40 milliards de francs dans les caisses du Pays mais de gros problèmes de fond à régler : les priorités de Warren Dexter, ministre de l'Économie

Warren Dexter, ministre de l'Économie
Nommé le 19 août dernier en remplacement de Tevaiti Pomare, Warren Dexter, ministre de l’Économie, du Budget et des Finances était l'invité café du 02 septembre. S'il évoque une situation budgétaire très positive, il reste de nombreux problèmes de fond à régler...

"On a cette chance, on a une situation budgétaire confortable" rassure d'emblée le nouveau ministre de l'Économie. Précisément 40 milliards de francs Pacifique en trésorerie grâce aux rentrées d'argent depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement Brotherson. Ce qui a valu à la Polynésie un "A" de la part de l’agence de notation Standard & Poor’s Global Ratings. "Pas de risque de difficultés financières" dixit Warren Dexter et de quoi anticiper d'éventuelles crises. "Il faut utiliser cet argent en étant prudent par rapport à d'éventuelles crises qui pourraient survenir et en même temps le redistribuer à la population de manière efficiente." Ce sera son plus grand challenge : la lutte contre la vie chère.

Le secteur primaire à développer

Le premier pas pour faire baisser les prix, c'est d'abord d'être moins dépendant des importations. Mais comment faire lorsqu'on est un petit territoire d'outre-mer, "isolé au milieu du Pacifique, éclaté sur 118 îles et comptant 270 000 habitants" ? Le Pays mise sur le "développement du secteur primaire", la "pêche", "l'agriculture" ou encore "l'audiovisuel" afin de "gagner en autonomie".

Pour cela, il faudra, en premier, lieu remettre de l'ordre au sein de la direction de l'agriculture (DAG), qui selon nos sources, se trouve dans une position compliquée. En témoigne son parking inutilisable à 260 millions de francs Pacifique et d'autres soucis en interne, dont nous avons eu vent grâce à quelques indiscrétions. "Je ne connais pas le dossier mais l'agriculture est le dossier prioritaire du gouvernement donc il faut que l'on trouve des solutions. Il faut qu'on puisse faire un diagnostic" répond le ministre.

Autre problème : "les filières agricoles n'intéressent pas nos jeunes" regrette le ministre. Là aussi, "il faut trouver des solutions" pour pouvoir développer le secteur, sans pesticides dans le pota de préférence.

Rassurer les chefs d'entreprise

L'autre source de richesse que le ministre souhaite préserver, ce sont les entreprises. "Ce sont elles qui font l'Économie de ce Pays. J'ai beaucoup de rendez-vous avec les chefs d'entreprise à venir. Les mots qui reviennent à chaque fois, c'est confiance et visibilité. Si les chefs d'entreprise n'ont pas confiance, ou peur que vous leur fassiez quelque chose dans le dos, ils n'ont pas envie d'investir. On a besoin d'avoir un discours de franchise et ils ont besoin de savoir à quelle sauce ils vont être mangés" lance Warren Dexter. Les chefs d'entreprise voient d'un bon œil l'arrivée du nouveau ministre en remplacement de Tevaiti Pomare.

Troisième point auquel le ministre tentera d'apporter des changements : la fiscalité. "Aujourd'hui, les impôts et taxes dans ce pays nous rapportent 180 milliards de francs. Et 70% de cette fiscalité est indirecte (douane, importation, TVA). L'une des premières solutions, c'est de faire un basculement — développer les impôts directs pour abaisser la fiscalité indirecte puisque c'est la fiscalité indirecte qui est la plus inflationniste. Deuxième levier : le développement de la concurrence, quitte à modifier le code de la concurrence. Le gros des écoulements sur le marché polynésien, ce sont des entreprises qui sont en position dominante. Il ne s'agit pas de les fustiger mais de donner la chance aux plus petits de devenir grands. C'est compliqué mais pas impossible avec des régimes plus allégés, des dispositifs d'aide directe pour les aider à développer des projets" précise Warren Dexter. 

Autant de projets qui ne pourront pas être réalisés à court terme. Il faudra donc patienter encore pour voir ses projets aboutir. Et le ministre voudrait mettre un point d'honneur au développement des archipels. Il en parle comme un enjeu majeur "des prochaines décennies. Quand on me parle de grands plans sur la comète à Tahiti, attention parce que vous continuez à développer Tahiti et à favoriser un exode vers Tahiti."

Problèmes de fond

Par ailleurs, qu'en sera-t-il des porte-conteneurs ? La passe de Papeete se fait de plus en plus petite alors que les navires sont de plus en plus gros. Faudra-t-il agrandir la passe ? Moetai Brotherson n'est pour l'instant pas favorable à cette solution. "Cela voudrait donc dire que si les gros porte-conteneurs ne viennent plus sur Papeete, ils déposeraient nos conteneurs en Nouvelle-Zélande. Comment on va récupérer nos conteneurs ?" Le ministre prévoit d'étudier sérieusement la question.

Autre interrogation, le poste PSG qui est "la grosse inquiétude chaque année." Mais Warren Dexter travaille étroitement avec le ministre de la Santé, Cédric Mercadal sur le sujet. 

De gros dossiers attendent donc le ministre, qui veut aussi s'occuper des "exclus", ces personnes en mal d'insertion (SDF, chômeurs etc.), au nombre de 55 000 selon les chiffres de l'ISPF. "Cela pourrait être une poudrière à terme. Cela commence par l'échec scolaire puis l'inemployabilité. Il faut repartir à la base avec eux, gérer leurs problèmes sociaux et parfois psychologiques avant qu'ils ne puissent prétendre à un entretien d'embauche. C'est une situation qu'on ne peut pas laisser perdurer, il faut s'en occuper" conclut-il.