Quand les Wallisiens et Futuniens de Calédonie font les frais de la pandémie

Dans la salle principale du foyer wallisien et futunien, à Nouméa.

La communauté wallisienne et futunienne pointée du doigt, depuis les cas de Covid-19 détectés en Nouvelle-Calédonie le week-end des 6 et 7 mars. Une réelle stigmatisation, que regrettent les autorités coutumières. Ils appellent l’ensemble de la population à faire preuve d’unité, face à la maladie.

Réflexions blessantes, regards en coin, injures sur les réseaux sociaux… Depuis les cas de Covid hors quatorzaine, qui ont conduit à un second confinement de la Nouvelle-Calédonie, la communauté wallisienne et futunienne fait l’objet de réactions, parfois hostiles.

Voyez le témoignage, et les appels à la raison, recueillis par Dave Waheo-Hnasson et David Sigal :

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«Pas Wallis et Futuna qui a créé le virus»

«Je suis vraiment surpris», témoigne Kalisito Musumusu. Secrétaire général du foyer wallisien et futunien situé à Nouméa, il cite cette anecdote : «Je suis allé faire des courses et en arrivant, j’ai très bien vu que les gens qui étaient devant moi se sont écartés. Et à l’arrivée d’un autre compatriote, ils ont simplement quitté les lieux. Ce n’est pas Wallis et Futuna qui a créé le virus, c’est dans le monde entier et aujourd’hui, on nous pointe du doigt.» 

Je suis allé faire des courses et en arrivant, j’ai très bien vu que les gens qui étaient devant moi se sont écartés. Et à l’arrivée d’un autre compatriote, ils ont simplement quitté les lieux.

- Kalisito Musumusu

 

Kalisito Musumusu.


«Vous êtes la cause»

Kalisito rapporte ce qui est arrivé à «la fille d’un ami qui est allée à une pâtisserie. C’est une gamine, et une personne adulte lui fait la remarque : "Vous avez intérêt à mettre votre masque parce que c’est vous qui êtes la cause de la situation." On ne s’adresse pas comme ça à un enfant

La fille d’un ami est allée à une pâtisserie. C’est une gamine, et une personne adulte lui fait la remarque : "Vous avez intérêt à mettre votre masque parce que c’est vous qui êtes la cause de la situation."

- Kalisito Musumusu

 

Ne pas paniquer et être patient

Des propos qui rappellent la stigmatisation de la communauté asiatique au début de la pandémie. Aujourd’hui, les autorités wallisiennes et futuniennes appellent l’ensemble des Calédoniens à faire preuve d’unité face à la maladie.
Par exemple ce représentant du royaume d’Alo en Nouvelle-Calédonie, le faka fofoga Tateo Katoa «Par rapport à la situation que nous vivons actuellement en Nouvelle-Calédonie, je demande à la population de ne pas paniquer car nous, qui vivons ici sur le sol calédonien, nous sommes directement mis en cause par la gravité de cette situation», déclare le coutumier futunien. «Je demande à la communauté wallisienne et futunienne d’être patiente, et de ne pas réagir sous l’impulsion.» 

Le faka fofoga Tateo Katoa.

 

Je demande à la population de ne pas paniquer car nous, qui vivons ici sur le sol calédonien, nous sommes directement mis en cause par la gravité de cette situation. Je demande à la communauté wallisienne et futunienne d’être patiente, et de ne pas réagir sous l’impulsion.

- Tateo Katoa

 

«Tous, on a la même crainte»

Appel tout aussi solennel du faipule Atonio Ta’ofifenua, représentant du district de Hihifo en Calédonie. «Je demande à chacun d’essayer de se soutenir dans ces moments difficiles que rencontre chaque personne. Nous sommes tous des citoyens de ce territoire et tous, on a la même crainte», insiste le coutumier wallisien.
«On n’est pas différents, nous sommes des humains. C’est pour ça que je demande à chacun de se respecter. Je demande à toutes les communautés, et aussi à celle dont je fais partie, d’être au-dessus de cette maladie qui risque de nous diviser encore plus. D’être toujours unis.»

Le faipule Atonio Ta'ofifenua.

 

Je demande à toutes les communautés, et aussi à celle dont je fais partie, d’être au-dessus de cette maladie qui risque de nous diviser encore plus. D’être toujours unis.

- Atonio Ta’ofifenua

 

A quoi exposent ces propos diffamatoires ?

«Le fait de dire que quelqu’un, ou un groupe de personnes ou une personne déterminée, en raison de son ethnie, de son appartenance ou de sa non-appartenance à un groupe racial ou autre, est à l’origine de l’arrivée du virus sur le territoire est un propos diffamatoire», pose l’avocat et ancien bâtonnier Olivier Mazzoli.

Facteur aggravant

«C’est l’imputation de quelque chose de grave. Ça relève du tribunal correctionnel. C’est un délit.» Et il ajoute : «Le fait que ce type de propos diffamatoire soit tenu sur des réseaux sociaux ou, par l’intermédiaire de réseaux sociaux, sur internet, est une circonstance qui va aggraver l’infraction et alourdir la peine qui sera prononcée.» 

Maître Mazzoli au micro de Dave Waheo-Hnasson et David Sigal :

©nouvellecaledonie

 

Environ 30 000 Calédoniens

Lors du recensement de 2019 en Calédonie, un Calédonien sur douze se disait d’origine wallisienne ou futunienne. Cela représente 22 520 personnes. Mais c’est sans compter celles et ceux qui ont coché la case «plusieurs communautés», n’ont pas répondu à cette question ou se sont présentés comme tout simplement «Calédonien». On estime qu’au moins 30 000 habitants du Caillou ont leurs racines à Wallis et Futuna.

La culture wallisienne et futunienne célébrée à Dumbéa en février 2020.