Dans le salon d'un grand hôtel de la côte Est de Tahiti, il arrive sous les applaudissements d’un public déjà conquis...
Avec 26% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, la Polynésie est un marché intéressant pour les vendeurs de promesses d'une vie meilleure.
Ils sont près de 250 à assister au séminaire cet après-midi-là. L'entrée est payante : entre 3 600 francs pacifique et 11 500 francs pacifique, selon la formule…Des femmes en grande majorité. Mais selon David Michigan, il y aurait déjà un millier de Polynésiens à suivre ses formations en ligne : "affiliation, aromathérapie, yoga, pour avoir un beau corps, un bon esprit, pour se développer, e-commerce millionnaire..."
"J'ai pris le programme à 400 000 francs pacifique"
Dans la salle, des affiliés et des curieux : "J'ai pris le programme Liberty Closing, Liberty Investing et David Michigan. Ca m'a coûté quand même un peu plus de 400 000 francs pacifique, détaille Laure. J'ai essayé de proposer à toute ma famille et aux alentours : les voisins, tous ceux et celles qui sont intéressés."
Une autre "affiliée" nous explique : "toute personne intéressée par telle formation paye à l'académie. Ce n'est pas à moi qu'elle paye. Et l'académie ensuite me paye 50%."
Et lors du séminaire, les meilleurs vendeurs de formation sont récompensés.
La limite avec un système pyramidal, illégal et passible de 2 ans de prison et 35 millions de francs pacifique d’amende, est ténue. "Si on vous dit 'vous devez vendre tel produit et vous serez intéressé à la vente sur le produit', vous allez tirer des revenus de la vente de votre produit qui vous est proposé, explique Me Gilles Jourdainne, avocat à Papeete. Mais en vous disant 'pour intégrer notre réseau, il faut payer', les clignotants doivent s'allumer."
David Michigan est très à l’aise devant le public et les caméras. Et s’exprime avec aisance. Il accepte de répondre à nos questions : "Nous, ce que l'on fait, ce n'est pas pyramidal, ce n'est pas le truc de Ponzi...ça s'appelle de l'affiliation. Si vous vendez par exemple un appartement et que vous travaillez dans une agence immobilière, vous touchez une commission. C'est pareil pour ce que l'on fait dans l'académie. Si vous décidez de travailler avec nous, vous vendez une formation, vous touchez une commission. La Michigan Academy arrive à gagner sur le volume : plus on vend, plus on gagne de l'argent."
Pourtant, certains internautes n’ont jamais touché leur gain et préféré abandonner. "Je n'ai rien gagné," nous assure une ancienne affiliée.
De source proche de l’enquête, David Michigan a été placé en garde-à-vue à son arrivée à Tahiti, le 7 mars. Il serait recherché dans l’Hexagone pour escroquerie…Mais il se dit serein : "Ce sont des choses inventées par les médias. Le but du jeu d'un média, c'est de faire le buzz. Ce qui buzz le plus en ce moment en Polynésie et dans le monde entier, c'est le terme DAVID + MICHIGAN."
Des abonnés achetés ?
Pour avoir de la visibilité sur les réseaux sociaux, il faut beaucoup d'abonnés. Aujourd'hui, David Michigan se targue d’avoir 18 millions d’abonnés…C'est plus que le youtubeur Squeezie, l’acteur Timothée Chalamet qui a joué dans Willy Wonka ou encore que le DJ David Guetta…Pourtant, en regardant son compte Instagram, ses photos ne recueillent que 150 ou 500 likes. Un record à 5 000 likes pour une vidéo avec des filles en maillot de bain. Où sont les 17 995 000 abonnés ?
Certains youtubeurs n’hésitent pas à qualifier ces abonnés de "factices". Babor Lelefan a enquêté il y a 3 ans…Pour lui, la majorité de ces followers seraient en fait des bots achetés, ce qui coûterait entre 3 euros et 250 euros, selon les formules choisies. "Je pense qu'il [David Michigan ndlr] a dû dépenser 100 000 euros," analyse Pierre du site Youboost. "Ce sont des comptes qui vont s'abonner, qui s'appellent un deux trois quatre cinq six, qui n'ont pas de photo. Ni de profil, ni de feed. Zéro abonné et 4 000 abonnements. Ce sont les premiers prix et tu es sûr que dans les 24 heures, tu n'auras plus rien [nettoyé par Instagram ndlr]. Ce que David Michigan a à peu près, c'est des "low quality". Ils ont quand même une photo de profil, comme s'ils étaient un peu actifs, avec quelques publications, etc. Ca coûte un peu plus cher à nous revendeur, parce que c'est un robot un peu plus performant qui les fait."
Toujours selon l'enquête de Babor Lelefan, demander à David Michigan de passer dans sa story, avec sa photo et "gofollow @..." coûte 300 dollars. 4 à 5 personnes par jour passeraient ainsi, dans l'espoir de booster leur compte. Si les 18 millions d'abonnés sont en grande majorité des bots, cela ne risque donc pas de ramener de la visibilité...
Suite à cette enquête, David Michigan a porté plainte pour dénigrement au tribunal de commerce. Il a perdu en première instance et ne s'est pas présenté à l'appel. Contacté, le youtubeur Babor Lelefan ne souhaite plus commenter cette affaire.
A Tahiti, l’influenceur au marketing bien huilé est ressorti libre de sa garde-à-vue. Une autre formation réservée aux affiliés est prévue le 11 mars dans un grand hôtel de la côte Ouest de Tahiti.
Aujourd’hui, David Michigan vit en Argentine...qui n’a pas d’accord d’extradition avec la France.