Depuis le début des émeutes, Aurore, esthéticienne, n’a quasiment plus de travail. Son voyage, qui était prévu en août pour se marier dans l’Hexagone, va donc se transformer en aller simple. Problème : ses deux chiens n'ont pas de place en soute avant le mois de novembre.
"Pas loin de 800 000 à 900 000 francs" en tout
La facture pour les faire voyager s’annonce très salée. "Il faut les faire garder en pension jusqu’à leur départ de Calédonie. Et c’est dans les 2 000 francs par jour et par chien. A cela s’ajoutent les billets d’avion, les vaccins, les cages... Cela fait un montant pas loin de 800 000 à 900 000 francs." Comme d’autres propriétaires d’animaux, Aurore a lancé une cagnotte en ligne pour financer ces dépenses qu’elle n’avait pas prévues. "Cela n’a pas vraiment marché et je peux le comprendre, car on est beaucoup dans cette situation."
Dix fois plus de demandes
Spécialisé dans le transport aérien d’animaux, l’entreprise Cargo Air services confirme que les délais d’attente se sont nettement rallongés ces derniers mois. "En vous y prenant maintenant, il faut compter un départ pour la mi-novembre, voire la fin novembre, indique son gérant David Mennesson. Nous avons dix fois plus de demandes que ce que l’on a d’habitude sur cette période-là, qui correspond à une période de départ avec la rentrée des classes en Métropole, le départ des étudiants. C’est clairement dû à des gens qui quittent le territoire depuis les émeutes."
Beaucoup de formalités administratives
Entre les demandes d’information, les devis et la constitution de dossier, la société basée à Nouméa, du côté de Normandie, traite plus de 200 mails chaque jour. Mais la marge de manœuvre des transitaires reste réduite. Seul un vol par semaine est autorisé aux animaux. "On arrive à en faire partir une trentaine par semaine, précise David Mennesson. On est limité par rapport à l’espace en soute disponible et la fréquence des vols."
Les voyages se font dans des soutes pressurisées, à températures contrôlées, avec des systèmes de ventilation adaptés au transport d’animaux. Faire voyager des animaux s’avère aussi plus technique qu’il n’y paraît. Cela nécessite un certain nombre d’intermédiaires et de formalités administratives.
Un transit par Singapour plus complexe
Or, ces démarches se sont un peu alourdies depuis qu'a été annoncée la suspension de la ligne Nouméa-Tokyo. Pour se rendre dans l’Hexagone, passagers et animaux seront désormais contraints de passer par Singapour, plus cher et plus compliqué administrativement. "Il faut obtenir un permis de transit des autorités vétérinaires singapouriennes, qui nous oblige à passer par un agent sur place, explique le gérant de Cargo Air services. Il faut compter 20 000 francs en plus par dossier." Contrairement au Japon, Singapour est aussi plus strict sur les animaux autorisés à transiter sur son territoire.
Des vols supplémentaires en août
Petite amélioration en vue : huit vols "avec plus de capacité" ont pu être négociés en août avec les compagnies aériennes, se réjouit Cargo Air services. Mais la tension se fait désormais sentir sur les cages, qui se font de plus en plus rares, et dont les normes ont récemment changé. "Actuellement, je suis en rupture de stock. Mais je pense que si j’en avais une cinquantaine disponible, elles auraient été vendues d’office, confie Sasha Watrin, gérante d’une animalerie à Normandie. Les futurs modèles qu’on va recevoir sont aux nouvelles normes. On n’a pas encore de prix mais on sait qu’on sera légèrement plus cher que ce qu’on vendait jusque-là."
Le reportage de Sheïma Riahi et Christian Favennec :
Des euthanasies de complaisance
Cage, billet d’avion, certificat de la Davar - la Direction des affaires vétérinaires, alimentaires et rurales - sans oublier la puce et le vaccin contre la rage… Pour certains maîtres de chien ou de chat qui ont perdu leur emploi, l’addition est devenue impossible à payer. "On s’attend à une vague d’abandon d’animaux. Parfois, les maîtres essaient de les replacer. On a eu aussi des demandes d’euthanasie. Et il y a des vétérinaires qui acceptent", se désole Eric Leconte, vétérinaire.
"Il y a déjà des abandons"
Les associations de défense des animaux ont contacté les services du gouvernement chargés du transport et du bien-être animal, pour réclamer plus de vols ouverts aux animaux et alerter également sur le risque d’explosion du nombre de chiens et de chats abandonnés. "Il y a déjà des gens qui disent clairement qu’ils partent sans leurs animaux. Donc oui, il y a déjà des abandons", déplore Virginie Sala, président du collectif Apanc (Associations de protection animale de Nouvelle-Calédonie). Pour l’instant, le collectif n’a eu aucune réponse.