Depuis plusieurs années, la hausse des prix pèse sur les Polynésiens. Face à cette situation, certains développent des stratégies pour économiser.
Encadrer les marges
Tepuaraurii Teriitahi, élue Tapura à l'Assemblée de Polynésie, salue cette capacité d'adaptation et souligne l'importance d'un encadrement strict des marges commerciales. "On voit de plus en plus les locations de voiture à la journée, parce que les gens décident au sein d'un même quartier de louer à deux ou trois une voiture pour pouvoir se déplacer jusqu'à Pirae ou Mahina pour acheter le bon plan qui va leur permettre effectivement d'avoir la caisse de poulet au meilleur prix possible sur Tahiti. Le principal pouvoir qu'on a c'est le contrôle des marges concernant les produits de première nécessité et produits de grande consommation. Il y a des listes définies et qui régulièrement révisées. On a rajouté douze nouveaux produits dans les PPN. Et une marge qui soit limitée. Sur le riz par exemple, les commerçants ne pourront pas mettre plus que 15 xpf de bénéfices quel que soit le prix d'achat à l'origine" indique l'élue.
Au colloque qui s'est ouvert ce mercredi à l'Assemblée, deux mondes s'affrontent : d'un côté les experts en économie et de l'autre, les patrons de la grande distribution. Le public venu nombreux a découvert avec stupeur les marges pratiquées par les commerçants du Fenua. L'information a jeté un froid dans l'hémicycle malgré les tentatives d'explications...
L'Autorité polynésienne de la concurrence veille à empêcher les abus et à garantir des prix justes aux consommateurs. Pourtant, en dix ans d'existence, on ne retiendra que l'amende de sept millions de francs infligée à douze entreprises de pompes funèbres pour entente sur les prix durant la crise du COVID. Cette structure a coûté au Pays deux milliards depuis sa création. Son efficacité interroge. Mais Élise Vanaa, présidente de la commission de l'économie, se veut rassurante : l'APC, qui coorganise le colloque, y présentera des recommandations visant à aboutir à des lois concrètes. "Dix propositions vont ressortir avec des délibérations et des propositions de lois de pays mais après, c'est le suivi et le contrôle. Mais après je pense qu'on doit réfléchir à des mesures plus sévères" rapporte Élise Vanaa.
Une fiscalité spécifique
Ces mesures seront-elles suffisantes ? Florent Venayre, professeur en sciences économiques, rappelle que la vie chère est aussi due à la fiscalité polynésienne, à l'image d'un mille-feuille. Parmi les impôts indirects qui font le plus mal : la Taxe de Développement Local. "La TDL génère très peu de recettes fiscales, de l'ordre de deux milliards à peu près. Surtout, ça empêche les importations parce que comme ça met les produits concurrents des produits locaux très chers alors on préfère ne pas importer et nous consommateurs on décide de ne pas acheter d'autres produits concurrents. Donc de ce point de vue effectivement, c'est très néfaste" déplore l'économiste.
Faut-il mettre en place l'impôt sur le revenu pour redonner du pouvoir d'achat, promesse de compagne du Tavini ? À cela le ministre de l'Économie Warren Dexter dit non. En Calédonie, cet impôt rapporte vingt milliards, l'équivalent de la contribution de solidarité territoriale.
À Paris, le sénateur Teva Rohfritsch s'empare aussi du sujet sur la vie chère. Le 5 mars dernier, le parlemenaire polynésien a fait une intervention sur une proposition de loi de Victorin Lurel, soulignant "l'urgence à travailler sur ce sujet crucial en appelant l'Etat à mobiliser des moyens inédits, en prenant l’exemple de la Polynésie, notre Fenua, qui a du mal à combattre cette dictature des prix".
Lundi 17 mars, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a annoncé un projet de loi contre la vie chère dans les territoires ultramarins "avant l'été", à l'occasion d'un déplacement en Martinique, secouée fin 2024 par une mobilisation contre les prix de l'alimentation.