Un ancien coach d’escalade a été condamné vendredi à trois ans de prison dont deux fermes pour atteintes sexuelles sur mineur et corruption de mineur. Des faits commis en Métropole, en 2006-2007, et en Nouvelle-Calédonie, entre 2012 et 2015.
C’est une histoire qui devient presque tristement banale à l’heure où la parole se libère dans le sport. L’histoire d’un moniteur d’escalade charismatique très apprécié de ses jeunes élèves mais qui est accusé par deux d’entre elles de viol – des faits requalifiés par la justice en atteinte sexuelle - à la veille de leurs 16 ans. Ces faits, jugés vendredi 23 avril par le tribunal de Nouméa, se sont déroulés dans les Pyrénées en 2006 et 2007, mais ont été révélés récemment par les victimes de ce professionnel, installé depuis en Nouvelle-Calédonie.
Des messages à caractère sexuel
Des plaintes qui font ressurgir deux autres dossiers, initialement classés sans suite. Cette fois, ce sont deux petites Calédoniennes, 14 et 15 ans au moment des faits, qui accusent le coach de leur avoir envoyé des messages sexuellement explicites via internet en 2012 et en 2015. "Ce qui est inquiétant c'est que le prévenu ne semble pas avoir compris qu'il s'agissait de jeunes filles qui n'étaient pas du tout en mesure de comprendre ce qu'ils leur arrivaient à l'époque des faits et pas du tout en mesure de se défendre", indique Barbara Brunard, l'avocate de la partie civile.
A chaque fois, la conversation suit le même schéma. L’adulte, alors âgé d’une trentaine d’années, pose des questions : dorment-elles habillées ou nues ? Quelles sont leurs pratiques sexuelles avec leurs petits copains ? Est-ce qu’elles ont déjà envisagé une relation avec un trentenaire ?
A la lumière des faits qui se sont déroulés en Métropole, la procureure de la République décide de regrouper les quatre dossiers. Affaires dont l’accusé répondait ce vendredi. Les conversations ? Un jeu, selon lui, d’ailleurs les jeunes sportives lui répondaient, assure-t-il. Les relations sexuelles en France avec des jeunes filles d’à peine 16 ans ? Elles étaient consentantes, avance l’accusé.
Un déni de responsabilité qui surprend la juge, Lise Prenel. "Avez-vous entendu parler des débats autour du consentement ?", lui demande-t-elle. "Comprenez-vous qu’une jeune fille de 15 ans dont le moniteur met les mains sous son tee-shirt ne sache pas comment réagir ?" L’homme - qui à aucun instant ne reconnaît que sa position d’autorité a pu peser sur les victimes - estime, lui, avoir vécu, du moins avec deux des jeunes filles, de belles histoires d’amour.
"Dans son mode de fonctionnement, et tout ce qui résulte de ses déclarations, il n'a jamais fait usage de la moindre violence ou de la moindre pression psychologique, ou de la moindre incitation du fait de ses fonctions de coach pour obtenir des faveurs sexuelles de la part de ses personnes", précise son avocat.
Quel rôle ont joué les clubs sportifs dans cette affaire ?
Outre la question du consentement, la lumière est mise ici sur le rôle des clubs sportifs dans ce genre d’affaires. Averti dès 2007 par l’une des victimes, le club de Pau, où celle-ci était licenciée à l'époque, avait indiqué aux parents que c’était à eux de porter plainte, et que le club s’alignerait sur leur position.
Les parents de la jeune fille, qui craint alors pour son avenir dans l’escalade et ressent un fort sentiment de culpabilité, suivent sa décision et renoncent à cette époque à entamer une procédure. IDix ans plus tard, la victime, devenue adulte s'est décidée à porter plainte. Le dirigeant du club est alors entendu par les enquêteurs, devant lesquels il reconnaît "ne pas avoir fait remonter les faits. J’ai gardé ça pour moi. Oui, cela m’a étonné mais je n’en ai pas parlé." Le moniteur a-t-il senti le vent tourner ? "Il est parti fin 2008, je pense que ces faits ont influencé sa décision", confie le même dirigeant dans son audition.
A Nouméa, le club a joué un rôle tout autre. C’est un entraîneur entendant une conversation entre jeunes filles qui s’est inquiété d’échanges qu’il soupçonne inappropriés. La ligue d’escalade a ensuite contacté les parents pour les inciter au dépôt de plainte, avant d’alerter le procureur. "Les mentalités ont évolué, ce qui était peut être toléré et accepté il y a 20 ans, ne l'est plus aujourd'hui et c'est ce qui conduit de plus en plus de victimes à déposer plainte et il faut les encourager dans cette voie", indique Barbara Brunard, l'avocate de la partie civile.