Pour se rendre dans le petit village de Gilo, au nord-est d’Honiara, il faut s’armer de patience. Sur le papier, seuls quarante-sept petits kilomètres le sépare de la capitale, mais dans les faits, le trajet prend près de deux heures. La faute à des routes en piteux état partout sur l’île, à l’exception du tronçon conduisant de l’aéroport au centre-ville, refait à neuf en fin d’année dernière en prévision des Jeux du Pacifique.
Le sujet est loin d’être anecdotique. Il est même la préoccupation première des électeurs appelés à désigner, mercredi, les cinquante parlementaires qui éliront à leur tour le futur Premier ministre. Le pro-Chinois, Manasseh Sogavare, qui a fait basculer le pays du côté de Pékin en 2019, joue sa réélection. Et la question de la présence chinoise a alimenté les débats politiques et polarisé les candidatures. Pour la première fois, les candidats étaient plus nombreux à concourir sous la bannière d’un parti ou d’une coalition qu’à titre personnel avec trois possibilités : pour Pékin, contre, et même pour le retour dans le giron taïwanais.
L'influence chinoise ? Une "préoccupation d'élus"
Mais Bradley Lenga, candidat dans les Highlands, la chaîne de montagnes qui domine Guadalcanal, le reconnaît : "Chine, ou pas Chine, ce n’est pas vraiment ce qui préoccupe mes électeurs. C’est plutôt comment vont-ils faire pour acheminer leurs produits agricoles jusqu’à Honiara, sachant qu’entre la marche et le bus, ça va leur prendre plus de huit heures de voyage. Les questions géopolitiques, c’est une préoccupation d’élus."
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L’absence de médicaments dans les hôpitaux, l’exode rural qui pousse toujours plus d’habitants à rejoindre les bidonvilles d’Honiara, ou encore l’état désastreux des écoles du pays : voilà les sujets qui intéressent les Salomonais. "Je n’ai rien à dire au sujet de la Chine, lance Wileime, 25 ans, grand sourire rougi par la noix de Bétel que les Salomonais mastiquent à longueur de journée, seulement à propos de nos leaders. C’est le seul changement qu’on veut, on ne peut pas dire que ceux qui étaient en place jusque-là ont fait grand-chose", assure le jeune habitant d’Honiara, à la recherche d’un emploi. Dans les zones rurales aussi, les Salomonais n’ont qu’un seul mot à la bouche : "le changement !", lance John, quinquagénaire de Gilo. Tout en montrant du doigt l’école, dont une salle est en dur, les autres, sommairement closes de planches de bois et ouvertes aux quatre vents.
Une participation massive
Un rêve d’avenir meilleur qui a conduit à une participation qui s’annonce massive. Dans les zones rurales, on enregistrait dans certains bureaux de vote 100 % de participation à la fermeture, et dans la capitale certains ont attendu près de six heures avant de pouvoir voter.
Les opérations de comptage devraient se poursuivre jusqu’à la semaine prochaine, notamment dans les provinces reculées, où les urnes doivent d’abord être acheminées par bateau ou par avion vers les centres de dépouillement. Mais ce n’est pas fini : après la proclamation des résultats, les tractations entre les parlementaires élus commenceront pour la constitution du gouvernement et la désignation du Premier ministre. Un processus qui peut prendre plusieurs semaines. C’est là que les positions anti et pro-chinoises s’exprimeront.