La Polynésie ne traverse pas sa plus grande crise sanitaire. Si la situation est inédite, le Pays a été frappé par de graves épidémies par le passé. La différence aujourd'hui est que "nous connaissons le virus", explique l'anthropologue Simone Grand.
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L'anthropologue, Simone Grand, auteure notamment de "Contribution à une anthropologie de la maladie à Tahiti" rappelle que la Polynésie ne traverse pas sa plus grande crise sanitaire. Même si la situation reste inédite, la différence est que, cette fois, la population connaît le virus.
En effet, la Polynésie a connu de nombreuses épidémies dévastatrices dans son histoire : la rougeole, la rubéole, la tuberculose, la syphilis...
La population polynésienne ne savait alors pas ce qui se passait. Elle avait fait le lien entre l'arrivée d'Européens sur ce qui était encore des îles indépendantes les unes des autres et l'apparition de maladies, mais personne n'avait encore découvert l'existence des microbes.
Ces épidémies ont alors totalement ébranlé le monde polynésien.
A l'époque de la syphilis, les malades porteurs de la maladie étaient encartés. Ils portaient une carte signifiant qu'ils étaient malades et étaient alors mis en retrait de la société.
Certaines familles rapportent le cas d'enfants séparés de leurs parents mourant de la tuberculose, assistant à leur décès de loin, sans pouvoir les serrer dans leurs bras. "Les maladies ont eu un rôle affreux, rappelle Simone Grand. Les gens oublient aujourd'hui, mais certaines choses restent dans les mémoires."
En 1790, le chef Tū devient roi et prend le nom de Pomare, en hommage à sa fille aînée, décédée de la tuberculose, de mare (toux) et pō (surtout la nuit).
La vaccination systématique dans les années 1940-1950 permit aux personnes atteintes de tuberculose de continuer à vivre en famille, plutôt que d'être isolées dans un sanatorium, ces établissements spécialisés dans le traitement de la tuberculose.
Lorsqu'un décès survenait dans un foyer, la famille accrochait alors un chiffon jaune devant la maison pour qu'une charette passe récupérer le corps. Les défunts étaient alors enterrés dans des fosses communes.
En un mois, alors que Tahiti compte entre 13 000 et 15 000 habitants, 3 000 personnes meurent ainsi de la grippe espagnole (plus de 40 millions partout dans le monde). Des familles entières sont décimées, "c'était un deuil permanent, des tas d'orphelins," raconte Simone Grand. "Les gens mouraient, ils ne savaient pas de quoi."
Il n'y a alors aucun médicament. Ni paracétamol, ni aspirine. Le ra'au tahiti aussi restait en échec. Alors, pour faire baisser la fièvre, les malades se baignaient à la rivière, sans savoir qu'un coup de froid était délétère et ne faisait qu'accélérer la maladie.
Aujourd'hui, les conséquences sont encore palpables puisque, dans cette panique générale, la transmission des terres ne s'est pas faite. Les ayants droits encore aujourd'hui doivent remonter jusqu'à 1918.
Dans les années 1800, aux Marquises, lorsqu'un malade était decelé au sein d'une famille, le reste de la famille se baignait, s'allongeait en cercle autour de lui et tous attendaient de mourir eux aussi.
Le Code Pomare avait alors interdit, sous peine de mort, l’expression de la souffrance, les cauchemars et les ventres qui gargouillent.
Le navigateur James Cook avait comptabilisé 70 000 habitants à Tahiti, à son arrivée. En 1842, il ne restait plus que 6 100 personnes à Tahiti, 1 000 aux Marquises.
L'anthropologue s'inquiète toutefois de ce que le confinement ouvre comme failles : "chacun se retrouve en face de lui-même. Mais on a aussi oublié comment tresser du pandanus, comment tuer un poulet...et on se retrouve démunis." Pour gérer les tensions internes, elle appelle à des autorisations de sortie ponctuelle, "pour courir ou ramer seul, afin de s'offrir des moments de respiration. J'adresse également un grand faa'ito'ito aux autorités dans cette situation inédite."
En effet, la Polynésie a connu de nombreuses épidémies dévastatrices dans son histoire : la rougeole, la rubéole, la tuberculose, la syphilis...
La population polynésienne ne savait alors pas ce qui se passait. Elle avait fait le lien entre l'arrivée d'Européens sur ce qui était encore des îles indépendantes les unes des autres et l'apparition de maladies, mais personne n'avait encore découvert l'existence des microbes.
Ces épidémies ont alors totalement ébranlé le monde polynésien.
La syphilis : les malades "encartés"
Pendant 200 ans, la tuberculose et la syphilis furent des fléaux dans la société polynésienne.A l'époque de la syphilis, les malades porteurs de la maladie étaient encartés. Ils portaient une carte signifiant qu'ils étaient malades et étaient alors mis en retrait de la société.
Certaines familles rapportent le cas d'enfants séparés de leurs parents mourant de la tuberculose, assistant à leur décès de loin, sans pouvoir les serrer dans leurs bras. "Les maladies ont eu un rôle affreux, rappelle Simone Grand. Les gens oublient aujourd'hui, mais certaines choses restent dans les mémoires."
En 1790, le chef Tū devient roi et prend le nom de Pomare, en hommage à sa fille aînée, décédée de la tuberculose, de mare (toux) et pō (surtout la nuit).
La vaccination systématique dans les années 1940-1950 permit aux personnes atteintes de tuberculose de continuer à vivre en famille, plutôt que d'être isolées dans un sanatorium, ces établissements spécialisés dans le traitement de la tuberculose.
La grippe espagnole : 3 000 morts en un mois
En 1918, la Polynésie fait face à l'épidémie mondiale de grippe espagnole. C'est la première et la dernière épidémie infectieuse documentée en détails.Lorsqu'un décès survenait dans un foyer, la famille accrochait alors un chiffon jaune devant la maison pour qu'une charette passe récupérer le corps. Les défunts étaient alors enterrés dans des fosses communes.
En un mois, alors que Tahiti compte entre 13 000 et 15 000 habitants, 3 000 personnes meurent ainsi de la grippe espagnole (plus de 40 millions partout dans le monde). Des familles entières sont décimées, "c'était un deuil permanent, des tas d'orphelins," raconte Simone Grand. "Les gens mouraient, ils ne savaient pas de quoi."
Il n'y a alors aucun médicament. Ni paracétamol, ni aspirine. Le ra'au tahiti aussi restait en échec. Alors, pour faire baisser la fièvre, les malades se baignaient à la rivière, sans savoir qu'un coup de froid était délétère et ne faisait qu'accélérer la maladie.
Aujourd'hui, les conséquences sont encore palpables puisque, dans cette panique générale, la transmission des terres ne s'est pas faite. Les ayants droits encore aujourd'hui doivent remonter jusqu'à 1918.
Des maladies mystérieuses
Et puis, il y a des maladies qui sont restées mystérieuses, sans avoir pu identifier à l'époque, le virus responsable. Comme aux Australes, à Rapa, où les hommes ont été frappés d'un mal mystérieux. Seules les femmes de l'île ont survécu.Dans les années 1800, aux Marquises, lorsqu'un malade était decelé au sein d'une famille, le reste de la famille se baignait, s'allongeait en cercle autour de lui et tous attendaient de mourir eux aussi.
Le Code Pomare avait alors interdit, sous peine de mort, l’expression de la souffrance, les cauchemars et les ventres qui gargouillent.
Le navigateur James Cook avait comptabilisé 70 000 habitants à Tahiti, à son arrivée. En 1842, il ne restait plus que 6 100 personnes à Tahiti, 1 000 aux Marquises.
Covid-19 : un virus identifié
Simone Grand explique qu'aujourd'hui, avec le Covid-19, l'origine de la maladie est connue, "on peut mettre des mots et tous les habitants de la planète sont dans la même situation. C'est une situation inédite, il n'y a pas de recette." Heureusement, la Polynésie ne compte, aujourd'hui, aucun décès à déplorer.L'anthropologue s'inquiète toutefois de ce que le confinement ouvre comme failles : "chacun se retrouve en face de lui-même. Mais on a aussi oublié comment tresser du pandanus, comment tuer un poulet...et on se retrouve démunis." Pour gérer les tensions internes, elle appelle à des autorisations de sortie ponctuelle, "pour courir ou ramer seul, afin de s'offrir des moments de respiration. J'adresse également un grand faa'ito'ito aux autorités dans cette situation inédite."