Décolonisation : le Tavini va repartir à l'ONU pour une nouvelle séance de lobbying

Archives. Oscar Temaru et Richard Tuheiava aux Nations Unies à New-York.
Une délégation d’élus indépendantistes, de l'Eglise protestante maohi et de l'association 193 va participer début octobre à la réunion annuelle de la 4ème commission dite "commission de décolonisation" de l'ONU. C’est un fait : si la France collabore sur le dossier calédonien, elle refuse toujours d’évoquer le cas polynésien. La réinscription de la Polynésie sur la liste des pays à décoloniser n’a pas fait bouger les choses.

La décolonisation, c’est une histoire sans fin entre la France et la Polynésie française.
Et la réinscription du fenua sur la liste des pays à décoloniser de l’ONU, n’a pour l’heure toujours, rien changé.
C’était le 17 mai 2013, quelques heures seulement avant qu’Ocar Temaru ne perde son poste de Président au profit de Gaston Flosse.
La réaction du quai d’Orsay a été immédiate : la France parle je cite « d’ingérence flagrante, d’absence complète de respect des choix démocratiques des Polynésiens, de détournement des objectifs que les Nations Unies se sont fixées en matière de décolonisation ».

Politique de la chaise vide

Depuis la France a opté sur ce dossier pour la politique de la chaise vide devant le comité des 24 et la 4éme commission de l'ONU.
Une  résolution qui n’a pas fait aussi le bonheur de  l’ex-allié du tavini, le PS, le parti socialiste et plus tard du Président Hollande lui-même. Lors de sa visite en Polynésie en 2016, l'ancien président de la République avait déclaré : « la Polynésie, ce n’est pas le bout du monde. C’est un bout de la France ». 
Il faut préciser qu’en Nouvelle-Calédonie - ce qui n’a pas été le cas en Polynésie- ce sont tous les partis locaux relayés par l’Etat français qui ont demandé et obtenu en 1988, la désinscription suivie par les accords de Matignon puis l’accord de Nouméa. 

Par ailleurs, si un processus de décolonisation n’a toujours pas vu le jour, c’est qu’il y quatre textes fondamentaux difficilement compatibles.
D’un côté, le préambule de la Constitution française qui engage la France à conduire les peuples à la liberté de s’administrer eux-mêmes.
Il y a aussi l’article 73 de la Charte des Nations Unies signée par la France qui affirme le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le principe de primauté des intérêts de ces peuples ou encore la propriété, le contrôle et l’utilisation de ses ressources naturelles et marines. La résolution 15-14 qui étend aux territoires non autonomes, une surveillance de l'ONU.
Et puis de l’autre côté, l’article 2 alinéa 7 de la Charte des Nations Unies signée par la France qui n’autorise pas l’ONU à intervenir dans les affaires qui relèvent de la compétence nationale d’un Etat. 

A ce propos, écoutez Michel Villar, chargé des relations internationales du Tavini :


Il y a enfin le statut d’autonomie de 1984 de la Polynésie française. Un statut validé par le Parlement réuni en Congrès à Versailles. Un statut qui fait sortir la Polynésie française de la liste onusienne des pays non autonomes. Seule la Constitution française laisse au Parlement français le droit d’amender ou d’adopter un statut.

Fritch contre

Alors quel avenir pour le dossier décolonisation de la Polynésie française ? La solution ne peut être que politique. Le Tavini veut l’application concrète de la résolution de 2013. En clair, négocier avec la France, un processus de décolonisation.
Le Président Fritch lui a répondu en 2016, à la tribune de l’ONU. Il a défendu notamment en ces termes, le statut d’autonomie interne de la Polynésie au sein de la République française : "Le destin de la Polynésie française est bien entre les mains des Polynésiens. La Polynésie n’est pas une colonie qu’il faut décoloniser ". Edouard Fritch a également invité une mission d'information du C24 au fenua et fait valoir le statut de membre à part entière de son pays au forum des îles du Pacifique. En 2019, il demande le retrait de la résolution.

Ancrage des collectivités françaises

Les regards se sont tournés un moment vers le candidat à la présidence de la République Emmanuel Macron qui, dans une interview à la Dépêche de Tahiti le 9 mai 2017, a expliqué s’interroger pour savoir "si l’Etat devait coopérer, dialoguer avec la commission de décolonisation de l'ONU ou continuer à pratiquer la politique de la chaise vide ?"
Le changement d’attitude ne s’est en rien concrétisé. Le chef de l’Etat a, au contraire, martelé lors de sa visite officielle en Polynésie française en juillet 2021 que sa priorité, c’est de garantir une axe Indo- Pacifique préservé des appétits de la Chine ou des Etats-Unis. Pour cela, il a réaffirmé avoir d'autant plus besoin d’un plus fort ancrage des collectivités françaises du Pacifique dans la région.

Ecoutez le reportage de Marie-Christine Depaepe :

Le député indépendantiste Tematai Legayic était l'invité du journal télévisé hier soir. Pour lui, ces déplacements répétés à l'ONU sont l'occasion pour le Tavini Huiraatira de rappeler à la France ses responsabilités en matière de décolonisation.

Ecoutez-le :