Barrages en Nouvelle-Calédonie pour protester contre le pacte nickel

Situation tendue à Saint-Louis, ce mardi 9 avril.
La circulation a été mise à l'épreuve aujourd'hui avec des blocages à Saint Louis et des barrages filtrants à l'entrée de Farino. L'impact du pacte nickel mais aussi du dégel du corps électoral étaient au coeur des revendications de manifestants indépendantistes.

En Nouvelle-Calédonie, des opposants au pacte nickel ont installé des barrages filtrants. Deux personnes ont été interpellées et des coups feu ont même été tirés.

Ces heurts interviennent dans un contexte où les sociétés de nickel sont en grande difficulté, l'Etat refuse d'assumer seul la facture énergétique des trois producteurs de nickel calédoniens et réclame une participation plus importante de la Nouvelle-Calédonie.

Le Congrès s'y refuse mais le président Louis Mapou s'est dit prêt à signer le pacte nickel avec l'Etat sans l'accord du Congrès.

Les manifestants indépendantistes demandent la démission de Louis Mapou, président indépendantiste du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

Les manifestants demandent alors sa démission ainsi que celle de Gilbert Tyuienon, membre du gouvernement en charge de la fiscalité et des affaires minières.

Le mois dernier, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, avait appelé les collectivités calédoniennes, l'Etat et les industriels de la mine et de la métallurgie concernés à signer avant "la fin mars", et "tel qu'il a été rédigé", le plan de redressement de la filière nickel en Nouvelle-Calédonie, négocié depuis plusieurs mois.

Chère transition énergétique 

"Nous devons réinventer la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie avec les autorités calédoniennes" mais il est "exclu de financer à perte un outil de production qui ne serait pas rentable", avait déclaré le ministre de l'Economie. Il s'était "réjoui que le gouvernement de Nouvelle-Calédonie ait décidé de soumettre" le texte du "Pacte Nickel" au Congrès de Nouvelle-Calédonie le 28 mars. "C'est un acte courageux et de responsabilité" de la part du gouvernement néo-calédonien, avait jugé M. Le Maire.

Le président du gouvernement calédonien, l'indépendantiste Louis Mapou, avait dit vouloir recevoir l'habilitation du Congrès local avant de signer ce pacte qui implique un important engagement pour ce territoire déjà exsangue financièrement. "La charge la plus importante pèse sur la Nouvelle-Calédonie et ces huit milliards (de francs pacifique soit 67 millions d'euros), il faudra bien les trouver", avait déclaré Louis Mapou aux journalistes en marge d'une présentation du Pacte au Congrès. Ce texte, que l'AFP avait pu consulter, prévoit notamment que le gouvernement calédonien finance la transition énergétique du territoire à hauteur de huit milliards de francs pacifique, mais aussi qu'il renonce à "toutes mesures susceptibles d'accroître les charges ou de diminuer les recettes des entreprises métallurgiques".

"Graves difficultés"

L'Etat en échange s'engage à des subventions au prix de l'énergie à hauteur de 200 millions d'euros (près de 24 milliards cfp) par an, et d'autres aides pour décarboner et moderniser la production électrique de l'île, selon un cofinancement avec les collectivités.

Face aux "graves difficultés" rencontrées par les exploitants du nickel sur le "Caillou", l'Etat français négocie depuis plusieurs mois ce plan d'engagement tri-partite avec les collectivités et les industriels (Société Le Nickel, Prony Ressources et Koniambo Nickel, qui exploitent les mines et les usines métallurgiques locales).

Le but est d'essayer de retrouver les conditions d'une rentabilité de cette exploitation, et la survie d'un secteur vital pour l'économie de l'île : il représente la quasi-totalité de ses exportations et près du quart de l'emploi privé.

Chacune des trois parties prend des engagements pour assurer l'avenir de la filière mise en péril par des problèmes "d'accès à la ressource", de "coûts énergétiques et de main d'oeuvre très élevés", de "contrainte sur les exportations", et par une "pression de concurrence étrangère, en particulier indonésienne", a rappelé M. Le Maire.

De l'aide publique à perte

Les trois mines et usines métallurgiques ont déjà reçu "plus de 700 millions d'euros (83,5 milliards cfp) d'aide" d'argent public depuis 2016, avait souligné le ministre. Mi-février, le géant minier suisse Glencore a annoncé l'arrêt du financement de l'usine du nord de l'île Koniambo Nickel (KNS), qui lui a coûté neuf milliards d'euros (plus de 1073 milliards cfp) en un peu plus de 10 ans et a accumulé 13 milliards d'euros (plus de 1551 milliards cfp) de dette.

M. Le Maire avait repoussé toute idée de nationalisation, "une "illusion" qui "ne permettrait pas de garantir la rentabilité des usines". Elles "doivent être rentables", avait-il martelé, et "pour qu'elles soient rentables, elles doivent être contrôlées par des industriels".

Usine de nickel de la transition énergétique. Usine du Sud (Prony Resources) en Nouvelle-Calédonie

Selon le pacte, les industriels "doivent produire davantage" pour être au diapason de la concurrence internationale, avait ajouté M. Le Maire. Les usines "ont besoin d'abaisser leur coût de production, notamment en utilisant de l'énergie "moins chère" et "d'avoir un accès sans entrave à la ressource minière", avait-il dit. En retour, les collectivités devront, si elles signent le pacte, réformer le code minier pour "améliorer l'accès à la ressource" avec "pour but d'autoriser les exportations de minerai brut" et "de faciliter l'octroi des autorisations d'exploitation", avait dit M. Le Maire.

Popur l'heure, les élus du Congrès de Nouvelle-Calédonie, réunis ce mardi après-midi en commission plénière, n’ont pas trouvé d’accord sur le pacte nickel.

Le reportage de Nouvelle-Calédonie la 1ère :

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