Réunis le 3 novembre en Commission de l'Economie, des finances, du budget et de la fonction publique, les élus découvrent alors l'étendue de la dette de l'Office Polynésien de l'habitat. La dette est passée de 2 milliards de francs en 2022 générés par les loyers impayés depuis 2004. Elle a doublé en 2023 lors d'une grosse commande de fare OPH intervenue avant les élections territoriales de 2023.
L'OPH devant poursuivre ses missions malgré sa dette colossale, le collectif budgétaire n°4 du Pays d'un montant de 2,2 milliards de francs va consacrer 1 milliard de francs à l'OPH, 500 millions de francs pour compenser les pertes provenant des loyers impayés des locataires de logements sociaux et 500 millions de francs destinés à apurer les dettes auprès des fournisseurs de l'Office polynésien de l'habitat.
Sauf que la situation gênante de l'OPH aurait pu être évitée si ses comptes financiers de 2022 avaient été déposés et examinés à l'Assemblée de la Polynésie dans les délais impartis, avant le 30 juin comme le prévoit la réglementation budgétaire, comptable et financière de la Polynésie française et de ses établissements publics.
Sur les 9 EPIC du Pays, seuls 4 ont présenté leurs rapports financiers de 2022
Mais l'OPH n'est pas un cas isolé car aujourd'hui sur les 9 Etablissements publics à caractère industriel et commercial ( EPIC) que compte la Polynésie Française, seuls quatre EPIC ont fait adopter leurs comptes financiers de 2022. Selon le JOPF, c'est le cas notamment du Port autonome de Papeete, de l'Etablissement Grands projets de Polynésie; de l'Institut Louis-Malardé et du GREFOC, Groupement des établissements de Polynésie pour la formation continue. Parmi les mauvais élèves, la médaille d'or revient à l'Office des postes et télécommunications dont les comptes financiers de 2021 ont été adoptés en août 2023, la gestion de l'OPT avait fait pourtant l’objet d’un rapport de la chambre territoriale des comptes en 2008 puis en 2015.
Parmi les EPIC qui n'ont pas présenté leurs rapports financiers de 2022 figurent l'EVT, Etablissement public Vanille de Tahiti, l'EGAT, l'Etablissement de gestion et d'aménagement de Teva qui gère plusieurs sites touristiques, agricoles et culturels sur la côte Ouest comme le golf d’Atimaono, le musée Gauguin ou encore le jardin botanique à Papeari. "La gestion désastreuse de l'EGAT" avait également été épinglée en 2018 par la CTC et enfin l'ICPF, Institut du cancer de Polynésie française. En comptant l'OPH, ces cinq EPIC ont reçu en 2023 un total de subventions en fonctionnement de l'ordre de 1,640 milliard de francs.
Les élus de Taraho'i pour un contrôle plus rigoureux des Etablissements publics de la PF
" Beaucoup d'Etablissements ne respectent pas cette obligation de présenter leurs comptes financiers avant le 30 juin, s'agissant de l'OPH, cela fait quasiment un an de retard et à chaque fois qu'on examine ces rapports à l'Assemblée, on fait état de cette situation mais cela ne change pas beaucoup. On a un pays qui connaît de grandes difficultés et quand on regarde le fonctionnement de beaucoup d'EPIC, ils demandent des augmentations de salaire quasiment chaque année. A l'OPH on a vu la mise en place de primes de performances alors que l'Etablissement est tout sauf performant donc j'ai l'impression qu'ils vivent sur des planètes différentes et n'ont pas conscience qu'à la fin, c'est le pays qui paie donc les contribuables" reconnaît Nuihau Laurey, élu non inscrit.
Même analyse au Tapura Huiraatira "c'est vrai que la présentation en retard des comptes financiers des Etablissements du pays est problématique, c'est à mon avis indispensable de mettre la pression sur ces Etablissements et peut-être leur signifier que si les rapports financiers ne sont pas présentés avant la date butoir et bien au budget suivant, l'argent qui est prévu ne sera budgétisé mais on ne veut pas non plus mettre en danger ces Etablissements parce qu'on a besoin des satellites du pays pour fonctionner mais c'est vrai qu'il faudrait que l'on soit plus rigoureux dans les délais, de façon à ce qu'on ne se retrouve plus dans la situation de l'OPH" explique Tepuaraurii Teriitahi élue au Tapura.
Comment le pays compte-t-il contrôler le fonctionnement de ses Etablissements
Interpellé sur la question, le président de l'assemblée de la Polynésie française Antony Géros s'est organisé pour mettre fin aux dérives des Etablissements publics du pays "J'ai la ferme intention de tenir notre première Commission d'évaluation des politiques publiques sur l'ensemble des Etablissements publics du pays y compris l'OPH y compris la Poste, les EPIC donc mais également les EPA, Etablissements publics administratifs. C'est notre devoir de nous intéresser à l'emploi des deniers publics mais le problème c'est qu'il n'y a pas de sanctions pour les EPIC ou EPA qui présentent leurs comptes financiers après le 30 juin mais les communes et leurs comptes administratifs sont dans la même situation. Depuis ma prise de fonction, j'ai régulé le nombre de Comissions législatives et de Commissions d'enquête au profit de la mise en œuvre de la Commission d’évaluation des politiques publiques".
Depuis sa création en 2016 sous la présidence de Marcel Tuihanui, la Commission d’évaluation des politiques publiques n'aura été saisie qu'à quatre reprises. La commission est chargée « d’apprécier l’efficacité d’une politique en comparant ses résultats aux objectifs assignés par l’APF et aux moyens qu’elle alloue par le vote du budget ». Cette commission regroupe tous les présidents de commissions ainsi que ceux des groupes politiques.