Dans son dernier rapport publié jeudi 16 juin, l’Office International des Prisons dénonce de très mauvaises conditions carcérales dans 45 prisons en France et en Outre-mer. L'OIP appelle les pouvoirs publics
à agir et mettre en place un plan d'urgence...
En 2020 déjà, la France était condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour l’indignité de ses prisons et sommée de prendre des mesures pour y mettre un terme. Promiscuité, manque d’intimité, non-séparation des différentes catégories de détenus, violences, insalubrité... Dans le rapport intitulé "Dignité en prison. Quelle situation deux ans après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme ?", le constat est sans appel : l'Etat ne s’est toujours pas mis en conformité.
Une des causes est pourtant bien identifiée. En mai 2022, 71 038 personnes étaient détenues en France et le taux d'occupation moyen en maison d'arrêt était de 138,9% : les prisons sont largement surpeuplées.
Les prisons du Pacifique pointées du doigt
En février 2020, l’OIP avait saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie concernant la situation du centre pénitentiaire de Nouméa. Ce dernier avait ordonné de faire cesser les différents manquements à l’hygiène entre autres et d’améliorer les conditions d’accueil dans les parloirs. Le Conseil d’Etat, saisi en appel, avait aussi complété les injonctions en ordonnant "d’engager sans délai des travaux de mise aux normes des différentes cours de promenade de l’établissement, d‘assurer la séparation complète des annexes sanitaires dans l’ensemble des cellules et de prendre toutes mesures susceptibles d’améliorer les conditions matérielles d’installation des détenus, notamment en ce qui concerne la luminosité des cellules et le remplacement des fenêtres défectueuses".
Pourtant, ce même Conseil d’Etat, dans une décision du 11 février 2022, a constaté que plusieurs de ces mesures n’ont toujours pas été mises en œuvre. Par exemple, les sanitaires et points d’eau du quartier des mineurs sont toujours dans "un état de délabrement et d’insalubrité caractérisé". De même, la mise aux normes des installations électriques de certains bâtiments et l’amélioration des conditions d’hygiène n’ont pas été effectuées.
Un constat similaire en Polynésie française dans la prison de Faa’a Nuutania. Selon le rapport, "constatant les traitements inhumains et dégradants que cela constituait pour les détenus et l’insuffisance des mesures prise par l’administration pour y remédier, le Conseil d’État lui a enjoint de "renforcer l’efficacité de la lutte contre les rats" et d’augmenter la fréquence de curage des canalisations."
Un constat partagé dans l’Hexagone et remonté par les détenus
De nombreux centres pénitentiaires et de maisons d’arrêts sont concernés par ces problèmes. Sur les 45 établissements condamnés par la justice pour conditions indignes de détentions, 6 se trouvent en Outre-mer. Le centre pénitentiaire de Faa’a Nuutania en Polynésie française, le centre pénitentiaire de Nouméa Camp Est en Nouvelle-Calédonie, celui de Rémire-Montjoly en Guyane, celui de Ducos en Martinique et les maisons d’arrêt de Baie-Mahault et de Basse-Terre en Guadeloupe.
Il arrive que ce soit les détenus eux-mêmes qui fassent remonter les problèmes d’insalubrité. Pour la prison de Faa’a Nuutania, un détenu a lancé une requête individuelle au Conseil d’Etat, qui a fait droit. Le plaignant a dénoncé une invasion de rats, ainsi qu’une cour de promenade qui "se retrouve fréquemment couverte d’eaux usées, comprenant notamment des déjections humaines".
En 2017, un nouveau centre de détention a vu le jour en Polynésie (Tatutu), tandis que les conditions à Nuutania ne se sont pas améliorées...