En 2025, notre journal en langue tahitienne fêtera ses 50 ans

En 1985, 1ère apparition télévisée de Thomas Teriiteporouarai dans le cadre d'un magazine sur le festival des arts.
De 1965 à nos jours, retour sur l'arrivée en Polynésie du petit écran et la création du premier journal en langue tahitienne, qui se fait naturellement une place dans un contexte historique riche.

Il y a 50 ans, la nouvelle chaîne régionale publique France 3 Région (après la dissolution de l'ORTF, décidée par la présidence de la République), diffusait pour la première fois le journal télévisé en langue tahitienne. L'événement marque un tournant dans l'histoire culturelle et médiatique du pays. 

Il y a eu d'abord 1965, la petite lucarne fait son apparition dans le vaste petit monde polynésien qui venait de se lancer dans des dynamiques socio-économiques et politiques, telles que l’ouverture de l’aéroport de Tahiti-Faa’a et l’implantation du Centre d’Expérimentations du Pacifique (CEP) qui avait donné lieu au recrutement de plusieurs milliers d'hexagonaux pour travailler sur le site des essais nucléaires de Mururoa. L’équilibre linguistique et culturel du Pays en fut définitivement transformé.

La Polynésie étant à la croisée des chemins, tous secteurs confondus, il lui sera difficile de sortir d’une situation de bilinguisme où la langue française montrait déjà des signes de dominance très discrets au départ, pour devenir exponentielle. Sur une période de quatre décennies, la langue tahitienne perdra une grande partie de ses locuteurs natifs, et aujourd’hui, seulement 30 % de la population de 280 000 habitants maîtrisent assez bien le tahitien.

Etienne Raapoto a pris sa retraite en 2016.

Il y a eu ensuite 1972, la création de l'Académie Tahitienne par quatre personnalités pionnières - Maco Tevane, John Martin, John Doom, Ame Huri - membres actifs de la rédaction, rue Dumont D'Urville et surtout premiers journalistes radio de langue tahitienne. Ils n'auront de cesse de faire preuve d'inventivité pour créer la plupart des terminologies qui forment la base du reo tahiti journalistique actuel. John Martin racontait d'ailleurs qu'il était à l’origine de la traduction en tahitien de l'avion à réaction MANUREVA TUTUHA AUAHI (littéralement : oiseau cracheur de feu) en voyant les premiers « vautours » de l'armée de l'air atterrir à Faa'a le 17 mai 1966.

Deux ans plus tard en 1974 à Paris, le nouveau locataire de l'Elysée prit la décision de dissoudre l’ORTF (Office de Radiodiffusion-Télévision Française) pour libérer les ondes, et mettre à la place France 3 Région. Une nouvelle structure que les Polynésiens surnommeront rapidement "Fare Toru" (la troisième maison). Une appellation qui véhiculera une image de convivialité qui, il faut le dire, sera plutôt réussie.

Radio Tahiti était devenue l'indispensable rendez-vous de la population tahitianophone en manque d'information et de culture depuis déjà quelque temps. La rédaction de France 3 Région, proposait tous les soirs vers 19h, un journal télévisé, tout ce qu'il y a de plus normal. Fatalement, sous la pression, les journalistes ma'ohi ne voulant pas être en reste, réclamaient la même légitimité dans les espaces publics, souvent dominés par le français. Il aura fallu tout ce temps pour qu'émerge l'idée d'un JT en langue vernaculaire que plusieurs considéraient comme un acte de résistance culturelle voire identitaire.

Ahiti Roomataaroa a présenté la toute première édition du Ve'a Tahiti en 1975.

Ame Huri, en charge de la partie tahitienne de la rédaction après le départ des anciens, n'aura pas eu d'autre choix que de suivre le cours des choses. Il mettra Ahiti Roomataaroa à l'épreuve en lui proposant de présenter la toute première édition du Ve'a Tahiti. Nous sommes en 1975.

Et comme pour conjurer le sort, il fallait une autre voix forte pour faire accepter le principe d'un journal en langue française présenté par un Polynésien. C'est Etienne Raapoto qui s'y collera 8 ans plus tard en 1983. Dès lors, la rédaction de Fare Toru Polynésie changeait de statut pour devenir bi-langue.

La suite de l'histoire, vous la connaissez. Des noms qui font partie de nos vies : John Tefaatua, David Marae, Theodore Mauore, Etienne Raapoto, Eugène Roe, Ronny Poutoru, j'en passe et des meilleurs.