Des jeunes délinquants dont le principal fait d’arme est le vol d’opportunité, en bande et sous l’influence de l’alcool : le constat est connu depuis des années. Mais l'étude dont les conclusions ont été présentées mercredi 19 janvier au gouvernement met en lumière quatre facteurs, qui rendent certains jeunes plus vulnérables à une éventuelle entrée dans la délinquance. Pierre-Christophe Pantz, responsable de l’Observatoire de la réussite éducative, y a participé.
- "C'est l’exposition à un climat de violence qui est omniprésent, une violence à la fois familiale et environnementale", cite-t-il.
- "Le deuxième facteur, c'est le décrochage scolaire", lié notamment à la défaillance parentale ou à l’effet de groupe.
- L’accroissement des inégalités sociales et économiques, ainsi que les difficultés d’accès à l’emploi.
- "Et puis toute la question des addictions, qui sont également précurseures de la délinquance juvénile."
La Calédonie a le triste record des violences intra-familiales et des violences conjugales. On voit très bien qu’il y a une empreinte de violence au sein du cercle familial qui est spécifique à la collectivité. De façon plus globale, c’est une société qui, malheureusement, de par, aussi, son histoire, vit dans un antagonisme.
Jena Bouteille, directrice de la Protection judiciaire enfance et jeunesse
Trop de dispositifs
"Les tendances récentes mettent en lumière quatre aspects", signale le document de synthèse : "la délinquance juvénile est souvent combinée à l’usage de l’alcool et de la drogue, elle est plus violente, plus précoce et tend à se féminiser". L'étude pointe également les trop nombreux dispositifs, plus de 150, qui s’adressent à la jeunesse. Elle invite les responsables politiques à davantage de coordination pour une prise en charge globale.
Etude sur les facteurs de vulnérabilité de la jeunesse calédonienne, par Charlotte Mannevy
Ailleurs, dans le Pacifique
Les auteurs se sont par ailleurs penchés sur les dispositifs qui ont fait leur preuve dans la région, et pourraient être adaptés à la Calédonie. "Notre analyse a démontré que les jeunes Calédoniens étaient exposés à des facteurs de vulnérabilités similaires à ceux qui touchent leurs voisins de la région", développe la synthèse de l'étude, "mais que la Nouvelle-Calédonie était de manière générale bien mieux armée pour y faire face. Cependant, des programmes originaux et peu onéreux tels que WAM, qui propose aux jeunes des Îles Marshall de monter en compétence tout en se réappropriant leur culture traditionnelle, ont produit des résultats probants et méritent de faire l’objet d’une réflexion en vue d’une éventuelle transposition."
Le modèle kiwi
Autre exemple, plus proche : "L’analyse du modèle néo-zélandais, de loin le plus abouti dans la région, et qui a inspiré bon nombre de ses voisins, nous a permis de mettre en exergue l'efficacité des Police youth aids, ces agents de police dédiés à la lutte contre la délinquance juvénile qui prennent en charge 80% des infractions commises par les jeunes à l’aide de mesures de justice réparatrice et qui dans la grande majorité des cas parviennent à faire en sorte que le responsable ne récidive pas."
Les auteurs de l'étude s'arrêtent encore sur "l’expérience réussie des Rangatahi courts, en Nouvelle-Zélande, et des Koori courts, en Australie". A leurs yeux, ces dispositifs "démontrent la pertinence d’une réponse culturellement adaptée et acceptée par tous au problème de surreprésentation des populations autochtones au sein de la populations délinquante, que l’on constate dans l’ensemble du Pacifique". La Calédonie, apprend-on au passage, "a déjà initié un processus visant à apporter sa propre réponse dans ce domaine en s’inspirant des Rangatahi courts". Des tribunaux maoris qui ont permis de baisser le taux de récidive des mineurs de 11% en cinq ans.
Le mineur passe devant un tribunal qui est coordonné par les autorités coutumières. Il y a toute une présentation de ce qu'est le mineur, à quelle communauté il appartient. On est dans le réancrage du mineur au sein-même de sa personnalité.
Jena Bouteille, directrice de la DPJEJ
Des pistes de recommandations
Et puis il y a le programme Youth@Work unité par la Communauté du Pacifique aux Salomon. Cette étude scientifique, sociologique et pluridisciplinaire s’inscrit dans le plan territorial de sécurité et de prévention de la délinquance pour les années 2018 à 2022. Une vingtaine de recommandations sont proposées :
- transposer cinq actions inspirées des dispositifs régionaux que nous avons cités.
- quatre recommandations liée au "climat de violence de la société calédonienne".
- Quatre autres en rapport avec la lutte contre le décrochage scolaire et l'illettrisme
- Trois suggestions pour "construire un véritable parcours, de la remobilisation à l'emploi"
- Quatre recommandations afin de "lutter contre les addictions en réalisant un accord à quatre notes".
Les auteurs cartographie enfin dix dispositifs qu'ils proposent de pérenniser. Comme le SPOT, les contrats d'insertion par le travail, le permis pour l'emploi, le Déclic, le rappel à la responsabilité parentale, le service civique de l'Etat et les réserves tribales de sécurité civile ou encore Sport pour tous.
Rendez-vous au prochain CTSPD
Le rapport découlant de cette études, 200 pages, doit être présenté aux mairies, collectivités, haussariat, etc. Ses conclusions seront notamment évoquées lors du prochain conseil territorial de sécurité et de prévention de la délinquance, qui devra valider cette feuille de route. De quoi rationnaliser les politiques publiques, pour lutter efficacement contre la délinquance juvénile. Au dernier recensement, 44% de la population avait moins de trente ans.
Déterminer les facteurs de vulnérabilité de la délinquance juvénile revêt un intérêt stratégique car il permet d’orienter les politiques publiques idoines pour une action au plus près des phénomènes de déviance et de délinquance.
Synthèse du rapport
La synthèse de neuf pages
A retrouver prochainement, le résumé télé de Natacha Lassauce-Cognard et Carawiane Carawiane