Un ministre à l’écoute et une oreille attentive. C’est en tout cas le ressenti global des personnalités politiques calédoniennes et de la société civile, à l’issue de la visite de Gérald Darmanin en Nouvelle-Calédonie. Entre la capitale, le Nord et les Îles, cette dernière semaine du mois de novembre aura été chargée, pour le locataire de la place Beauvau et ses collaborateurs ; une semaine également chargée pour les Calédoniens. Sept jours ponctués par de nombreux échanges. Résumé.
Toutes les chaises occupées à la table des discussions
Après une première journée lundi faite de passages obligés, mardi fut la journée la plus politique de son séjour. Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer s’est entretenu pendant plus de dix heures, avec les principaux partis et groupes au Congrès. Les discussions ont principalement tourné autour de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
A la sortie des entretiens, les forces loyalistes étaient toutes unanimes sur "la grande écoute de la part du ministre", comme l’a notamment précisé Virginie Ruffenach, présidente du groupe Avenir en confiance au Congrès. Calédonie ensemble, via les mots de Philippe Gomès, est même allé plus loin en parlant de "la réunion la plus productive et la plus intéressante" pour le parti.
Les indépendantistes étaient eux aussi à la table des discussions; Gérald Darmanin était en tout cas sur le territoire pour rétablir un dialogue avec eux et retrouver "une confiance brisée depuis le 12 décembre" selon Gilbert Tyuienon, du groupe UC-FLNKS et Nationalistes. A l’issue des entretiens, les interlocuteurs indépendantistes se sont dit "agréablement surpris" par l’esprit de l’homme politique. Ils ont tenu à réaffirmer leur position mais aussi à demander des bilatérales portant sur la décolonisation: une décision qui, selon l’Union calédonienne, a été acceptée par Gérald Darmanin. Elles devraient avoir lieu après le congrès du FLNKS et le congrès populaire, début 2023. Une question reste cependant en suspens : le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer sera-t-il de retour chez nous l'année prochaine ?
Le premier groupe de travail a été lancé
Lors de la Convention des partenaires à Paris, en octobre dernier, il avait été annoncé la mise en place de groupes de travail, chacun sur différentes thématiques, par la Première ministre, Elisabeth Borne. Cinq semaines plus tard, le premier atelier d’une série de huit s’est tenu vendredi après-midi. La thématique ? Le foncier et la souveraineté alimentaire, un sujet "qui n’est pas très simple" pour Gérald Darmanin. Pas d’annonces majeures, ni de décisions prises au cours de ce groupe de travail, seulement des échanges pour comprendre les enjeux. Le calendrier des autres rendez-vous devrait être connu prochainement.
Définir une stratégie nickel
Parmi les rendez-vous de la semaine, Gérald Darmanin s’est rendu en province Nord, à Koné et a fait cette annonce, qui restera certainement la plus marquante de son séjour :
La France sera toujours du côté de la Nouvelle-Calédonie et est très fière de sa production de nickel. Mais elle ne peut pas se limiter à faire des chèques.
Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer
Le ministre a en effet annoncé que l’Etat avait besoin de connaître la stratégie et le projet industriel à long terme du territoire. "Nous disons : Oui, l’Etat sera toujours là pour aider les ouvriers et les entreprises mais à condition qu’il y ait un projet" a-t-il précisé lors de son entretien exclusif, accordé sur notre antenne ce vendredi soir.
La stratégie nickel a également fait l’objet des discussions avec l’intersyndicale de la SLN. Des membres des sept syndicats ont en effet rencontré le directeur de cabinet de Gérald Darmanin, au haut-commissariat. Ils ont pu exprimer leurs craintes concernant l’avenir incertain de l’industriel. En réponse, l’Etat a redit sa volonté de connaître une stratégie nickel, pour pouvoir avancer.
Des avancées pour lutter contre l'insécurité
Parmi les nombreuses thématiques abordées avec les politiques locales, celle de la sécurité. Jeudi, après s’être rendu au commissariat central, au centre-ville de Nouméa, le visiteur a rencontré la maire Sonia Lagarde. Au terme de leurs échanges : la signature d’une convention qui engage les polices nationale et municipale. Elles travailleront ensemble pour renforcer la sécurité et notamment lors des soirées sur les baies de Nouméa; un point spécifique qui n’existait pas dans l’ancien document.
La nouvelle convention a également été signée par le procureur de la République; elle est renouvelable tous les cinq ans. "Nous avons ici augmenté, en cinq ans, de plus de 11 % nos effectifs de policiers et de gendarmes et nous allons créer de nouvelles brigades de gendarmerie, notamment en Brousse, pour pouvoir mettre plus de proximité" a déclaré Gérald Darmanin, dans son entretien accordé aux médias, vendredi soir.
"J’ai envie de penser que la jeunesse ne doit pas être oubliée de ces nouveaux accords"
"Je voudrais dire à la jeunesse de Nouvelle-Calédonie, que c’est évidemment pour eux, qu’on travaille et qu’on construit cet avenir" a déclaré le ministre. Les jeunes calédoniens, Gérald Darmanin les a rencontrés à plusieurs reprises tout au long de son séjour et notamment, lors d’un déjeuner à Koné, mercredi midi. "J’ai vu, chez les jeunes Kanak, comme chez les jeunes des familles loyalistes, qu’ils ne parlaient pas tout à fait de la même chose, que ce qu’évoquaient leurs parents ou leurs grands-parents. Ils sont plus sensibles au métissage, plus sensibles à vivre ensemble encore plus, ils ont envie qu’on parle peut-être un peu moins d’institutionnel et un peu plus de leur avenir" a-t-il dit lors de son grand entretien, vendredi soir.
Du temps pour les associations et les collectifs citoyens
La visite du ministre a fait l’objet de nombreuses convoitises. Les rencontres étaient certes très politiques et institutionnelles cette semaine. Cependant, des membres du cabinet ministériel ont pris le temps de rencontrer des associations citoyennes et des collectifs; c’était jeudi matin. L’association Citoyen mon-dorien a tenu à interpeller l’Etat sur l’insécurité omniprésente sur la commune du Mont-Dore et a sollicité une aide financière, notamment pour une étude sur les conséquences économiques pour la commune et pour la voie de contournement par la mer. Les collaborateurs de Gérald Darmanin doivent donner une suite à la demande de l'association, d’ici la fin de l’année.
L’environnement a également été au cœur des échanges, via l’association Ensemble pour la planète et des collectifs citoyens, comme celui contre l’incinérateur de déchets dangereux de Ducos. Martine Cornaille, présidente d’EPLP, a confié à la sortie de sa rencontre que son association ferait partie des groupes de travail sur le développement durable du territoire, prévus prochainement.
Les associations ont été agréablement surprises de l’oreille attentive prêtée par l’Etat à leurs doléances. Reste à savoir si les promesses annoncées par le cabinet du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer seront tenues dans les délais.
Des rendez-vous manqués ou absents à l'agenda
Dans sa semaine marathon, Gérald Darmanin n’a pas honoré tous ses rendez-vous prévus, à commencer par la visite de la mine à Népoui, étape du programme annulée pour cause de mauvais temps.
Ce samedi, c’est le groupe de travail sur l’avenir institutionnel du pays qui n’a pas eu lieu : un rendez-vous qui devait être le point d’orgue de sa visite. Raison invoquée ? Gérald Darmanin a tenu "à respecter la demande qui lui a été faite", soit la demande formulée par les indépendantistes en début de semaine. "Je n’accélérerai pas la cadence. […] Je respecte la demande qui m’a été faite d’attendre la fin de leur congrès politique. C’est dans quelques semaines, je crois que la paix vaut bien d’attendre quelques semaines", a précisé le ministre.
Et parmi les rendez-vous absents du programme : celui d’une coutume à Tiendanite ou à Ouaco, des rendez-vous habituellement honorés lors de visites ministérielles.
Ce vendredi 2 décembre, Gérald Darmanin a répondu à nos questions et à celles des autres médias. Un entretien à retrouver ci-dessous.
A noter que dimanche, avant de repartir, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer s'est rendu place de la Paix en compagnie de Marie-Claude Tjibaou, Isabelle Lafleur et Sonia Lagarde.