"Save our seas"... C’est le sens du SOS mondial lancé, mardi, par le secrétaire général de l’ONU. Antonio Guterres s’est exprimé lors du Forum des îles du Pacifique qui se déroule à Tonga, pour alerter sur les dangers que constitue l’élévation du niveau des mers pour ces petits États insulaires du Pacifique.
D'après un nouveau rapport de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) présenté au Forum, le niveau des mers a cru de 9,4 cm en moyenne à l'échelle mondiale en trente ans. Une hausse qui s'élève à 15 cm dans certaines zones du Pacifique. "Il est de plus en plus évident que nous allons rapidement manquer de temps pour enrayer la tendance", s'est alarmé Celeste Saulo, secrétaire générale de cette agence onusienne de référence.
1% de PIB perdu suite à la montée des eaux
En provoquant une submersion des terres, la hausse du niveau des mers réduit non seulement l'espace vital mais aussi les ressources en eau et en nourriture des populations, rappelle l'organisation. La température plus élevée de l'eau conduit par ailleurs à des catastrophes naturelles plus violentes, tandis que l'acidification des océans affecte la chaîne alimentaire marine.
Pour l'experte Rosanne Martyr, de l'institut Climate Analytics basé à Berlin, "le prix à payer s'accroîtra inexorablement si rien n'est entrepris d'urgence". D'ores et déjà, des pays comme le Vanuatu, la Papouasie-Nouvelle Guinée ou la Micronésie ont perdu "plus de 1% de leur PIB en raison de la montée des eaux", affirme-t-elle.
La salinisation de lentilles d'eau douce
Moetai Brotherson, président de la Polynésie, est présent au Forum qui se tient jusqu'au jeudi 29 août. La montée des eaux est un enjeu qui concerne déjà l’ensemble des territoires ultramarins français. L'un des phénomènes les plus inquiétants selon les experts reste la fonte accélérée des glaces dans l'Antarctique. Un phénomène qui ne se voit pas forcément mais qui, s'il se confirme, va accélérer le niveau de la montée des eaux.
Si aujourd'hui la Polynésie française n'est pas touchée comme certains de ses voisins du Pacifique, il n'en reste pas moins que les risques existent. Pour le président du Pays, le danger le plus immédiat n'est pas l'érosion des côtes ou le risque de submersion mais "la salinisation de lentilles d'eau douce" utilisées dans les atolls du territoire.
"À partir du moment où ces lentilles d'eau douce sont remplies de sel, elles sont impropres à l'agriculture, impropre à la consommation humaine. C'est, je crois, le premier souci qui a été adressé chez beaucoup de nos voisins par la mise en place de dessalinisateur. C'est une technologie qui consomme énormément d'énergie, il y a des modèles moins énergivores mais qui couplée aux énergies renouvelables peuvent s'avérer une solution au moins pour la consommation humaine."
Moetai Brotherson - président de la Polynésie française
Selon Moetai Brotherson, il faudra ensuite se poser la question à plus long terme de la relocalisation des personnes des atolls en danger. "Nous commençons déjà à imaginer des scenarii mais il faudra vérifier que les tendances sont bien confirmées et que les atolls ne réagissent pas à la montée des eaux en essayant de s'adapter.", a-t-il expliqué ce mercredi matin sur Polynésie la 1ère radio.
Principe du "pollueur-payeur"
Si les premières victimes de cette montée des eaux seront les petits États insulaires, ce ne sont pas eux les principaux pollueurs mais plutôt les grandes nations comme les États-Unis et la Chine. "Il faut mettre ces grandes puissances face à leur responsabilité. C'est ce qui a été fait lors de la mise en place du fonds de secours au climat aux Nations unies. Malheureusement, quand on voit les montants qui ont été mis dans ce fonds par les grandes puissances, on est très loin du compte", estime Moetai Brotherson.
De son côté, le ministre du Climat tuvaluan Maina Talia a exhorté les "pays les plus pollueurs" à assumer financièrement les coûts croissants liés au changement climatique, selon le principe du "pollueur-payeur".
La situation de la Nouvelle-Calédonie
Le président de la Polynésie a profité de ce forum pour parler de la situation en Nouvelle-Calédonie avec son homologue, Louis Mapou. Il a notamment été question de l’envoi d’une médiation sur place en octobre prochain. "La représentante de la France ici s'est exprimée pendant la phase de dialogue avec les partenaires, la France n'est pas membre du Forum mais partenaire, pour préciser l'accord qui a été donné par l'État français pour que cette mission se tienne au mois d'octobre. Donc, c'est une bonne nouvelle", explique le président du Pays ce mardi matin, qui n'a pas mâché ses mots lors du Forum vis-à-vis du rôle colonial de la France mais aussi à sa responsabilité dans la crise en Nouvelle-Calédonie.
"Ce n'est pas un reproche mais un constat. Je constate depuis bientôt trois ans : d'abord en tant que député de la République, j'ai essayé d'avertir que finalement ce qui s'est passé les trois derniers mois allait se passer depuis le maintien du troisième référendum auquel les Kanaks n'ont pas participé, la nomination de Sonia Bakès qui a été perçue comme un "cassus belli" [ndlr : locution latine pour dire "cas de guerre"] par le camps indépendantiste. C'est même la première fois que l'État prenait partie pour le camps loyaliste de manière explicite. Ensuite, il y a eu cette volonté manifeste et soutenue de changer le corps électoral. Tout ça, c'était la chronique d'une catastrophe annoncée".
Moetai Brotherson - président de la Polynésie française
Le Forum du FIP, qui regroupe 18 États et territoires associés, dont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, doit se tenir jusqu'à jeudi.