Une table bien garnie, une natte posée sur le goudron et plusieurs dizaines de participants réunis dans la bonne humeur. L'image paraîtrait presque irréelle tant elle contraste avec les scènes qui tournent en boucle depuis lundi soir sur les réseaux sociaux. La photo n'est pourtant pas truquée.
L'espace de deux heures, les habitants des logements sociaux de Vallée-des-Colons et ceux de la zone voisine, plus aisés, se sont retrouvés autour d'une "table du partage". "C'était une initiative de vivre-ensemble", confie l'un des participants. "On a bien discuté, on a mis les choses à plat. Avant cela, ils avaient peur de nous et nous avions peur d'eux. Le fait de parler nous a permis de dissiper ces peurs. La nuit a été très calme ensuite", salue-t-il.
Un évènement copieusement relayé sur les réseaux sociaux, salué par de nombreux internautes, dont certains lancent désormais publiquement des invitations à réaliser la même initiative dans leur propre quartier. Ceux de la Vallée-des-Colons, en tous cas, réitéreront l'opération. "On a prévu de se voir régulièrement, même pour l'après, car il y en aura bien un", conclut un riverain.
Les soignants se mobilisent
Veiller au collectif et penser au bien-être de tous, c'est aussi ce qu'ont décidé de faire les soignants mobilisés dans le Grand Nouméa. Beaucoup d'entre eux se sont organisés au sein d'un groupe comptant des sages-femmes, des généralistes, des chirurgiens ou encore des pédiatres, tous disposés à aider les habitants en quête de soins.
"On a essayé de mettre en place à peu près toutes les spécialités [...] En fonction des besoins, les gens des quartiers peuvent être orientés vers d'autres zones pour bénéficier de soins", explique une médecin membre de ce réseau improvisé dans l'urgence il y a deux jours.
Certains de ces soignants n'ont pas accès au Médipôle ou à la clinique Kuindo-Magnin, d'autres font le choix de rester disponibles une fois rentrés du travail, quitte à rallonger leur journée de quelques heures encore. L'initiative pourrait s'avérer précieuse si les accès aux établissements de santé restaient entravés dans les prochains jours.
Des appels spontanés en ligne
Souvent vecteurs d'appels à la haine et de fausses informations, les réseaux sociaux n'en demeurent pas moins de formidables relais de solidarité. Les publications s'y multiplient de manière spontanée. Certains proposent leurs services, à l'image de ces colotaires résidents de l'Anse-Vata, déterminés à aider les personnes vulnérables dans leurs tâches quotidiennes.
Le groupe des "Mamans ensemble", de son côté, recense les mères en manque de fournitures pour bébé : "médicaments, lait, couches et nourriture". Ses membres collectent ensuite le matériel requis et empruntent un itinéraire qui les fait notamment passer par les zones à risques pour y apporter le matériel.
D'autres utilisateurs encore se servent du réseau pour y lancer des appels aux dons, à destination des résidents d'Ehpad ou des professionnels déployés sur le terrain. "Nos pompiers luttent depuis des jours non-stop et commencent à manquer de vivres. S'il vous plaît, un élan de solidarité pour eux si vous habitez près d'une caserne", peut-on par exemple lire dans un post publié sur l'un des groupes les plus fréquentés du territoire.
"Une espèce de résilience incroyable"
En première ligne, les associations tentent elles aussi comme elles peuvent de maintenir leurs membres mobilisés malgré les blocages et autres difficultés. Alors qu'une partie conséquente des grandes surfaces de l'agglomération ont été pillées ou incendiées, l'aide alimentaire figure en bonne place parmi les priorités des bénévoles.
"On veut lancer des opérations mais ça reste difficile aujourd'hui dans les quartiers populaires", témoigne Betty Levanqué, la présidente de la Banque Alimentaire de Nouvelle-Calédonie, intervenue cette semaine dans une maison de retraite du Mont-Dore.
Son emblématique Café solidaire de la Vallée-du-Tir a beau avoir été saccagé et partiellement incendié cette semaine, la structure ne compte pas baisser les bras et entend redoubler d'efforts pour venir en aide aux publics vulnérables, "notamment les étudiants du campus de Nouville".
Et Betty Levanqué de conclure : "Il y a une espèce de résilience incroyable. Les gens se parlent, partagent malgré le fait que le coeur saigne. Le sujet du vivre-ensemble a pris du plomb dans l'aile mais je veux continuer d'y croire".