Vivre loin de ses enfants : quand la crise du Covid-19 pèse sur les familles séparées

Aéroport d'Orly, février 2021.

Depuis la fermeture des frontières, des parents séparés ou divorcés, et qui ne vivent pas en Calédonie, ont les plus grandes difficultés à voir leurs enfants. Bien que leur droit de visite constitue un motif impérieux, dans les faits, c'est un véritable parcours du combattant.

Pour certains parents, cela fait deux ans qu’ils n’ont pas vu leurs enfants. La cause ? La fermeture des frontières du Caillou, depuis mars 2020, qui oblige les personnes revenant en Calédonie, à justifier d'un motif impérieux. Beaucoup de parents éprouvent ainsi des difficultés à mettre en place leurs droits de visites. Les mois passent et c'est une situation qui coûte chère lorsque les avocats s’en mêlent et qui crée de nombreuses souffrances.

Des appels à l'aide

Le gouvernement déclare ne pas avoir de chiffres officiels sur la question. Mais le collectif des Néo-Calédoniens bloqués dans le monde reçoit régulièrement des appels à l’aide et affirme qu'ils sont de plus en plus fréquents depuis le début de l’année. Des situations très différentes, et souvent difficiles que connaît notamment Isabelle. Ces deux enfants âgés de 8 et 12 ans, résident en Calédonie avec leur père.

"En temps normal, c'est déjà compliqué, avec la distance, les vacances qui sont différentes, le prix du billet etc. Là, on est passés à un cran largement au-dessus; le plus difficile c'est de ne pas pouvoir se projeter, savoir quand on les reverra... c'est très difficile" explique Isabelle, qui vit en Métropole. Pour cette maman qui n'a pas vu ces enfants depuis un an, l'année 2020 a été "horrible; être séparée de la chair de sa chair est très difficile"

Le jugement du tribunal lui permet de pouvoir se déplacer pour motif impérieux; de plus, elle s'entend bien avec le père de ses enfants. Mais les places sont rares. "On se bat, on envoie des mails, on fait face à beaucoup d'incompréhensions et on ne nous apporte pas beaucoup de réponses" confie cette maman.

Quand le tribunal entre en jeu

Lorsque les parents ne s’entendent pas et que le droit de visite, pourtant obligatoire, n’est pas honoré, il faut alors l’expliquer au tribunal. Selon Kera Nérys, la fondatrice du collectif des Néo-Calédoniens bloqués dans le monde, de nombreux parents ont eu du mal à obtenir leur autorisation de rentrer sur le territoire, malgré les justificatifs de convocations au tribunal. "Donc on est souvent obligés de repousser les dates de convocations, et à chaque fois il faut prendre un avocat pour demander le déplacement de la date... les tarifs sont répétitifs et onéreux" précise-t-elle. "Les parents concernés ont peur de perdre un droit de visite à un droit de garde et quand les anciens conjoints s'entendent bien ça va, mais ce n'est pas toujours le cas et ce sont les enfants qui subissent"

Dans une moindre mesure, ces difficultés se posent aussi pour des grands-parents qui n’ont pas vu leurs petits-enfants depuis des mois.

Plus d'accompagnants en avion pour les mineurs 

Mais le parcours du combattant ne s'arrête pas là : les compagnies aériennes, Aircalin notamment, ne proposent plus d’accompagnateurs dit "UM" (Unaccompanied Minor) pour les enfants mineurs seuls, depuis le début de la crise sanitaire. Sur les réseaux sociaux, les appels à l’aide se ressemblent et pourtant les situations sont toujours différentes. Il y a ce papa qui recherche un accompagnateur jusqu’à Bordeaux pour son fils de 14 ans.... ou encore cette maman, dont les deux filles doivent prendre l’avion seules au mois d’août, après un an et demi de séparation. Bien souvent, alors que les parents sont désespérés, ils peuvent compter sur la compassion des membres du collectif des Néo-Calédoniens bloqués dans le monde, qui acceptent de prendre en charge l'enfant pendant le voyage.

C'est tout de même une responsabilité et il n'y a pas d'assurances, de garanties donc pour les parents c'est difficile de confier leurs enfants à des inconnus et quand il y en a plusieurs, c'est encore plus difficile.

Kera Nérys, fondatrice du collectif


Le collectif le confirme : ce sont des appels à l’aide de plus en plus fréquents depuis le début d’année. Il faut alors trouver un accompagnateur volontaire, c’est-à-dire un passager de confiance qui part sur le même vol.  "Il faudrait remettre un service d'accompagnement pour ces enfants, et surtout que ce soit pris en compte par le PCO, c'est un motif impérieux, une convocation au tribunal mais malheureusement, il y a énormément de motifs impérieux donc il est difficile de faire des choix" indique Kera Nérys.

Quand ils le peuvent, certains parents n’hésitent pas à prendre un billet d'avion pour arriver à mi-parcours, jusqu’à Tokyo, pour récupérer leurs enfants, ce qui nécessite le plus souvent un visa, des tests sanitaires supplémentaires et des nuits d’hôtels.... avant des retrouvailles bien méritées.