Omicron, le variant qui enfièvre la Guyane, sous étroite surveillance par les autorités sanitaires

Détecté dans l'Hexagone fin novembre dernier, le variant Omicron a débarqué sur notre territoire environ un mois plus tard. S’insinuant au sein de la population à la plus mauvaise période, les fêtes de fin d’année, il s’est rapidement imposé jusqu’à prendre le dessus sur son prédécesseur, Delta.

C’était le 29 décembre dernier. L’Agence Régionale de Santé de Guyane alertait alors sur la présence d’une vingtaine de cas, déjà, du variant Omicron. Quand est-il arrivé exactement ? Par quel biais ? Comment s’est passée la diffusion ? Difficile de le dire mais, en tout état de cause, si à ce moment là le variant Delta tenait encore le haut de l’affiche parmi les échantillons séquencés ou criblés, ce variant observé pour la première fois en Afrique du Sud vers le 10 novembre gagnait lui du terrain, silencieusement mais à une vitesse vertigineuse.

Un peu plus d’une semaine plus tard, il était devenu majoritaire.
Il lui aura donc fallu quelques jours à peine pour asseoir son emprise sur la territoire, s’installant indifféremment chez des hôtes ayant déjà contracté la Covid auparavant, vaccinés ou non-vaccinés, et pour cause, il est extrêmement contagieux.

Dans sa lettre pro du 5 janvier 2022, l’ARS indiquait que « le variant omicron représentait 70 % des derniers séquençages de l’Institut Pasteur de Guyane, selon les données récupérées par Santé publique France (…) Plus de 2 000 cas de Covid-19 ont été confirmés la semaine dernière. Tous les secteurs de la Guyane sont touchés, mais l’Oyapock dans une moindre mesure. A Cayenne, l’incidence hebdomadaire s’élève à plus de 1 200 cas pour 100 000 habitants ».

Ainsi à ce jour chez nous, (vendredi 7 janvier 2022), les chiffres communiqués par les autorités de santé font état de 2 170 cas supplémentaires sur 6 047 tests réalisés. Côté hospitalisations, 131 personnes sont actuellement prises en charge dans les établissements du territoire, et 6 sont en réanimation.

Selon Tiphanie Succo, épidémiologiste à Santé Publique France, Omicron serait donc manifestement beaucoup plus transmissible mais moins sévère toutefois, avec entre 60 et 80% d’hospitalisations en moins. Elle reste prudente malgré tout.

« Rien ne dit que la moindre sévérité suffit à compenser la plus forte transmissibilité : si on a 2 fois moins d’hospitalisations mais 6 fois plus de cas, en nombre absolu, on se retrouve avec plus d’hospitalisations ».

Tiphanie Succo - épidémiologiste à Santé Publique France

 

Prise en charge d'un patient Covid (photo d'archive)

La 3ème dose favoriserait la protection contre le variant


Par ailleurs, d’autres paramètres, comme la vaccination, entrent en ligne de compte d’après elle : « Les données in vitro suggèrent aussi un échappement immunitaire c’est-à-dire que les anticorps produits lors d’un contact précédent avec un autre variant fonctionneraient moins bien, et on aurait plus de chance d’être réinfecté. Ces données suggèrent aussi une moins bonne efficacité vaccinale avec deux doses mais qui serait conservée par le boost de la 3ème dose, en particulier pour les formes sévères, et qui garantirait une efficacité vaccinale de 57% à 98% ».

D’après l’Agence Régionale Santé de Guyane, "l’expérience venant du Royaume-Uni notamment semble montrer que le variant Omicron – sur une population très vaccinée - a un impact fort sur les hospitalisations conventionnelles lorsque la circulation du virus est massive".
L’organisme prévient : les admissions dans les hôpitaux de Guyane risquent donc d’augmenter très fortement dans les prochains jours. Sur place, l’inquiétude y est d’ailleurs déjà de mise.

Anticorps monoclonaux rendus inefficaces


Elle ne concerne non plus uniquement un hypothétique afflux massif et prochain de malades, les regards sont également fixés sur les traitements utilisés jusque-là, les anticorps monoclonaux. Ces derniers ne semblent plus avoir d’effets sur les malades.

« On administre les anticorps monoclonaux chez les plus fragiles, des patients à fort risque de développement de formes graves, comme les immunodéprimés.
On les utilisait entre autres chez des patients qui venaient d’être en contact avec le virus pour que celui-ci ne se développe pas dans leurs corps, mais aussi en post-exposition et dans le cadre curatif.
Or, on a constaté que cela ne fonctionne plus. Visiblement le variant Omicron les a rendus inefficaces. Sur la demi-douzaine de marques avec lesquelles on travaille, il n’y a plus qu’une seule qui fonctionne, et c’est en pré-exposition »

Professeur Loïc Epelboin - infectiologue au Centre Hospitalier de Cayenne

 

 

Vers une immunité collective? Pas si sûr


Alors qu’une décrue du variant Omicron semble s’opérer dans certains pays où il a sévi pendant quelques semaines, difficile à dire si le même phénomène pourra être observé, dans les mêmes proportions, en Guyane d’après l’épidémiologiste Tiphanie Succo : « Nous avons une population plus jeune certes mais moins bien vaccinées : moins de 30% ont reçu 2 doses et moins de 10% leur dose de rappel, qui est celle qui protège le plus efficacement. Même si l’on peut penser que beaucoup de personnes ont déjà été contaminées par la Covid depuis le début de la pandémie en Guyane, elles ne sont pour autant pas forcément protégées car les anticorps produits lors d’une contamination antérieure fonctionnent moins bien. Par conséquent, on peut se contaminer à nouveau"

Ce que l’on observe aussi pour le moment c’est qu’effectivement, le nombre de cas est impressionnant et proportionnellement, on a moins d’hospitalisations par rapport aux autres variants, mais comme on a plus de cas, mécaniquement, on a plus d’hospitalisations : en une semaine les hospitalisations conventionnelles ont doublé en Guyane et en nombre de nouvelles entrées à l’hôpital.
On atteint déjà le maximum de 143 admissions en 7 jours observé lors de vagues précédentes. De plus nous sommes au début de la vague, il faut donc être prudent avec un variant qui apporte de nouvelles inconnues à l’équation

Tiphanie Succo - épidémiologiste à Santé Publique France

 

L’heure est donc toujours à la vigilance pour les uns, et l’observation pour les autres : « Pour l’instant, il n’y a pas de répercussion majeure en réa, parce que compte tenu du temps d’incubation du virus, les formes graves apparaissent à partir 5 à 7 jours. Donc pour le moment nous attendons. Le CHC se tient prêt en tout cas, pour ouvrir de nouvelles unités Covid, des salles dédiées à la prise en charge de ces patients. Je reste persuadé quoiqu’il en soit que ce virus n’a pas fini de nous surprendre », souligne le professeur Loïc Epelboin qui n’envisage pas pour le moment la fameuse immunité collective apportée par Omicron.

J’ai espoir qu’Omicron soit moins virulent et qu’il provoque moins de cas graves mais sur l’immunité collective, je reste dubitatif, j’y crois pas beaucoup

Professeur Loïc Epelboin - Infectiologue au Centre Hospitalier de Cayenne

 

Tiphanie Succo, épidémiologiste de Santé Publique France, elle ne s’avance pas non plus sur ce sujet : « Depuis début décembre, il y a eu environ 10 000 cas confirmés en Guyane. C’est beaucoup mais c’est seulement 3% de la population. Il y a encore beaucoup de discussions entre experts sur la persistance des anticorps dans le corps que l’on obtient après une infection et qui garantiraient une efficacité au long cours. De plus nous ne sommes pas à l’abri d’un nouveau variant sur lequel les anticorps acquis grâce à Omicron fonctionnent efficacement ».

A l’heure où la Guyane se prépare à célébrer un carnaval sous Covid, l’infectiologue Loïc Epelboin se dit partagé quant à la tenue des soirées.

Le citoyen que je suis pense qu’il est temps que l’on revienne à une vie normale, mais le médecin voit lui des centaines de personnes enfermées dans des lieux clos, où il va faire chaud, un vrai bouillon de culture de gens qui vont ensuite aller voir leurs familles, leurs gangans…ça n’est pas forcément la meilleure idée

Professeur Loïc Epelboin - Infectiologue au Centre Hospitalier de Cayenne