Carburants : 3 milliards de plus pour le FRPH et maintenir les prix artificiellement

Grâce à l'abondement du FRPH, et à l'effort des pétroliers, le prix des carburants va se maintenir ici.
Le prix de l'essence n'augmentera pas jusqu'à la fin de l'année ! C'est l'une des mesures votées hier, lors du 4ème collectif budgétaire à l'assemblée. Mais c'est une décision qui a un prix, le Pays doit mettre 3 milliards cfp sur la table pour alimenter le fonds de régulation du prix des hydrocarbures. Objectif affiché du gouvernement : lutter contre l'inflation et préserver le pouvoir d'achat.

Le prix de l’essence flambe un peu partout, sauf chez nous. Une mesure pas forcément visible par le consommateur mais qui coûte pourtant plusieurs milliards de francs !

David, entrepreneur depuis 5 ans, garde plutôt en mémoire l’augmentation du mois de juillet. "L'essence a sacrément augmenté, ca prend une grande part dans mon budget, 20 à 30%, tout le monde a senti le coup de pompe !", dit-il malgré tout avec humour.

Même chose pour William, chauffeur de taxi depuis 25 ans, son syndicat envisage d’ augmenter les tarifs de la course. "Je ne fais pas le plein parce que je ne peux plus faire le plein. Je fais de ci, de là. Tous les jours, 2 000, 3 000 cfp, parfois plus. Ca dépend si on fait le tour de l'île ou non", avoue ce chauffeur.

Plusieurs sources de financement du FRPH.

Certes les prix de l'essence ont fait un bond en Polynésie ces derniers temps, comme partout dans le monde, mais pas avec la même ampleur. Car ce qui permet de stabiliser les prix ces carburants, c’est le FRPH, le fonds de régulation du prix des hydrocarbures. 

Pour éviter une nouvelle augmentation en octobre, le Pays a dû l'abonder de 3 milliards cfp.

  • Car paradoxalement l’économie repart et génère des taxes, cela permet déjà de dégager un peu plus d’un milliard
  • les réserves pour venir en aide aux entreprises ne sont plus nécessaires, cela fait un milliard de plus
  • Enfin le fonds de garantie de la dette est déjà bien alimenté, le Pays peut y puiser un milliard supplémentaire
Les pétroliers ont fait aussi un effort pour plafonner le coût du fret.

Ce dispositif n'existerait qu'en Polynésie. "En Métropole, à ma connaissance, aujourd'hui le prix du litre est à 240 cfp (2 euros), en Nouvelle-Calédonie il est beaucoup plus cher qu'ici, au Vanuatu encore beaucoup plus cher. Je crois qu'on est encore l'un des pays les moins chers, mis à part les Emirats arabes unis. Mais après c'est un choix que nous devons tous assumer au risque de voir le prix de l'électricité encore s'envoler de 20% ,25% voire 30%, le prix à la pompe s'envoler...Nous avons la possibilité aujourd'hui, même si nous sommes très critiqués là-dessus, mais la décision a été votée hier de continuer à accompagner ce pouvoir d'achat sur les hydrocarbures", explique Yvonnick Raffin, ministre de l'Economie.

Au total pour 2022, on arrive au chiffre inédit de 11,5 milliards cfp pour maintenir le prix à la pompe (181 cfp/l) et aider les pêcheurs, les transporteurs ou les boulangers.

Cette année, c'est le montant du FRPH. Et l'an prochain ?

Sans oublier les pétroliers Total, Mobil et Shell qui ont aussi fait un effort sur le prix du fret. "A la demande du gouvernement, les pétroliers ont été mis à contribution, et les transporteurs pétroliers ont plafonné le coût du fret. Ce plafond est aujourd'hui à 66 dollars la tonne, alors que le prix réel est de 120 dollars la tonne. Traduction : c'est un soutien d'1,4 milliard sur l'année, ce qui représente environ 6 cfp par litre. Donc environ 30 cfp par le Pays, 6 cfp par les pétroliers c'est un fort soutien que le Pays et les pétroliers octroient à la situation des carburants", souligne Luc Peridou, directeur général délégué de Petropol.

Un effort d’1,4 milliard pour les pétroliers, une contribution du Pays de 11,5 milliards au total en 2022. Des chiffres inédits.

Baisser le coût du fret ou être taxé

N'oublions pas que ce geste des pétroliers est dû au fait qu'ils étaient "dans la ligne de mire des parlementaires français, de même que le transporteur CMA CGM, à gauche mais aussi dans la majorité, qui voulaient créer une taxe pour les entreprises ayant réalisé d'importants bénéfices grâce à l'inflation", relatait l'AFP en juillet dernier, par exemple "TotalEnergies a annoncé début février un bénéfice net de 16 milliards de dollars en 2021, le plus élevé depuis au moins 15 ans, lié à la forte hausse des prix du pétrole". 

Ceci dit, c'est donc une décision politique qui permet de maintenir artificiellement les prix en Polynésie, en s’adaptant au fur et à mesure des événements mondiaux.

Si le taux du dollar et le prix du baril restent aux niveaux actuels, pas sûr que le modèle du FRPH perdure. En 2023, le consommateur pourrait bien connaître la vérité des prix. Comme par exemple à Wallis et Futuna où le prix de l'essence est 206,5 cfp/l.