De Outumaoro au tapis rouge : “elle a emmené mon âme sur Cannes”

Des Polynésiens montent les marches du festival pour le film "Pacifiction"
Mauike Bunkley est un jeune couturier polynésien de 26 ans. Le mois dernier, il a créé une robe spéciale, pour une actrice transgenre du Fenua invitée sur les marches de Cannes. Un vêtement à la symbolique particulière...

"C’est comme si elle m’avait emmené sur Cannes. J’ai mis mon âme dans cette création ”, lâche Mauike Bunkley. Lorsque Pahoa Mahagafanau est  accueillie en star sur le tapis rouge de Cannes, elle porte une robe blanche et marron en faraoti et tissu tapa, spécialement confectionnée par Mauike Bunkley, couturier depuis tout juste 6 ans. 

Le couturier s'est inspiré du penu (le pilon, au centre de la robe). Il a également représenté le ‘ūmete, le soleil, et la raie, reliés par les tresses (te natira’a) qui prennent une place dominante, symbole d'unité.

Rien n’est cousu au hasard. Des motifs foncièrement polynésiens, avec un penu au centre : la symbolique, à la fois culturelle et identitaire, est forte. Mauike y tient. Une comédienne polynésienne et transsexuelle sur les marches du prestigieux Festival de Cannes, ce n’est pas tous les jours…

Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose. Une actrice trans polynésienne sur les marches de Cannes, cela n’est jamais arrivé. Elle est un symbole et donne de la visibilité à cette communauté, encore mal vue” raconte Mauike, lui-même victime de ces préjugés. 

Le jeune couturier tombe à pic… Pahoa n’a personne pour l’habiller. Quelques jours plus tard, il soumet son croquis : les acteurs et toute l’équipe valident.

La créativité à rude épreuve

Un travail de longue haleine débute alors. Mauike, salarié à plein temps dans un atelier de Papeete, ne peut consacrer que ses soirées et week-ends à la confection de la robe. Plus de 100 heures de travail pour y arriver, avec comme atelier, sa petite chambre dans la maison de ses parents, à Outumaoro. 

Je n’ai pas d’espace dédié à la couture. Je travaille dans ma chambre pour mes projets personnels et mes commandes. Je fais avec les moyens que j’ai. J’ai une table pliante que je déplie et qui me sert de table sur laquelle je dessine, je découpe, je patronne et je couds.

Malgré les peurs, les doutes et les moyens limités, le jeune couturier a relevé le défi, en moins de deux semaines. Un défi qui le mène, lui aussi, jusqu’à Cannes. 

Un symbole

Je savais à quelle heure elle passait. Je me suis réveillé exprès à 2 heures du matin pour la voir en direct. Quand elle est descendue de la voiture, sur le tapis rouge, j’ai pleuré. Elle a emmené mon âme sur Cannes ”, confie le couturier, plein d'émotions. 

Ou comment faire briller la culture polynésienne à l’étranger et porter la voix de “ toutes ces femmes qui sont nées dans le mauvais corps”...