Une pénurie de médecins inquiétante

Il ne reste plus que neuf ophtalmologues sur le territoire.
La Nouvelle-Calédonie est-elle en train de devenir un désert médical ? La situation dans plusieurs secteurs est jugée catastrophique par les professionnels de santé. Concrètement, les listes d'attente s'allongent et certains services hospitaliers sont devenus inopérants.

Des mois d'attente pour finalement entendre : "C'est pour vous prévenir que vos lunettes sont prêtes." Un indicateur qui ne trompe pas, chez les opticiens, les clients sont de plus en plus nombreux à se présenter sans ordonnance. "De plus en plus, on a des clients qui viennent avec la même ordonnance pour qu'on renouvelle la prescription, parce qu'effectivement c'est plus compliqué d'avoir un rendez-vous chez un ophtalmologue. Nous, on peut renouveler les ordonnances. C'est-à-dire qu'on ne peut pas faire la première ordonnance, mais on peut la renouveler sur trois ans. On est formé à faire des examens de vue, afin de réadapter s'il y a un changement de correction nécessaire", explique Sarah Dubois, opticienne.

Deux mois d'attente

Une solution qui ne concerne que les examens basiques, car pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue pour d'autres pathologies, la situation se complique. Ils ne sont plus que neuf sur le territoire. Même chez les praticiens mutualistes, la situation s'est aggravée. La mutuelle SLN qui compte quatre cabinets d'ophtalmologie sur le territoire peine à recruter et les listes d'attente s'allongent. "Notre patientèle aujourd'hui grossit de plus en plus, parce que le nombre d'ophtalmologues en Calédonie est en train de diminuer. Le délai d'attente est d'une soixantaine de jours. On est en recherche perpétuelle de médecins ophtalmologues", confirme Claude Eprinchard, directeur général adjoint de la mutuelle SLN. 

La situation touche plusieurs spécialités.

Également en cardiologie et en psychiatrie

Cette pénurie ne se limite pas aux ophtalmologues. Chez les généralistes, comme dans d'autres spécialités, depuis des années les départs ne sont pas compensés. Que ce soit chez les libéraux ou les praticiens hospitaliers.

Au conseil de l'ordre des médecins, la situation est jugée inquiétante. "Pour ne pas dire presque catastrophique, précise le docteur Bruno Calandreau, président de l'ordre. Il y a des services qui sont en grande difficulté, en particulier au CHT et au CHS, parce qu'on manque de médecins. Et un service ça ne tourne pas sans médecin. Les petits services, avec un seul médecin, ne peuvent pas tourner tous seuls. Il y a des difficultés, en gastro-entérologie par exemple. Il risque d'y avoir de grosses difficultés en cardiologie et c'est un service qu'on ne peut pas fermer. On ne peut pas évasaner tous les patients qui ont des problèmes cardiaques. Il y a aussi des problèmes en psychiatrie, où il y a eu des fermetures de lits, parce qu'il manque huit médecins au CHS actuellement sur vingt médecins."

Risques de complication pour les patients

Manque d'attractivité de la Nouvelle-Calédonie, problèmes de sécurité en Brousse, instabilité institutionnelle, les causes sont nombreuses et les conséquences  fâcheuses : risques de complications pour les patients ou augmentation des évasans à cause de services inopérants. Les dysfonctionnements de notre système de santé ne sont pas uniquement d'ordre financier.

Le reportage de Bernard Lassauce et Carawiane Carawiane :

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