Visite ministérielle : ce que l’on sait du projet d’accord sur le nickel calédonien

Bruno Le Maire au terme de sa visite en Nouvelle-Calédonie, le 27 novembre 2023.
Tout au long de son séjour en Nouvelle-Calédonie, le ministre de l’Economie et des finances a évoqué la situation critique des trois usines métallurgiques, et le plan qu’il ambitionne pour sortir de cette situation délétère. Au soir de sa dernière journée, Bruno Le Maire a livré le cadre de cet accord sur le nickel. Voici ce qu’on peut en dire, en dix points.

Trois usines visitées, des entretiens avec les professionnels, des entrevues avec les responsables politiques… En trois jours, Bruno Le Maire a mesuré l’ampleur du problème. Et la nécessité de trouver en urgence une solution. Elle ne viendra pas de l’Etat, dans l’immédiat, a fait comprendre le numéro 3 du gouvernement Borne. Il n’est pas pour autant venu les mains vides. Le ministre de l’Economie et des finances a présenté un plan de sauvetage à négocier entre toutes les parties. Avec des groupes de travail associant le gouvernement local, le Congrès, les provinces et les industriels. Objectif annoncé, un accord conclu fin janvier. NC la 1ère détaille ce que l’on en sait.

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1Le besoin de financement approche 180 milliards de francs

D’abord un constat, sonnant, trébuchant et étourdissant. “Le besoin de financement total s’élève, pour les trois sites industriels, à 1,5 milliard d’euros", a révélé Bruno Le Maire, ce lundi 27 novembre. Soit presque 180 milliards de francs Pacifique. "C’est un besoin de financement total, immédiat, auquel il faut pouvoir répondre par la rentabilité de ces sites industriels. Nous avons donc besoin de solutions concrètes et immédiates pour éviter toute faillite, c’est évidemment mon objectif, et ouvrir des perspectives de long terme”, a-t-il ajouté.

Tous ceux qui pensent qu’on pourrait jouer la politique du pire et qu’au dernier moment, l’Etat interviendra avec un chèque se trompent. L’Etat est prêt à s’engager totalement pour investir dans des sites rentables, mais ne dépensera pas de l’argent pour des sites qui perdraient de l’argent et ne seraient pas rentables.

Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des finances

2Un cadre de négociation "agréé"

“Un nouvel accord sur le nickel est à portée de main", estime le patron de Bercy. "Je suis arrivé avec un cadre de négociation et il a été agréé. Nous avons maintenant un point de départ concret." Et d'insister : "C’est un pas de géant. Quand on a un cadre de négociation, on peut espérer aboutir à un accord global."

3 Utiliser les "ressources inutilisées"

Ce cadre de négociation repose selon lui sur trois grands enjeux. À commencer par l'exploitation de la ressource. "D’abord, nous devons parvenir à un engagement sur la déclassification, l’exportation et la valorisation des ressources minières inutilisées", a déclaré le ministre - sans nommer les réserves métallurgiques, mais c'est bien sûr à elles qu'on pense. "Quand on est dans une situation financière critique, et qu’on a des ressources inutilisées, on les utilise.” Précision : "Le président du gouvernement m’a alerté sur la nécessité d’avoir une évaluation plus précise du volume de minerai en jeu, de la valorisation escomptée et de la destination d’exportation." 

Je crois qu’il y a possibilité d’avancer très rapidement sur ce sujet, dans le cadre du Congrès.

Bruno Le Maire

4Permis d'exploitation : un dispositif à "faire évoluer"

Quelques heures plus tôt, le directeur général de la SLN rappelait l'importance, pour la Société Le Nickel, d'obtenir les permis d'exploitation demandés sur différents sites miniers. "Sur l’exploitation de la ressource", a justement dit Bruno Le Maire, lundi soir, "il faut, regarder la question des permis d’exploitation", qui sont "une condition de la rentabilité des usines. L’usine qui ne sait pas de quelle ressource elle peut disposer sur le long terme ne peut pas se projeter. Il est indispensable de faire évoluer le dispositif existant."

5Investir dans l'énergie

Autre grand volet de ce projet d’accord, le coût de l’électricité. "Tout le monde sait que les sites industriels fonctionnent avec une énergie trop chère", a résumé le ministre. "C’est le deuxième point qui explique, quasiment aux deux tiers, le manque de rentabilité des usines en Nouvelle-Calédonie. Si jamais nous avons un accord sur le premier point, l’Etat est prêt à investir pour avoir une énergie décarbonée, moins chère, dans les années qui viennent”.

6Etudier les débouchés européens

Le troisième volet de l’accord porte sur les débouchés à l’exportation. À ce jour, la Calédonie envoie son nickel en Chine, au Japon et en Corée du Sud. "Toujours dangereux, d’avoir des clients uniques. Je pense qu’il peut être utile et pertinent d’étudier une ouverture vers l’Union européenne", a redit Bruno Le Maire. Europe "qui investit aujourd’hui massivement dans les batteries [et] les véhicules électriques."

7La méthode : des groupes de travail

Concernant la façon de faire naître un tel accord, "nous avons acté la création de groupes de travail associant l'Etat, le Congrès, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie et les provinces", a annoncé le ministre. En lançant : "Il est essentiel que ces groupes se mettent autour de la table le plus vite possible et travaillent 24 heures sur 24, sept jours sur sept, car les délais sont très courts." Reste que Bruno Le Maire  n’a pas rencontré Paul Néaoutyine, le président de la province Nord, laquelle n'était pas représentée à la grande réunion au haussariat. Or, c'est la collectivité dont dépend notamment l'usine KNS.

Il n’y a pas d’accord possible sans toutes les parties prenantes, elles doivent toutes s’engager. Il y a des attributions de compétences extrêmement claires. Sur la déclassification [des ressources], c’est le Congrès. C’est donc le Congrès qui doit prendre ses responsabilités.

Bruno Le Maire

8Une signature espérée "d'ici fin janvier"

En termes de calendrier, il vise un accord préalable dans les premiers jours de janvier 2024. D'ici seulement six semaines, donc. "Si nous parvenons à un accord final, je souhaite pouvoir revenir à Nouméa pour [le] signer d’ici fin janvier", a-t-il ajouté. Mais pas de montant évoqué. "Il faut d’abord garantir la rentabilité des usines avant de parler des investissements. Je pense sincèrement que ce sera une question beaucoup moins compliquée que de parvenir à un accord global sur l’exploitation des ressources."

9Une nouvelle mouture en fin de semaine

Bruno Le Maire annonce que les différentes parties concernées recevront une nouvelle version du projet d'accord vendredi 1er décembre. Pour prendre en compte remarques et autres observations techniques faites pendant son déplacement. Une base de travail destinée aux présidents de province, au Congrès, au gouvernement, aux parlementaires et aux industriels.

Il y a un vrai esprit d’ouverture, une vraie prise de conscience de la gravité de la situation. L’enjeu dépasse le nickel, c’est l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, de son système social, de son développement économique, de sa place dans la région indopacifique. C’est un enjeu absolument stratégique.

Bruno Le Maire

10Vers une école des mines

Si un tel accord est signé, a-t-il plaidé, "ça veut dire que nous garantissons la rentabilité des sites de production industrielle. Qu’il y aura un investissement de l’Etat, un investissement de la banque européenne d’investissement. Que nous pourrons avoir une évaluation sereine des besoins énergétiques par la [Commission de régulation de l'énergie] et des réseaux énergétiques à construire." Il a aussi évoqué la possibilité de mettre en place des dispositifs de formation et la création d’une école des mines calédoniennes à Nouméa.

La conférence de presse, filmée par Cédric Michaut

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