Si on écoute les deux hommes dans le box des accusés, qui comparaissaient libres sous contrôle judiciaire, aucun n'aurait porté les coups mortels à Arthur, la victime. Arthur Waimo, 19 ans, avait trois grammes d'alcool dans le sang quand il est mort.
Les faits se déroulent plage de Magenta. La fête bat son plein pour l'anniversaire du père de famille, dans la soirée du 20 juin 2021. Sur place, ils sont plus d'une dizaine de personnes, toutes alcoolisées, et certains ont entamé les festivités depuis la veille.
Les témoins s'accordent à dire qu'Arthur aurait été "agité" tout au long de la journée. Sa mère, à la barre ce vendredi, s'étonne... elle qui décrit son fils comme "timide, gentil et serviable". Le soir des faits, il aurait refusé de rentrer à la maison. Et c'est là que l'histoire se brouille, car il n'y a, à ce moment-là, aucune certitude sur les faits. Difficile pour les jurés de savoir ce qu'il s'est passé exactement.
Pas de reconstitution et des approximations
Qui a porté les coups mortels ? Gratien, le grand frère qui l'aurait "corrigé" pour son mauvais comportement ? Ou Floyd, le cousin qui avait consommé beaucoup d'alcool ? Gifles, coups de poing, balayettes... Les violences sont répertoriées dans les audiences des témoins, mais les accusés peinent à se souvenir et surtout, à reconnaître les faits. Pourtant, Arthur est bien mort de coups violents portés à la tête.
En introduction de ses réquisitions, l'avocat général regrette que personne ne se soit constitué partie civile dans cette affaire de violences intrafamiliales. "Il n'y a pas de voix pour ce jeune homme, c'est le grand absent des débats". Philippe Faisandier poursuit, "quelle mort stupide, inutile", parlant d'"instruction perfectible" : "nous n'avions que des approximations lors de l'exposé des faits. Pourquoi n'y a-t-il pas eu de reconstitution pour avoir une chronologie précise ?" Il sera rejoint plus tard sur ce point par les deux avocates de la défense.
Il n'y a pas de voix pour ce jeune homme, c'est le grand absent des débats
Philippe Faisandier, l'avocat général, parlant de la victime
La circonstance aggravante, qui entraîne une gravité accrue de l'infraction
L'avocat général requiert l'acquittement pour le grand frère de la victime, car "il n'y a pas de preuve qu'il a porté les coups mortels. S'il y a un doute raisonnable, il profite à l'accusé." Pour le cousin, il demande douze ans de réclusion criminelle, obligation de soins et interdiction de porter une arme. S'il n'a pas de casier judiciaire, cet homme est décrit comme un "bagarreur très violent sous l'effet de l'alcool". Il avait deux grammes dans le sang au moment des faits.
La circonstance aggravante des violences volontaires en "réunion", fait passer à vingt ans la peine encourue.
"Autant de versions que de témoins"
"Je me suis aussi posée beaucoup de questions, avoue dans sa plaidoirie maître Anne-Laure Dumons, avocate de Gratien, le frère de la victime. Il ne se sent pas responsable, il n'a pas causé le décès d'Arthur. Il attendait simplement que la justice fasse son travail." Elle demande également l'acquittement.
"Mon client reconnaît sa responsabilité dans la mort d'Arthur, mais je ne veux pas qu'elle pèse sur ses [seules] épaules, renchérit maître Barbara Brunard, avocate de Floyd, le cousin de la victime. Quand on ne peut pas prouver les faits, ce sont toutes les personnes présentes qui sont responsables." Un peu plus tôt, elle avait tenu ces propos : "il y a autant de versions que de témoins".
"On ne peut pas dire qu'il est bagarreur, comme certains témoins l'ont fait", ajoute maître Brunard, demandant à ce que son client soit condamné à huit ans. Les juges et jurés ont prononcé des peines de sept et quatre ans de prison, respectivement pour Floyd et Gratien.