David Bilbaut recevait Audrey Boissery, psychologue qui travaille dans la protection de l’enfance en Province sud depuis 15 ans et Henri Leleivai, directeur de la MECO (la Maison de l’Enfance de la Côte Ouest). Tous les 2 partagent le bilan accablant mis en avant par "Mes bleus d’enfant". "Le constat est assez juste, on ne peut pas nier les chiffres", indique la psychologue. "Mais cette montée en flèche des statistiques de la maltraitance vient-elle de l’augmentation réelle de la violence ou vient-elle d’une dénonciation plus importante ?" interroge-t-elle. D’après Henri Leleivai, ce film a complètement rempli sa mission si son objectif était de jeter un pavé dans la mare : "Il soulève des questions importantes tant dans la société urbaine que d’un point de vue culturel et traditionnel".
Ecoutez l’émission Ligne directe consacrée aux violences intrafamiliales
Le rôle des responsables institutionnels
Alors que le documentaire aurait tendance à montrer que les responsables institutionnels ne s’engagent pas assez pour lutter contre ce fléau, JB, un auditeur, lui, se dit victime de zèle de la part de l’école de son fils et de la gendarmerie. "Mon enfant métis a vite des bleus quand il se cogne, à l’école, ils pensent qu’on le tabasse, et nous avons été convoqués à la gendarmerie à plusieurs reprises", témoigne-t-il. D’après la psychologue, il y a effectivement eu une augmentation des signalements du fait que les personnels des écoles ont reçu la consigne d’être particulièrement vigilants, donc parfois, il peut y avoir des ratés.
Trouver l’équilibre pour ne laisser aucune souffrance de côté, tout en préservant la dignité de toutes les familles est une équation difficile. On ne fait ni trop ni pas assez, on ne fait pas assez bien
Henri Leleivai
"En général, on passe par la discussion avant la convocation, mais parfois si l’intervenant se sent menacé, ou si le dialogue ne semble pas être possible, nous demandons à la gendarmerie d’intervenir" précise Audrey Boissery.
Une prise en charge et une écoute qui s’améliorent
Valérie, une auditrice, intervient à son tour. On comprend au travers de ses hésitations qu’elle a, elle-même traversé des difficultés étant jeune, l‘accompagnement qui lui a été proposé ne l’a pas du tout aidé. Elle en retient de l’amertume contre les psychologues. "Juste tendre une oreille est un geste bien dérisoire", estime-t-elle. Audrey Boissery partage le constat des années passées où il n’y avait pas assez de personnel. D’après elle, les choses ont fortement évolué dans le bon sens. "C’est loin d’être parfait, mais on tend vers quelque chose de mieux", tempère-t-elle.
Devenue maman, à son tour, Valérie fait de son mieux pour ne pas reproduire le même schéma qu’elle a connu : "C’est difficile, on est seul". Elle touche un point essentiel, car entraver la spirale de la violence est au cœur des actions des services concernés. Laissée à elle-même, une victime reproduira les mêmes schémas de maltraitance.
On garde des vestiges de la maltraitance que l’on a vécue, et il faut se surpasser pour ne pas la reproduire
Henri Leleivai
Un fléau social aux multiples facteurs
D’après nos experts, le problème est qu’on ne dispose pas de structure pour appendre à être parents. "Il ne faut alors pas hésiter à demander de l’aide", appuient-ils. Aussi, il est difficile de définir le spectre et de placer le curseur d’acceptabilité de la violence. Sa subjectivité est culturelle, contextuelle et concerne le ressenti de chacun et chacune. "Tout ce qui engendre de la douleur physique ou psychologique, la négligence, la privation, l’omission d’une obligation envers quelqu’un ou encore forcer une personne à faire quelque chose peuvent-être considérés comme de la violence" lance Henri Leleivai.
D’après le directeur de la MECO, la violence aurait des origines multifactorielles et demande des réponses multifactorielles, il faut vraiment prendre le temps de comprendre tout le processus : "Vouloir aller trop vite pourrait faire plus de mal que de bien". Puis à Audrey Boissery de conclure d’un ton engageant : "Le fait que les éléments les plus fragiles ne soient pas en sécurité est une difficulté sociétale, qu’il faut assumer ensemble. Le constat est difficile, mais il va nous permettre de regarder les choses en face et d’avancer".
Découvrez le film documentaire de Jérôme Roumagne "Mes bleus d'enfant".
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