112 détenus de Nuutania déjà indemnisés pour 50 Millions de FCP

Dans sa dernière lettre parue ce jeudi, l'Observatoire International des Prisons pointe du doigt la mauvaise volonté de l'Etat face au nombre grandissant d'indemnisations accordées aux détenus qui portent plainte pour "conditions de détention difficiles". 
Depuis 5 ans, c'est l'avocat Thibaud Millet qui est en charge de ce dossier. L'OIP a recueilli son témoignage: "50 millions de FCP (à peu près 400 000 euros) d’indemnités ont été octroyés par le juge administratif aux 112 détenus qui ont déjà saisi la justice par mon intermédiaire. L’Etat fait cependant preuve de beaucoup de mauvaise volonté pour exécuter les décisions de justice et nous force à mettre en oeuvre des procédures de contraintes avant de payer les indemnités mises à sa charge.
Une difficulté nouvelle est par ailleurs apparue car lorsque des détenus ont été condamnés à des amendes, le trésor public saisit intégralement les indemnités allouées par la justice directement entre les mains du ministère de la justice ce qui prive les détenus de la possibilité d’utiliser les indemnités pour indemniser leurs éventuelles victimes."

Mesures d'urgence

"La construction d’une nouvelle prison à Papeari est en cours", poursuit Maître Millet, "ce qui est une bonne chose, même si l’ouverture de cette nouvelle prison est annoncée depuis de nombreuses années et que nous commençons sérieusement à nous impatienter. Mais on ne peut pas se contenter de
dire qu’une prison va bientôt ouvrir et attendre. Il y a d’autres choses à faire. Tout d’abord au niveau de la politique pénale, il serait temps de
recourir massivement aux peines alternatives à la détention.
La construction de la nouvelle prison de Papearii a déjà commencé
 

En finir avec la politique du "tout carcéral"

Il faut en finir avec cette politique du tout carcéral: recourir massivement aux peines alternatives à la détention que les autorités judiciaires ont mis des années à prendre en compte en Polynésie. Aujourd’hui la justice s’en sert de manière encore trop limitée alors même que la situation carcérale est intenable. Si la justice indemnise les détenus de Nuutania, c’est bien qu’elle reconnaît la faute de l’Etat, qu’elle a conscience du fait que les conditions de détention sont contraires à la loi et aux droits fondamentaux et par conséquent, elle devrait pousser le raisonnement jusqu’à admettre que dans de telles
conditions, le fait d’envoyer l’auteur d’un délit dans cet établissement pose un problème de déontologie et devrait être réservé aux cas les plus graves. Il faut en finir avec cette politique du « tout-carcéral ».

La deuxième chose à faire évidemment, ce sont les travaux de rénovation à Nuutania. Même si on a un nouveau centre pénitentiaire, Nuutania demeurera comme maison d’arrêt et ne peut donc pas rester dans cet état de délabrement. Il suffit de lire le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté pour réaliser à quel point des travaux sont nécessaires. Or, ceux-ci sont régulièrement annoncés, puis annulés, puis remis au
programme,  de sorte que cette rénovation semble interminable"
 
Au 1er septembre 2015, 443 détenus s’entassent dans les 147 cellules de cette prison vétuste mise en service en 1970.