Que dit la délibération ?
Le 12 décembre dernier, l’Assemblée de Polynésie française a adopté (38 pour et 12 contre) une délibération appelant l’État à ouvrir le dialogue de la décolonisation sous l’égide de l’ONU et habilitant Antony Géros à déposer des recours contre l’État, si besoin. Ce texte a pour vocation de "faire cesser la violation du droit à l’autodétermination du peuple polynésien."
Avec cette résolution, le Tavini change de stratégie : finie la 4e commission de l’ONU qui stagne depuis dix ans. Place aux contentieux.
Hinamoeura Morgant est la seule élue Tavini à avoir voté contre. "Que le parti Tavini Huiraatira aille à ses frais à New York, y en a certains qui vont en Azerbaidjan, c'est une chose. Mais là, habiliter le président de l'Assemblée à aller parler au nom de toute la Polynésie, là non. Pour moi, c'est un sujet assez sensible, et à la fois assez important pour qu'on consulte la population, au travers d'une question" a-t-elle fustigé.
Pourquoi le Haut-commissaire attaque la délibération ?
Trois semaines plus tard, le Haut-commissaire a déféré au tribunal administratif cette délibération, comme l'ont révélé nos confrères de Radio 1.
Selon Éric Spitz, le statut d’autonomie de la Polynésie ne donne pas le droit au président de l'Assemblée de poursuivre l'État en justice dans ce cadre. Seul le président du Pays en a le pouvoir. Le but d'Antony Geros est avant tout de faire entendre sa voix et le combat du parti pour l'indépendance.
Jusqu'où ira la procédure ?
La demande d'annulation du haut-commissaire a été examinée ce mardi 14 janvier par le tribunal administratif de Papeete. Et le rapporteur public a proposé de consulter le Conseil d'État, compétent en la matière.
L'avocat de l'Assemblée de la Polynésie, Maître Thibaud Millet, s'attendait à cette proposition. Lui, a surtout soulevé ce qu'il estime être une hostilité de l'État vis-à-vis d'une ouverture de dialogue. "Ça va être une demande adressée à l'État pour engager ce dialogue et ensuite une demande d'annulation éventuelle qui sera opposée par l'État et une demande d'injonction au tribunal pour contraindre à avoir ce dialogue. C'est véritablement - quand je parle d'approche pacifique et légaliste - on ne peut pas faire mieux que cela, dans le respect des droits et de la loi."
Le Tribunal administratif a rendu sa décision ce mercredi 15 janvier : le Conseil d'État a été saisi "pour avis". La plus haute juridiction administrative française a trois mois pour se prononcer.
Par ailleurs, Me Thibaud Millet annonce déjà que "d'autres actions avec d'autres personnes, personnalités" sont envisagées. "Vous en aurez la surprise" prévient-il. Et "ce serait une excellente chose" que le président du Pays Moetai Brotherson soit impliqué dans ces actions. "C'est tout ce que souhaite l'assemblée, qu'elle soit suivie par l'exécutif" conclut l'avocat.
Mais rien n'est sûr pour l'instant. "Le parti va se rencontrer en mars et c'est en mars qu'on décidera. Aussi bien au niveau du parti qu'au niveau de l'exécutif. Mais l'exécutif n'est pas privé d'agir même sans l'aval de l'Assemblée. Il [le président du pays, ndlr] a le droit et c'est même le tribunal administratif qui le lui rappelle" lance Richard Tuheiava, directeur de cabinet d'Antony Géros.
Reste à savoir si elle résonnera jusqu’aux oreilles de l’Etat.