Affaire Boiron : prostitution ou libertinage ?

Thierry Barbion et Sabine Boiron, principaux prévenus de cette affaire.
Dix personnes comparaissent au tribunal correctionnel ces 27 et 28 août pour trafic d'ice, prostitution et corruption de mineurs. Des soirées où des jeunes filles mineures et en fugue étaient impliquées dans des parties fines où il y avait champagne et ice à volonté.
Prostitution ou libertinage ? C’est tout l’enjeu de ce procès.

En 2011 et 2012, Sabine Boiron, alors maîtresse de l'homme d'affaires Thierry Barbion, aurait présenté de jeunes filles à ses amis de la jet set : des hommes d’affaires, des perliculteurs ou un ancien notaire.

Des soirées à l'étage du bar Ute Ute, dans le bureau de Thierry Barbion ou à son domicile, où champagne, ice et parties fines se seraient mêlées. "Barbion me traitait comme une reine. Il me donnait 100.000 Fcp à chaque fois qu'on se voyait. C'était très rare qu'on fasse l'amour juste lui et moi. C'était toujours à plusieurs," déclare-t-elle aux enquêteurs.

Mais à la barre ce matin, Sabine Boiron reste vague et perd la mémoire. "Elle était totalement sous influence, défend son avocat, Me Jean-Dominique Des Arcis. Sous influence de ses connaissances et de la dogue. Elle prenait à l'époque 1 gramme d'ice par jour." "Aujourd'hui, je pense être plus victime qu'auteure et je suis choquée de voir ce qui s'est passé," déclare-t-elle à la barre.

Sabine Boiron, également cousine de l'épouse de Thierry Barbion, s'était mise en disponibilité de son métier d'enseignante. Elle a hébergé au moins une mineure en fugue à son domicile : nourrie, logée, vêtue...et droguée à l'ice : « Sabine, c’est une diablesse, » avait-elle déclaré aux enquêteurs. "C'était pour des trips ice et sexe, rétorque Sabine Boiron.Pas de la prostitution. Ma notoriété faisait que certaines personnes cherchaient ma compagnie pour des trips jet set." Et puis, il y a les SMS lus par le Président à l'audience, envoyés par Sabine Boiron à un numéro non identifié : "Je viens de ramasser une moule en jupette au bord de la route." Réponse : "C'est qui la moule ? Elle est fraîche ?"

Parfois, les jeunes filles pouvaient également servir de baby-sitter pour le jeune fils de Sabine Boiron, pendant que cette dernière participait aux parties fines.
 

Prostituées à 12 et 16 ans

Marc Ramel, ancien gérant du Ute Ute, est absent au procès. C'est son associée (et épouse depuis avril 2019) qui vient témoigner en sa faveur. Elle présente à la Cour la pièce d'identité d'une des jeunes filles âgée de 14 ans à l'époque des faits. Une carte d'identité falsifiée pour pouvoir rentrer en boîte de nuit et que l'actuelle gérante du bar lui a dérobé il y a 4 ans. La carte d'identité volée devient alors une pièce à conviction.
Marc Ramel a eu une relation de deux mois avec cette jeune fille de 14 ans. Il aurait également distribué des bonbons à la fraise, remplis d'acide lors de soirées à l'étage de son bar.

Puis, vient le tour de Gérardo Lozano, déjà condamné dans des affaires de stupéfiants par le passé et mis en examen dans l'affaire du Motel Papa Raymond. L'enquête a, un temps, pointé le viol d'une des jeunes filles mineures, défoncée à l'ice, dans une chambre de l'hôtel Royal Tahitien. La jeune fille raconte alors : "Je l'ai repoussé deux fois. J'ai dit 'non'. Il a dit 'C'est pas grave, personne ne saura." Mais l'enquête a finalement abouti à un non-lieu, faute d'éléments à charge.

En revanche, Gérardo Lozano est accusé d'avoir ramassé deux mineures en errance âgées de 12 et 16 ans, dans le centre-ville de Papeete. Il aurait alors eu un rapport sexuel avec la jeune fille de 16 ans, pendant que celle-ci tenait la main de sa copine de 12 ans : "J'avais mal. Je ne pouvais pas bouger, il était trop fort. C'est la première fois que je me prostituais, j'étais vierge." Il leur a donné 4.000 F selon elles. 10.000 Fcp, selon le prévenu.

Le justice lui reproche aussi d'avoir fourni de l'ice à volonté à ces jeunes filles, souvent à l'hôtel Royal Tahitien, parfois lors de soirées privées chez des amis. A la barre, il se défend : "C'est elles qui se sont proposées. Il faisait sombre, je n'ai pas vu qu'elles étaient jeunes."

Frère d'Esteban Lozano et Mercedes Dubaquier, déjà condamnés eux aussi dans des affaires d'ice, il assure à la Cour n'avoir "jamais discuté [drogue ndlr] avec eux."
 

 « Ça a basculé »

La justice reproche à Thierry Barbion d'avoir eu des relations sexuelles tarifées avec des mineures, parfois devant d'autres mineures (corruption de mineurs).

A la barre, Thierry Barbion dit regretter cette période, « l’aboutissement d’une phase personnelle douloureuse ». Après la tentative de suicide de sa femme en 2009, il raconte avoir passé "deux ans dans les hôpitaux" et s'être "occupé seul de ses 4 enfants". "J'ai eu besoin de lâcher la bride, ça a basculé", mais "ça n'a duré que 3 semaines," assure-t-il.

Pour lui, il s’agissait de libertinage avec de simples strip teaseuses de l’ancien Barramundi de Papeete : "elles ont été obligées d'avouer leur libertinage nocturne. Certaines étaient en couple et n'étaient pas prêtes à l'assumer. [...] Ces femmes veulent me faire chanter pour de l'argent.

L'une d'entre elles a raconté aux enquêteurs avoir été violée par Thierry Barbion, dans son bureau, "ceinturée" par Sabine Boiron qui l'aurait forcée à boire. La justice n'a pas poursuivi, faute d'éléments à charge.

Une jeune fille raconte aux enquêteurs : « Il y avait du cul partout [...] Sabine, cette pute, m’a forcée. Elle a baissé mon pantalon de force, j’étais bourrée, j’ai refusé. Elle m’a poussé sur le divan et Barbion m'a pénétrée. Il a fini par se retirer, car je disais ‘non’. »

Quant à l’argent qu'il remettait à Sabine Boiron, c'était pour "la dépanner". Il affirme avoir deux principes : "pas de drogue, pas de mineurs".

"On vit l'enfer avec ma famille depuis 7 ans. Mon visa aux Etats-Unis a été révoqué, suite à la publication de l'ordonnance de renvoi dans la presse locale. Mes filles n'invitaient personne à leurs anniversaires." "Et les conséquences pour ces jeunes filles, vous y avez pensé ?" demande le président. "Quand on lit les PV, ça peut paraître glauque, mais c'était des soirées où l'on s'amusait beaucoup," conclut Thierry Barbion qui a aujourd'hui quitté la Polynésie, mais y gère encore de nombreuses promotions hôtelières et immobilières.

Sur les six jeunes filles citées, une seule s'est portée partie civile. "Elles préfèrent oublier leur passé," explique Me Thierry Jacquet, avocat des parties civiles.

À l’ouverture du procès, la défense demande le huis-clos total, refusé par la Cour : le procès est donc public.

En tout, dix personnes comparaissent pour trafic de drogue, prostitution ou corruption de mineurs. Les témoignages de viols ne sont pas poursuivis, le juge d’instruction ayant estimé qu’il n’y avait pas assez d’éléments à charge.
Demain, les prévenus doivent continuer de se succéder à la barre.