Avant même l'ouverture des bureaux de vote, de nombreux électeurs se sont rassemblés, ce mercredi 17 avril, dans la capitale Honiara. Dans un bureau de vote, un représentant de l'ambassade américaine, qui a rouvert récemment, observe les électeurs mettre leur bulletin dans l'urne.
Des électeurs inquiets
Pour Eddie Toifai, un avocat âgé d'une quarantaine d'années, l'aide chinoise, promise depuis longtemps, n'a pas réussi à améliorer la vie dans l'une des nations les moins développées du monde.
"Nous avons rompu les liens avec Taïwan et nous avons développé des liens avec la Chine [...] j'espérais que cela apporterait un changement dans ce pays, mais je n'ai encore rien vu de tel", lâche-t-il, tout en traversant un terrain boueux pour aller voter.
Se protégeant sous un parapluie, Hilda Nuake, une enseignante de 49 ans, s'inquiète de l'état de délabrement des services de base et du système de santé du pays. "Nous manquons souvent de médicaments et d'endroits pour dormir (dans les hôpitaux). Nous dormons à même le sol", déplore-t-elle auprès de l'AFP.
La Chine a financé plusieurs grands projets, notamment un stade d'athlétisme de 10.000 places et un centre médical encore en construction, mais le pays affiche un indice de développement humain parmi les plus bas au monde selon les Nations unies.
Robert Bara, 61 ans, habitant d'un village des environ de la capitale dans un ravin boueux, s'inquiète de ne pas avoir suffisamment d'argent pour envoyer ses enfants à l'école. "Je dois les soutenir financièrement", a-t-il déclaré en allant voter dans une église faisant office de bureau de vote.
Une logistique compliquée
L'organisation d'un tel scrutin représente un défi logistique pour l'archipel, pays de quelque 720.000 habitants répartis sur des centaines d'îles volcaniques et d'atolls, où les urnes et les bulletins ont été apportés en bateaux, avions et hélicoptères.
Des policiers sont venus d'Australie, de Nouvelle-Zélande et de Papouasie-Nouvelle-Guinée afin de prêter assistance aux forces de l'ordre locales.
Se préparant à de possibles violences, l'ambassade de Chine, située dans le centre d'Honiara, a érigé à la hâte cette semaine une clôture temporaire en acier devant le bâtiment.
Il s'agit de la première élection depuis que les îles Salomon ont rompu leurs liens diplomatiques avec Taïwan en 2019, se ralliant au principe de la "Chine unique" de Pékin.
Craintes pour la sécurité
Les îles Salomon sont entrées dans l'orbite chinoise sous la houlette du Premier ministre, Manasseh Sogavare, qui a signé un pacte de sécurité, tenu secret, avec Pékin en 2022.
Bien que les détails de cet accord demeurent obscurs, Washington et Canberra craignent qu'il ne pose la première pierre d'une base militaire chinoise permanente dans le Pacifique Sud, ce qui pourrait changer la donne en matière de sécurité régionale.
Parmi les principaux rivaux de Manasseh Sogavare, il y a Peter Kenilorea, un ancien juriste des Nations unies, qui souhaite remettre en cause le pacte avec la Chine. Le militant des droits de l'Homme Matthew Wale et l'économiste Gordon Darcy Lilo, ancien Premier ministre, figurent parmi les autres personnalités de l'opposition.
Daniel Suidani, figure de proue de l'opposition et ancien Premier ministre provincial, a qualifié les actions de la Chine d'"alarmantes" à la veille des élections, dans un entretien avec l'AFP.
Le quartier chinois incendié
Le ralliement de Manasseh Sogavare à Pékin en 2019 a, en partie, alimenté une vague d'émeutes antigouvernementales qui ont ravagé le quartier chinois de la capitale Honiara.
Une nouvelle éruption de violence s'est produite en 2021 quand une foule en colère a tenté de prendre d'assaut le Parlement, incendié le quartier chinois et tenté de détruire la maison de Sogavare.
Les électeurs ne choisissent pas directement leur Premier ministre. Ils élisent des représentants qui négocient à huis clos pour former une coalition et choisir un dirigeant, un processus qui peut durer des semaines. Les périodes électorales sont souvent tumultueuses, voire violentes.
En 2000, le Premier ministre Bart Ulufa'alu avait été contraint à la démission après avoir été enlevé par des hommes armés mécontents.
En 2006, des forces internationales de maintien de la paix avaient été déployées pour réprimer des violences post-électorales, et le Premier ministre Snyder Rini avait été chassé au bout de huit jours seulement.