Cette nuit, la tension est encore montée, y compris en Brousse et dans les îles. Alors que la plupart des violences s'étaient concentrées dans l'agglomération nouméenne, des bâtiments ont brûlé, des familles ont été évacuées, un magasin a été incendié… NC la 1ère fait le point.
Autour de La Foa
Lundi soir, vers 22h30, les habitants de Focola et de Bas Farino ont entendu des tronçonneuses, et le bruit des carcasses de voitures traînées sur le bitume. Dans ces quartiers, des habitants veillent la nuit. Les militants de la CCAT sont venus à leur contact, sans tenter d'entrer. Puis ils ont été repoussés par les forces de l'ordre. C'est lors de ce repli que le feu a été mis à la maison coloniale près du pont, la maison Lacourt. "C'est un point de bascule", confie un riverain. "Cette maison avait résisté à tout : aux crues, aux cyclones, et aux mobilisations qui historiquement se déroulent ici."
Adieu, la maison Lacourt
Ce mardi matin, les pompiers de La Foa, à l'œuvre pour le deuxième jour consécutif afin de libérer la chaussée, étaient aidés par deux hommes qui chargeaient les carcasses calcinées dans un camion benne. Très tôt, les habitants se sont rendus sur place et une rencontre s'est même organisée autour du maire. L'un d'entre eux a lancé : "Si vous restez chez vous à vous regarder, il risque d'y avoir un gros problème à La Foa". En effet, les Lafoyens craignent que les militants entrent dans le village. Et un autre d'ajouter : "Bourail, Boulouparis, on est au milieu, on est les prochains."
Ce qu'il restait de la maison Lacourt a été rasé par les services techniques de la mairie, pour éviter que les matériaux servent à dresser un nouveau barrage. Selon une publication postée plus tôt dans l'année par l'association Témoignage d'un passé, la bâtisse immortalisée par le dessinateur Johannès Wahono avait cent-vingt-ans. "En plus d’être une habitation familiale, elle fit office d’épicerie, de bar et de bureau de poste avec téléphone." Un magasin dans lequel on vendait de la porcelaine de Limoges, et on montait de Nouméa pour en acheter, a confié la propriétaire, effondrée, qui venait de "voir partir ce qui restait du lit de [son] arrière grand-mère."
Autre point de tension, Bourail
Dans un communiqué diffusé ce mardi matin, le maire de Bourail, Patrick Robelin, évoque une "nuit de terreur", en particulier dans le Nord de la commune. Selon lui, après l’incendie d’une maison, des échanges de tirs ont éclaté. Une deuxième villa et deux grands docks au niveau de la zone industrielle de Nandaï ont été incendiés, et plusieurs familles ont été évacuées. Contactés par NC la 1ère, la gendarmerie et le procureur démentent qu’un des coups de feu échangés ait été mortel. C'est une rumeur qui circule depuis lundi soir sur les réseaux sociaux.
À Lifou, le magasin de prêt-à-porter a brûlé
Après les dégradations à l’aéroport de Wanaham ce week-end, le magasin Izis, à Lifou du côté de Luecila, est parti en fumée lundi soir. Il s’agissait de la seule boutique de prêt-à-porter de l’île. Les pompiers sont intervenus vers minuit. Une enquête est en cours. Pour le moment, aucune piste n’est privilégiée. Cette boutique existait depuis presque un quart de siècle, et employait trois personnes.
Dans le même temps, les lycéens de Lifou ont repris le chemin de l’école. Une rentrée particulière, avec un temps de parole le matin et une cellule d'écoute, l’après-midi. "On a fait le choix d'accueillir ensemble", explique André Rault, proviseur du lycée de la province des Îles. "Aucun enseignant n'est face aux élèves, seul. Si un élève a besoin de parler de cette crise, il y a une cellule d'écoute."
Voyez la synthèse de Stéphanie Chenais
D'importants dégâts à Païta
Les exactions continuent également dans l'agglomération nouméenne. Toujours durant la nuit de lundi à mardi, un tiers de l'école Jean-Baptiste-Gustin a été ravagé par les flammes, dans le Sud de Païta, vers Gadji.
Le reportage de Mirna Kilama et Gaël Detcheverry
À l'échelle de la quatrième ville calédonienne, le bilan matériel s'avère très lourd.
>> LIRE AUSSI : "Il n’y a plus rien à brûler, plus rien à casser": submergées par les violences, Dumbéa et Païta tirent la sonnette d’alarme
Nouveaux heurts à Nouméa
À Nouméa, des détonations ont été entendues, la nuit dernière mais aussi toute la journée, notamment à Magenta, à Kaméré ou du côté de Nouville. Aucun incendie important n'a été signalé. Mais ce mardi matin, les barrages, blocages et piquets de protestations étaient visibles à de nombreux endroits.
À l’image du quartier de Tuband où les forces de l'ordre se sont à nouveau mobilisées, dès le milieu de matinée, pour déblayer le rond-point proche du collège. De petits feux ont été allumés sur la chaussée pour entraver la circulation.
Réactions recueillies par Mirna Kilama et Gaël Detcheverry
Des policiers municipaux assurent au quotidien la surveillance de cette zone sensible. Un engin de chantier est venu en appui pour le nettoyage de la voirie. Les tensions demeurent vivent autour du collège, qui a fait sa rentrée lundi. Conséquence : l’établissement a été de nouveau fermé aujourd’hui. Et cet après-midi, l'école Ernest-Risbec a dû évacuer ses élèves dans ce contexte de nouveaux heurts.
Retrouvez les informations pratiques de la journée de mardi, ici >>> Des routes impraticables à certains endroits ce mardi matin, les écoles fermées à Païta, la vente d'alcool interdite même chez les cavistes