Les développements des batteries, notamment celles des véhicules électriques, remodèlent fondamentalement la chaîne d'approvisionnement du nickel. Au fil du temps, Il va falloir beaucoup de sulfate. Encore faut-il que les projets aboutissent et que les usines produisent.
Le métal a plusieurs applications dans les batteries. Il y a le nickel-métal-hydrure (NiMH) et le nickel-cadmium (NiCd), mais sa consommation n'a jusqu'à présent pas encore dépassé 5 % de la production mondiale. "Cependant, la demande de nickel dans les batteries lithium-ion fera bientôt du secteur le second en importance, après l’acier inoxydable" ont pointé les analystes britanniques de l’agence Roskill.
35 terres de nickel, combien d'usines ?
De l’Albanie au Zimbabwe, en passant par la Nouvelle-Calédonie, 35 pays sont des producteurs miniers de nickel, selon les données de l’INSG. De la mine à l’usine en revanche, seuls 11 pays disposent d'une capacité hydro métallurgique pour du nickel de classe 1, potentiellement celui des batteries électriques : l’Australie, le Brésil, le Canada, la Finlande, l’Indonésie, le Japon, Madagascar, la Nouvelle-Calédonie, la Norvège, la Papouasie-NG, la Russie…Et bientôt Chypre.
Mais les usines hydro métallurgiques sont fragiles, seule une minorité des grands sites mondiaux arrive à une production nominale. "Risque d’encroutement dans l’autoclave, corrosion diabolique de l’acide sulfurique malgré l’utilisation de titane, notamment sur les joints dans les centaines de kilomètres de tuyauterie", indique un spécialiste calédonien. Glencore fait face à cette réalité dans son usine australienne de Murrin Murrin.
Une route cahoteuse ?
La grande initiative mondiale visant à promouvoir les véhicules électriques (VE) comme moyen de réduire les émissions des véhicules à combustible fossile a déjà entraîné "une augmentation de la consommation de nickel de classe 1 dans le lithium-ion", précise la dernière publication de Roskill. Toutefois, ajoute le consultant londonien, la route vers l'électrification pourrait être cahoteuse. La demande de nickel du secteur des batteries est encore fluctuante, en raison de la crise Covid et de la baisse de la croissance des ventes de véhicules électriques en Chine, suite au retrait des subventions du gouvernement.
Des batteries électriques et du nickel : interviews de Nicolas Mazzuchi, économiste et chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FSR) et Matthew Chamberlain Président de la Bourse des métaux de Londres. Images Nordine Bensmail.
Avec ou sans nickel
Les fabricants de batteries et les équipementiers s'orientent vers des batteries à plus haute densité d'énergie et des options à plus longue portée. Les cathodes NCM (Nickel-Cobalt-Manganèse-Lithium) et NCA (Nickel-Cobalt-Aluminium) devraient donc être les technologies dominantes au cours de la prochaine décennie. Dominantes mais pas exclusives...
Les batteries LFP (Lithium-Fer-Phosphate), "ont l’avantage d’être moins chères, car elles ne contiennent pas de cobalt et de nickel, qui sont remplacés par du fer et du phosphate, mais elles ont une faible autonomie, les constructeurs automobiles, notamment chinois, les réservent aux petites citadines urbaines", pondère Christian Hocquard, spécialiste des questions énergétiques et consultant en matières premières (Commodities).
Perspectives
Les perspectives à long terme de la demande de nickel dans les batteries restent solides, mais à court terme, la croissance de la demande des véhicules électriques (VE) sera plus lente. Pour Roskill, elle passe par l’adoption de la dernière technologie disponible, la batterie de type NCM811 (Nickel-Manganèse-Cobalt), à haute teneur en sulfate de nickel, elle en contient plus de 40 kg. "Cette batterie est issue d’une filière complexe, c’est un produit sophistiqué qui nécessite beaucoup de sulfate de nickel, pour le moment, elle détermine le taux de croissance du nickel de qualité batterie", ajoute Christian Hocquard.
Face à une situation incertaine de l'offre et de la demande, les cours sont volatils. Les prix du sulfate de nickel ont considérablement fluctué en 2020, reflétant l'effet d'entraînement des principaux changements qui se produisent sur le marché mondial, mais plus spécifiquement, en raison de leurs propres fondamentaux ainsi que de facteurs de saisonnalité.
Nouvelles usines
À l'avenir, il est clair pour Roskill qu'une nouvelle capacité de production de sulfate de nickel sera nécessaire et la chaîne d'approvisionnement réagit déjà. La capacité est rapidement ajoutée par la montée en puissance des producteurs intégrés (comme Jinchuan), par les conversions d'usines existantes (comme BHP Nickel West en Australie et Terrafame en Finlande) et "par le biais de nouveaux processeurs qui modifient la composition des batteries et permettront de substituer toute sorte de nickel transformé", poursuit Roskill rejoint par d'autres analystes. En Finlande encore, le numéro 1 mondial, Nornickel a décidé de booster la production de l'usine d'Harjavalta pour produire du nickel de qualité batterie. Cette usine aurait pu voir le jour en Nouvelle-Calédonie, mais le projet Nakety a été stoppé en 2002.
Conversion au nickel électrique
Au cours de la prochaine décennie, on s'attend à ce que d'autres producteurs existants se convertissent également à la production de sulfate. L’hypothèse est sérieusement envisagée par le leader européen du ferronickel, le Grec Larco, concurrent et jadis associé de la SLN calédonienne. Là encore, le facteur déterminant sera le prix du nickel, le coût de production et la volonté d'un nouvel investisseur d'investir dans un convertisseur.
Tous les nickels ?
Une question clé pour le marché est de savoir d'où peut provenir la matière première pour la production de sulfate de nickel. Roskill répond : "Il peut être produit en utilisant des variété de matières premières issues du minerai, telles que le sulfate de nickel brut produit notamment en Australie et en Indonésie, ou encore les hydroxydes de nickel (NHC-MHC) produits en Nouvelle-Calédonie, les briquettes en Norvège ou au Canada, un précipité de sulfure mixte provenant de matte concentrée en Chine ou en Indonésie, un précipité d'hydroxyde mixte, ou des matériaux recyclés". La production va devoir augmenter pour satisfaire la demande de l'industrie des batteries. "Il en faut 200.000 tonnes par an aujourd'hui, il en faudra près de 2 millions de tonnes en 2030, dix fois plus » conclut Christian Hocquard. Le chiffre correspond à l'estimation des analystes de Roskill.
La tendance du nickel
Le nickel est en baisse au LME de Londres. Il subit l'annonce de nouveaux projets miniers aux Philippines et la reprise plus tôt que prévue de la grande mine de nickel sibérienne du géant russe Nornickel (Norilsk). L'offre repart à la hausse, le risque de pénurie s'éloigne...