserne."
"On a eu la chance d’avoir l’ELSA, l’équipe locale de secours d’appoint, dès 1995. On n'avait pas le 18, mais on faisait des transferts d’appel quand j’étais directeur technique du SIVM, avec Ghislaine Arlie qui en était la secrétaire générale. On allait tous les deux sur les feux ou les accidents." Avec l'appui de Robert Domine, "c’est à lui surtout qu’il faut donner une médaille, parce qu’il fallait récupérer les gens pour les mettre dans l’ambulance", et d'un médecin urgentiste installé à Boulouparis, ancien pompier de Paris, le groupe fonctionne bien.
On donnait de notre personne, on n’avait même pas de casse-croûte, on ne demandait rien. C’était le cœur qui parlait. On voulait sauver des gens.
Jo Peyronnet
En avance sur les feux de brousse
"Personne n’avait pris conscience qu’il fallait éteindre les feux. Des gens sont venus de l'Hexagone en disant qu’ils n'éteignaient que les incendies de maison, et pas les brousses. J’étais furieux ! On prenait des sous-pompes d’agriculture, on mettait en pression, et ça faisait une sorte de 'Kärcher' qui nous permettait de couper les flammes à la base, c’était magnifique." La technique des contre-feux, venue d'Amérique, est aussi utilisée à l'époque. "Mieux vaut sacrifier cinquante hectares que d’en brûler mille. Aujourd'hui, les pompiers sont formés là-dessus. On peut dire qu'on était en avance !"
Le club Kiwanis offre le premier kit incendie, des battes à feu, et du matériel de désincarcération. La caserne de La Foa voit le jour en 1999. "À La Foa et à Moindou, au début, on faisait des permanences : chacun partait avec le véhicule chez soi, et dès qu’il y avait un souci, il venait nous rejoindre à la caserne. On a commencé comme ça à quelques-uns. Après, on était 18 garçons, 18 filles, on tournait."
Ça me fait plaisir qu'ils donnent mon nom à la caserne. Au début, j’ai un peu hésité, j’ai dit "vous voulez me faire mourir ou quoi ?" Parce que quand on baptise un bâtiment, c’est que la personne est décédée. On m'a répondu : "mais non ! Regarde le cinéma Jean-Pierre-Jeunet, il n’est pas mort !" J’ai dit ok, ça va.
Jo Peyronnet
La caserne de "tout le monde"
La mairie de La Foa a mis à disposition une ancienne école désaffectée. "Avec des copains, on a bouché les fissures avec des journaux, on a enduit, peint et c’était notre caserne." Le lieu était ouvert à tous. "On a dû clôturer parce que les habitants venaient jouer à la pétanque dans la cour, c’était convivial (rire)." Jo Peyronnet est un des derniers pompiers bénévoles. Depuis, ils sont professionnels ou volontaires.
Je faisais le maximum avec Philippe Gomès, lorsqu'il était président du SIVM, pour faire passer les permis de conduire aux jeunes. Et dès qu’ils l’avaient, ils partaient travailler sur mine. J’étais un peu furieux... Alors Philippe disait : 'On a fait notre travail. Tu leur a donné un départ dans la vie.'
Jo Peyronnet
"On a fait au fur et à mesure, mais les dortoirs étaient tout petits, la cuisine aussi... On a ajouté une salle de formation, puis les docks pour les camions. Aujourd’hui, c’est vraiment professionnel. On a fait une base-vie qu’ils méritent, parce qu'aller au feu, revenir, se doucher... Et puis il y a des femmes, il faut que chacun ait son coin." Dans le nouveau bâtiment, on trouve des chambres doubles, une salle de pause, ainsi que des sanitaires et des vestiaires flambant neufs. Il y a même une barre de descente, comme dans les casernes américaines.
C’est la caserne de tout le monde. Si j'avais pas les pompiers autour de moi, je pouvais rien faire tout seul. Un pour tous, tous pour un (rire)
Jo Peyronnet
Caserne Léon Joseph Peyronnet
Jo Peyronnet fait partie de ceux qui ont contribué à professionnaliser les pompiers, et à améliorer la réponse opérationnelle, en soutien à la population. Un engagement qu’il avait en commun avec d’autres, à qui il n’oublie jamais de rendre hommage. "C’est une histoire de personne, de volonté."
Quand on lui a proposé de baptiser la caserne de son nom, il a hésité. "J’ai dit : "vous voulez me faire mourir ou quoi ?" Parce que quand on baptise un bâtiment, c’est que la personne a fait quelque chose dans sa vie et qu'elle est décédée. On m'a répondu : 'Mais non ! Regarde le cinéma Jean-Pierre-Jeunet, il n’est pas mort." J’ai dit ok, ça va. Après y en a un qui m’a sorti : soit ça te fait mourir, ou ça te rallonge la vie. Je préfère la deuxième option." Tout se termine dans un rire, avec Jo Peyronnet.