Le gouvernement américain devrait investir dans la capacité de raffinage du nickel en coordination avec ses alliés, pour la chaine d’approvisionnement critique des batteries, selon un rapport récent de l’administration Biden.
C'est une priorité inattendue. Le nickel ne figure pas, ou pas encore, sur la liste américaine des métaux critiques. Pourtant les Etats-Unis dépendent des importations. 68% des approvisionnements en nickel proviennent, selon le rapport, des "nations alliées" telles que le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Calédonie, la Norvège et la Finlande.
"S'il existe des opportunités pour les États-Unis de cibler et de développer une partie de la chaîne d'approvisionnement des batteries, il faut la saisir pour assurer la stabilité de la filière à court et moyen terme et l’indépendance du pays", indique le rapport de la Maison Blanche, cité par l’agence Reuters.
Nouvelle-Calédonie
Elon Musk, le PDG de Tesla n’a pas attendu ces recommandations. Il achète une partie de la production de l’usine calédonienne du Sud (Prony Resources) qui produit du nickel de qualité batterie. Une production essentielle pour l’approvisionnement et la sécurité des Etats-Unis. Notamment pour les batteries destinées à un usage militaire.
D’autant que la Chine dispose d’une usine de nickel comparable en Papouasie-Nouvelle-Guinée avec le site industriel de Ramu.
Les États-Unis dépendent des importations pour tout le spectre des métaux sensibles, une grande partie de la chaîne d'approvisionnement étant captée par la Chine, un partenaire commercial problématique et un adversaire militaire identifiée.
En juin, le ministère de l'Énergie (DOE) a identifié le nickel de classe 1, le type le mieux adapté aux batteries lithium-ion, à la fois comme "une vulnérabilité et une opportunité".
L'accent mis sur le nickel ne signifie pas que la Maison Blanche se désintéresse d'autres matériaux de batterie critiques tels que le lithium et le cobalt, mais le nickel de qualité batterie est désormais prioritaire.
L'ambition est donc de stimuler davantage l'exploitation minière nationale et, plus important encore, la transformation nationale grâce à un mélange de garanties d'achat, de financement fédéral et de recherche et développement.
Le président Biden s'est engagé à investir dans les capacités de fabrication nationales des États-Unis et à éloigner le pays de sa dépendance à l'égard d'adversaires – dont la Chine – pour les intrants essentiels
En ce qui concerne le nickel, cependant, la seule mine américaine active - le site Eagle dans le Michigan - doit fermer ses portes en 2025 et les gisements nationaux sont petits et à faible teneur. Il n'y a pas de capacité nationale de traitement du nickel en dehors d'une quantité limitée de production et de transformation.
Des quantités de nickel intermédiaire de classe 1 sont importées notamment d’Australie (Murrin Murrin) et de Nouvelle-Calédonie (Prony Resources), avant d’être raffinés une dernière fois dans de petites unités hydro métallurgiques sur le territoire nord-américain. Il y a bien le Canada, les grands gisements miniers de Sudbury ne sont pas si éloignés, mais la production de nickel de qualité batterie n'a pas encore la priorité.
Ce nickel "spécifique", destiné aux batteries, est celui qui connaîtra probablement l'augmentation de la demande la plus importante au cours des prochaines années, souligne le rapport de l’administration Biden, avec "des indications montrant qu’il pourrait y avoir une grande pénurie de nickel de classe 1 au cours des 3 à 7 prochaines années".
En effet, avec l'augmentation de la teneur en nickel dans la conception des cathodes de batterie, le fait de ne pas avoir assez du bon type de nickel "pose un risque sur la chaîne d'approvisionnement des batteries dans le monde occidental, pas seulement aux États-Unis".
La demande de nickel augmente car les constructeurs automobiles tentent de réduire leur utilisation de cobalt, un métal éclipsé par une chaîne d'approvisionnement peu vertueuse qui dépend de la République démocratique du Congo (RDC) où le travail des enfants serait encore fréquent dans les mines.
Le ministère de l'Énergie des Etats-Unis veut donc aider les constructeurs automobiles américains en s'engageant dans "une initiative pluriannuelle pour résoudre les problèmes scientifiques et techniques liés à la réduction et à l'élimination du cobalt dans les batteries de véhicules électriques".
Le renforcement des capacités de recyclage sera également essentiel pour réduire la dépendance vis-à-vis des minéraux, selon les experts gouvernementaux.
Le recyclage des batteries pourrait couvrir jusqu'à 30 % de l'utilisation de nickel et 80 % de cobalt dans les véhicules électriques d'ici la fin de la décennie, mais il existe de nombreux obstacles pour y parvenir.
Il faudra une politique nationale de recyclage pour coordonner un secteur qui est actuellement fragmenté par la législation des États. "Sans une uniformisation de la législation, les batteries des automobilistes américains iront à la décharge ou seront exportées vers d'autres pays où les métaux seront extraits".
URGENCE NICKEL
Le monde aura besoin de beaucoup plus "de ce nouveau nickel" avant que le recyclage puisse avoir un réel impact, estime de son côté l’agence Reuters.
"Il y a un boom de l'extraction et de la transformation du nickel en cours en Indonésie", une usine dont la production sera comparable à celle de Prony Resources en Nouvelle-Calédonie, est en construction.
Mais plutôt que d'offrir un quelconque réconfort aux États-Unis, la domination des acteurs chinois, comme Tsingshan, signifie simplement que le pays risque "de prendre encore plus de retard sur la Chine dans ce minerai critique".
A ce titre, "il y a urgence à développer une stratégie autour du nickel de classe 1", conclut le rapport. A commencer par la construction d’une grande usine de traitement de nickel financée par les États-Unis. Reste à savoir où…
Cours du nickel au LME de Londres, le 23/06/2021 à 18:00 GMT 18 060 USD +1,67%