Florent Venayre : " Le problème ici est qu'on a un fléchage où on rend responsable de la vie chère, les commerçants"

Florent Venayre
Un colloque se tient les 19 et 20 mars à l’Assemblée de Polynésie. Experts, élus et membres du gouvernement sont réunis pour analyser les causes de la flambée des prix et proposer des solutions concrètes. Pour le professeur des universités en Sciences économiques, Florent Venayre, invité du journal télévisé de ce mercredi 19 mars, le problème est le fléchage ici les responsables de la vie chère sont les commerçants. "On passe assez largement à côté du problème", estime le spécialiste.

Maruki Dury : Sur le coût d’un produit vendu au fenua, il y a 21% de taxes, 8 % de coût de transport et surtout 44 % de marges des acteurs économiques. Est-ce que les marges sont trop importantes ? Et les produits trop taxés ? 

Florent Venayre : Il faut comprendre que ce calcul date de 2019 d'un avis de l'Autorité de la Concurrence à la méthodologie qu'on peut discuter. Puisqu'il s'agit de retirer un certain nombre de choses, d'identifier 44% avec ce qu'on n'a pas trouvé d'autre. C'est déjà donc un petit peu instable... C'est une moyenne par ailleurs et c'est une marge qui est sur l'ensemble de la chaîne verticale c'est-à-dire que cela comprend la marge des importateurs, et donc des grossistes, mais aussi des détaillants. C'est une marge qui est sur plusieurs niveaux, souvent il y a deux entreprises qui sont concernées par ces 44%, et ensuite c'est de la marge brute donc derrière, il faut payer les salaires, les impôts et toutes les charges. Ce qui est pertinent, ce n'est pas tellement de discuter de marge brute, mais de marge nette. Par ailleurs, si on compare avec ce qu'il se passe en Métropole, quand on a deux niveaux comme ça d'entreprises avec des importations en Métropole, on est sur des niveaux de 40% donc il n'y a rien d'extrêmement choquant de ce point de vue. 

Maruki Dury : Il y a 10 propositions qui doivent sortir du colloque sur la vie chère à l'Assemblée, il y a déjà des pistes et notamment sur la transparence des grands groupes. Des contraintes pourraient leur être imposées surtout pour ceux qui font de l’importation et de la distribution, qui cumulent les fonctions. Quel est le problème pour ce type de schéma en simultané ? 

Florent Venayre : A priori, absolument aucun problème spécifique. C'est un choix d'intégration verticale, on décide de distribuer soi-même les produits qu'on importe, ce n'est pas un problème a priori c'est même plutôt source de gains d'efficacité, en général. De fait, quand on regarde les groupes qui sont orientés avec une centrale d'achats et des magasins en dessous, la marge en général de la centrale d'achats n'est pas énorme par rapport à une marge d'importateur indépendant. Cela permet plutôt une compression des marges et d'avoir quelque chose de plus efficace. Ce qui est important, une fois de plus, est la marge nette. Quand on regarde les chiffres de l'ISPF sur la marge nette, on se rend compte qu'on est à 2-3% pour le détail, ce qui est à peu près équivalent à ce qu'on a en Métropole. Si vous allez au supermarché et vous dépensez 100 Fcfp, il reste en fait 2 à 3 Fcfp de bénéfice pour le supermarché. On ne va pas reprocher de la marge brute à des entreprises qui par exemple emploient plus de salariés et les paient plus. Le problème est qu'on a un fléchage ici où on rend responsable de la vie chère, les commerçants et on passe assez largement à côté du problème.