Témoignage : la séropositivité et le désir d’enfant

A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le Sida, rencontre avec un couple sérodifférent : elle est positive, lui négatif. Et ensemble ils ont eu une petite fille, séronégative. Un message d’espoir qu’ils ont voulu transmettre. 
En Nouvelle-Calédonie, trois cents personnes sont séropositives et traitées. Depuis trente ans, le VIH est souvent encore associé à l’idée de mort, de faute, et de sexe. Conséquence : personne ne veut témoigner pour ne pas être rejeté et pour se protéger du regard des autres.
Au début des années 2000, avec la trithérapie, la vie des séropositifs s’est considérablement améliorée : si la personne prend régulièrement son traitement, sa charge virale devient alors indétectable. En clair : elle ne peut plus contaminer son partenaire.
Un énorme espoir pour beaucoup de couples sérodifférents (l’un positif et l’autre négatif). Envisager un projet parental pour donner naissance à un enfant séronégatif devient une réalité.
Avec le soutien de l’association Solidarité SIDA NC, NC la 1ère a pu recueillir le témoignage d’un couple sérodifférent qui a donné naissance à Nouméa, en 2006, à une petite fille qui n’a pas été contaminée.
Thierry Rigoureau a rencontré Catherine et Karl (les prénoms ont été modifiés), la cinquantaine, chez eux, dans la banlieue de Nouméa. 
 

Je sais que notre histoire est incroyable mais encore maintenant, c’est pas le VIH qui me fait peur , c’est le regard des gens !

Catherine

 

Catherine : c’est moi qui suis séropositive depuis trente ans. J’ai rencontré Karl il y a dix-huit ans et au bout de quatre ans de vie commune, on a eu un bébé. Une fille. Ca a été une renaissance pour moi ! 
Karl, c’est mon sauveur. Quand je lui ai dit « je voudrais un enfant », il a accepté. J’étais séropositive depuis longtemps, je n’avais plus d’espoir, j’étais persuadée de finir seule et un enfant, c’était même pas en rêve !

Karl : je voulais l’aider, j’avais peur c’est sûr. C’était il y a quatorze ans. A l’époque, ça faisait peur le SIDA. Y’avait un protocole strict avec les médecins, on a posé beaucoup de questions  mais j’ai fait confiance.
 

C’était un cadeau extraordinaire… depuis quatorze ans, chaque jour est un cadeau !

Catherine



Catherine : En 2005, 2006, être séropositive et enceinte, c’était rare à Nouméa. J’étais très suivie pendant toute la grossesse. Et quand notre fille est née, on a du attendre trois mois pour confirmer qu’elle était vraiment négative, pas contaminée.

Karl : Ça a été très long,  mais quand on nous a dit « elle est séronégative », c’était le bonheur !
Catherine : C’était un cadeau extraordinaire…Depuis quatorze ans, chaque jour est un cadeau ! J’y pense encore tous les jours, vraiment !
 

On vit comme Monsieur et Madame tout le monde, on mange pas avec des gants !

Karl

 
Catherine a des cachets à prendre tous les jours.

Thierry Rigoureau : Pourquoi, aujourd’hui, après toutes « ces années de silence », accepter de parler ?

Karl : Moi, je travaille dans une entreprise à Ducos. Quand les gens, même des potes, parlent du SIDA, c’est toujours pareil. « maladie d’homos », vous voyez ce que je veux dire…« ça nous concerne pas »…Si ils savaient ! C’est pour ça que j’étais OK pour parler. Faut changer les mentalités. 
C’est comme le Covid…au début, c’était le virus des Chinois et pis maintenant , c’est partout !! mais y’en a qui disent toujours « à cause des Chinois ».
Au début, le SIDA, le VIH, c’était surtout les homosexuels et il y en a beaucoup qui mourraient, on en parlait tout le temps mais après, tout le monde pouvait l’attraper : hétérosexuels, homos, jeunes, vieux… Sauf qu’on parle toujours que des homos. 
Le VIH, c’est pas ça. On vit comme monsieur et madame tout le monde, on mange pas avec des gants.
 

On veut donner de l’espoir à des jeunes ! Faut pas avoir honte !

Catherine


   
Catherine : Et c’est ça qui est le plus difficile. Toujours se cacher. Cacher ses médicaments, avoir peur à la douane quand on rentre de vacances qu’on me pose des questions, rien montrer. Protéger son secret. Mais bon, c’est pas grave, on est heureux !
La séropositivité, ça ne se voit pas. On aimerait bien que le regard sur cette maladie change. y’a des familles qui sont touchées, y’a des couples hétéro qui vivent avec.
On veut donner de l’espoir à des jeunes. Faut pas avoir honte. Il faut que les gens comprennent, qu’en 2020, on ne meurt plus du SIDA. C’est pour ça qu’il faut faire se faire dépister si on a un doute.
Et si jamais on est positif, il y a de l’espoir, il y a des traitements et on peut fonder une famille, être amoureux, ne pas contaminer son conjoint et avoir une vie normale. Et je peux vous dire que ça change tout ! Il y a trente ans, j’étais toute jeune quand j’ai appris ma séropositivité, c’était un drame, un choc, je pensais que j’allais mourrir.
 

On a une vie amoureuse et sexuelle comme tous les autres couples !

Karl



Karl : Et bon, je le dis….oui, on a une vie amoureuse et sexuelle comme tous les autres couples !