D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Frédéric Uyttenhove a toujours aimé randonner. Marcher nez au vent, admirer la nature, quoi de plus naturel pour cet ancien professeur de SVT ? Depuis dix ans, ses promenades ont aussi un autre but : dénicher des trésors.
Lorsqu'on le suit dans ses balades, on mesure rapidement l'imagination fertile du marcheur. Un morceau de bois troué en deux endroits, ramassé au pied d'un arbre, pourra ainsi permettre de reconstituer "un beau visage et deux yeux, même s'ils ne sont pas de la même taille".
"Le premier objectif c'est de marcher et puis petit à petit c'est vrai que le regard se pose de plus en plus par terre pour ramasser des objets et raconter avec eux une nouvelle histoire", confie Frédéric Uyttenhove. Une nouvelle histoire que s'apprête à vivre, quelques centaines de mètres plus loin, un bout de palette échoué sur la plage.
"J'ai déjà fait un petit objet avec un bloc de palette comme celui-là. Je l'ai appelé Croque-Monsieur et comme j'avais envie de lui trouver une jolie dame et bien Croque-Madame va certainement prendre forme avec ce morceau de bois", sourit le sculpteur-randonneur. "La seule ambition, c'est de m'amuser, faire ma balade. Et si ça amuse les gens et bien tant mieux".
Un cagibi truffé de trouvailles
L’affaire se poursuit dans l’atelier de Frédéric, un petit cabanon installé à l'arrière de sa maison et rempli de sculptures en tous genres réalisées ces dernières années. De nombreuses caisses en plastique abritent également les trouvailles de l'artiste. Des morceaux de bois, de ferraille, des clous, des parties de tringle et parfois des outils un peu plus modernes comme les compas, avec lesquels Frédéric a récemment imaginé un nouveau concept.
"J'en ai fait des personnages, c'est la famille compas", raconte-t-il. "Je les ai habillé, ils sont animés et complètement démontables". Sur l'étagère voisine, une sculpture à l'apparence de poulpe attend d'être complétée. "C'est Poulpi, un morceau de bois que j'ai ramassé en bord de mer. Je l'ai habillé avec un piston trouvé sur une vieille carcasse de voiture. En ce moment, je lui refais son pied".
Avant de quitter son atelier, Frédéric tient à nous montrer un autre trésor : les restes d’objets anciens confiés par l’Association Témoignage d’un Passé. Ils étaient destinés à la décharge, mais le sculpteur va tenter de leur offrir un destin plus glorieux. "Après les évènements, on voit beaucoup d'objets qui ont brûlé ou ont été déformés. Peut-être l'une de mes futures expositions racontera-t-elle ces moments troubles de notre histoire", envisage-t-il.
Des oeuvres à l'adoption
Pour l’heure, Frédéric Uyttenhove écrit un nouveau chapitre de son histoire : sa deuxième exposition individuelle dans une galerie du centre-ville de Nouméa. "J'ai tout de suite adoré ce qu'il fait. C'est poétique, original, ça parle de la Calédonie, c'est plein d'amour et de gaité donc ça fait beaucoup de bien", résume Patricia, la gérante du lieu. "Tous les gens qui ont vu son exposition l'année dernière ont aimé son humour et le fait qu'il ne se prend pas au sérieux", poursuit-elle.
La nouvelle exposition regroupe 55 sculptures ou GRE, comme les surnomme affectueusement leur créateur. Chaque oeuvre est accompagnée d’un QR code. Il renvoie à un blog qui décrit l’objet : son nom, son histoire réelle et inventée et, le cas échéant, le nom de l’adoptant.
"Quand vous l'adoptez, vous avez un certificat d'adoption et votre nom apparaît sur notre site. Si on me donne une photo de l'endroit où est le GRE, c'est encore mieux. De cette manière, on visualise bien dans quelle nouvelle maison il est et avec qui il vit", précise Frédéric Uyttenhove. 40 GRE ont déjà été adoptés. Une cinquantaine est à l’adoption. Tous sont faits de bois, de fer, de fer et d’un matériau rare : notre âme d’enfant.