Elles ont été créées par la loi référendaire du 9 novembre 1988. NC la 1ère rappelle les fondamentaux, concernant les provinces de la Nouvelle-Calédonie.
1 Après les régions
Avant les provinces, il y a les régions. Les régions Sud, Centre, Nord et Îles sont instaurées par le statut Fabius-Pisani, d'août 1985. Elles sont dotées de pouvoirs étendus. Ceux-ci sont limités par le premier statut Pons (1986-1988). Ensuite, place aux régions Sud, Ouest, Est et Îles, telles que déployées avec le statut Pons II, en janvier 1988. Il n'entre pas en vigueur dans les faits.
2 Nées des accords
Les "Evénements" qui endeuillent le pays en ces années quatre-vingt atteignent un summum à Ouvéa, en avril-mai 1988, avec l'attaque sur la brigade et la prise d'otages dans la grotte. Suit la poignée de main passée à la postérité, symbole des accords signés à Matignon et Oudinot entre l’Etat, les partisans de l’accès à l’indépendance et les défenseurs du maintien dans la France. Quelques semaines plus tard, la fameuse loi référendaire concrétise une nouvelle organisation institutionnelle. Collectivités territoriales de la République, les provinces ont un statut et un domaine de compétences uniques en France.
3 Des réalités différentes
- La province Sud couvre treize communes. C'est la plus peuplée, avec environ 203 000 habitants au dernier recensement. La plus urbanisée, la mieux dotée et la plus développée, aussi. On y trouve Nouméa, le chef-lieu, son agglomération à savoir les villes de Dumbéa, du Mont-Dore et de Païta, l’île des Pins et huit municipalités rurales de la Grande terre. Curiosité du découpage, négociée et validée par décret d'Etat, Poya se retrouve à cheval entre la province Sud, où se trouve le petit foyer de Moindah, et la province Nord. Non sans lourdeurs et situations insolites.
- La province Nord, la plus étendue, avait 69 000 habitants au recensement de 2019. Elle regroupe dix-sept communes en comptant Poya Nord : les îles Belep, le Nord-Ouest de la Grande terre (dont le chef-lieu Koné) et la côte Est, à part Thio et Yaté. Une diagonale permet d'inclure Canala. En 1995, celle-ci a vu Kouaoua se détacher et former une nouvelle commune.
- La province des îles Loyauté, 18 000 habitants, est basée à Lifou, à laquelle est rattachée Tiga. Elle couvre aussi Maré et Ouvéa.
4 Un scrutin réservé à certains
La première élection provinciale a eu lieu le 11 juin 1989. La dernière en date, le 12 mai 2019. Les assemblées sont élues pour cinq ans, au suffrage universel direct, à la proportionnelle de liste et avec un seul tour. Tous les électeurs calédoniens ne sont pas autorisés à voter. Pour avoir le droit d'intégrer la LESP, la liste électorale spéciale pour les provinciales, c'est comme pour les consultations d'autodétermination : il faut remplir des conditions, notamment être arrivé(e) en Calédonie avant 1998. C'est la logique du corps électoral restreint, encadrée par l'Accord de Nouméa. Un combat politique de longue date, toujours au cœur des débats, soit pour le garder soit pour l'ouvrir. En mai 2023, 42 596 électeurs calédoniens ne pouvaient pas voter aux provinciales.
La province a montré que nous pouvions arriver à discuter, à innover, à s'engager tous ensemble pour l'intérêt de tous les Calédoniens. Y compris ceux qui viennent des autres provinces et ceux qui ne peuvent pas participer à nous élire.
Sonia Backès, présidente de la province Sud, 9 novembre 2023
5 Le chemin vers le Congrès
Les assemblées de province ont un pouvoir législatif, et désignent leur président(e) qui détient un pouvoir exécutif. Quarante conseillers sont élus à l'assemblée Sud. 22, à celle du Nord. Quatorze aux Îles. Une partie d'entre eux forment ensuite le Congrès, où ils siègent aussi - 32 venant de la province Sud, quinze du Nord et sept des Îles. La représentativité n'est pas proportionnelle au nombre d'électeurs. Elle a été réfléchie de façon à partager le pouvoir. Et à rééquilibrer la présence, dans les institutions, des Kanak, des indépendantistes et de régions moins développées. C'est la clé de répartition des sièges.
Le président de chaque province a un pouvoir de contrôle sur le Congrès : quand une loi du pays est votée boulevard Vauban, il ou elle peut demander qu'elle soit réexaminée en seconde lecture. C'est aussi dans ses droits de saisir le Conseil constitutionnel.
6 Un champ d'intervention très large
Sur le papier, les provinces ont une compétence dans les secteurs qui ne sont pas attribués par la loi à l’État, à la Nouvelle-Calédonie ou aux communes. Leur champ d'action est très grand. Leur casquette d'employeur, aussi. Chargées de l'enseignement dans le public, elles gèrent la scolarisation dans le primaire et construisent les collèges. Dans la santé, elles s'occupent des centres médico-sociaux ou de l'aide médicale gratuite prodiguée aux habitants les moins favorisés. Les provinces ont une importante compétence économique et touristique. Même chose en matière d'environnement. Sans oublier le développement rural et maritime, la jeunesse et les sports, ou encore la culture et la protection du patrimoine. Elles gèrent par ailleurs le réseau routier qui leur incombe, voire au-delà.
7 Les compétences questionnées
Car dans la pratique, plusieurs compétences sont partagées entre les collectivités calédoniennes, ce qui entraîne des chevauchements ou des collisions. Par ailleurs, certaines ont été déléguées par la Nouvelle-Calédonie aux provinces. Leur compensation financière fait débat. À l’inverse, à la question "que faut-il moderniser au niveau des provinces", l'ex-président des îles Richard Kaloï répond par exemple : le transfert de certaines compétences provinciales au gouvernement, comme la santé, l'environnement ou encore le tourisme. C'est un reportage de Dave Waheo-Hnasson.
Le tourisme doit être géré par une seule collectivité, le territoire. On ne peut pas orienter trois politiques, si on n'est pas d'accord entre nous.
Richard Kaloï, ancien président de la province des îles Loyauté
8 La clé de répartition coince
Si l'exercice des compétences fait partie des sujets politiquement sensibles, c'est encore plus le cas pour le corps électoral, et la clé de répartition des ressources. Les provinces puisent la majeure partie de leurs recettes dans les dotations qui viennent de la Nouvelle-Calédonie. À l’époque des accords, le fonctionnement de ce financement a été déséquilibré exprès, là aussi dans un objectif de rééquilibrage vers le Nord et les Îles. Plus des deux tiers des Calédoniens vivaient alors dans le Sud, mais il a été décidé que le montant ne reflèterait pas le nombre d'habitants. L'exécutif du Sud dénonce que le dispositif ne soit pas ajusté alors que désormais, trois Calédoniens sur quatre vivent dans cette province.
9 Le Sud, de Jacques Lafleur à Sonia Backès
Qui dirige une province dispose d'un puissant mandat, à l'échelle calédonienne. Dans le Sud, la "Maison bleue" a toujours été dominée par les non indépendantistes, même si la majorité est passée d'une tendance à une autre. Le premier président, de 1999 à 2004, est l'un des acteurs de la poignée de main : Jacques Lafleur, patron du RPCR devenu Rassemblement. Philippe Gomès s'asseoit dans le fauteuil de 2004 à 2009, sous étiquette Avenir ensemble puis Calédonie ensemble. Retour au Rassemblement avec Pierre Frogier, de 2009 à 2012, et Cynthia Ligeard, de 2012 à 2014. Calédonie ensemble revient aux manettes à travers Philippe Michel de 2014 en 2019. La présidente depuis 2019 est Sonia Backès, 47 ans. Soit deux femmes en trente-cinq ans. Pendant quinze mois, la dirigeante des Républicains calédoniens a exercé ce mandat tout en étant secrétaire d'Etat chargée de la Citoyenneté dans le gouvernement d'Elisabeth Borne.
J'observe qu'en trente-cinq ans, il y a eu beaucoup d'alternance politique, en province Sud. Ce qui est le signe d'une vitalité démocratique.
Philippe Michel, ex-président de la province Sud, dans l'opposition actuelle
10 Au Nord, Léopold Jorédié et Paul Néaoutyine
Les provinces Nord et îles s'avèrent, elles, des fiefs indépendantistes, même si les tendances internes s'y confrontent. Elles ont toujours été pilotées par un homme. Dans le Nord, il n'y en a eu que deux. D'abord Léopold Jorédié (Union calédonienne puis FCCI), de 1989 à 1999, dont plusieurs années en étant maire de Canala. Ensuite, Paul Néaoutyine (UNI-Palika), en place depuis 1999, âgé de 72 ans et maire de Poindimié.
Beaucoup des choses existantes sont le résultat de notre gouvernance, bien entendu en siégeant avec l'ensemble des élus, et à chaque mandature, nous avons réussi à délibérer presque tout le temps à l'unanimité.
Paul Néaoutyine commentant sa réélection à la présidence de la province Nord, en mai 2019
11 Les Loyauté, de Richard Kaloï à Jacques Lalie
L'UC Richard Kaloï, natif de Maré, étrenne la présidence de la province Îles, de 1989 à 1995. Également venu du pays nengone, le grand chef de Guahma Nidoïsh Naisseline (LKS) lui succède, de 1995 à 1999. La présidence revient ensuite dans le giron de l'UC, et échoit à des politiques issus de Lifou. Robert Xowie, de 1999 à 2004. Neko Hnepeune, de 2004 à 2019. Et depuis 2019, Jacques Lalie, 68 ans (UC Renouveau).
12 Et après ?
Le rythme électoral voudrait que les assemblées de provinces soient renouvelées en mai 2024. Mais les trois consultations référendaires sur l'accession à la pleine souveraineté ont eu lieu, et la question de l'après Accord de Nouméa est posée. En ce mois de novembre 2023, les discussions se veulent en cours pour trouver un consensus sur un éventuel statut, l'organisation institutionnelle, le corps électoral, la réforme constitutionnelle qui s'impose pour faire évoluer celui-ci... Autant de sujets qui touchent aux provinces calédoniennes.