Elle est une personnalité inspirante et charismatique. Elle est aussi une femme très noble et très droite. Elle, c’est Marie-Claude Tjibaou, la femme de Jean-Marie, indépendantiste kanak tué assassiné. La réalisatrice, qui vit en Calédonie depuis des décennies, tenait à raconter son histoire, son parcours.
Co-réalisé avec Emmanuel Tjibaou, son fils, Dorothée Tromparent a tissé une relation de confiance très profonde avec cette grande femme. « On était une petite équipe motivée, on était comme une petite famille. Je pense que c’est un chemin qu’on fait ensemble. Un chemin de confiance et de travail.», confie la réalisatrice, assise sous le pae pae a Hiro, qui a souhaité montrer une facette plus drôle, plus douce et tendre de Marie-Claude Tjibaou. « Elle est très lumineuse et ultra charismatique mais elle s’est beaucoup protégée du monde extérieur. Nous on voulait aller au-delà de ces remparts ».
Il a donc fallu du temps mais aussi parfois de l’audace, un équilibre à trouver sans jamais perdre de vue l’objectif. « Il faut se laisser guider par son instinct. Il ne faut jamais renoncer à l’audace. Dans le film par exemple il y a un moment intime pour moi audacieux mais elle a adoré ! ».
Un moment d’émotion mais un film sur l’histoire passe aussi par l’émotion. Dorothée avait un objectif : que les gens gardent en tête que Marie-Claude Tjibaou a un parcours fou mais qui est une partie de l’histoire du pays. « En Caledonie, une grande partie de l’histoire reste à faire. C’est là où ça prend beaucoup de temps car on doit vérifier chaque point, chaque fait. Le documentaire est une mémoire pour le pays et les diffuseurs nous accompagne dessus. »
Susciter le dialogue
Dorothée Tromparent s’attache dans ses films à justement raconter l’histoire.
Elle est à l’origine d’un deuxième film, en sélection au FIFO, Waan Yaat, sur une terre de la République. Ce documentaire retrace l’un des épisodes sanglants des Évènements : le 5 décembre 1984 à Waan Yaat, vallée de Hienghène, des indépendantistes sont victimes d’une embuscade.
Elle fera 10 morts et 5 blessés. Un piège tendu par des colons terrifiés par le risque d’être chassés de leurs terres. Si les assassins reconnaissent les faits, la justice les absout.
Ce film a de particulier qu’il donne la parole aux victimes mais aussi aux auteurs de la fusillade. « On espère qu’il pourra soigner tout le monde là-bas en Calédonie. Faire ce film, c’est essayer de susciter le dialogue, que les gens se parlent et confrontent leur point de vue.
C’est une première étape. » Le film fonctionne comme une thérapie pour les auteurs qui restent et parlent même si la réconciliation entre les deux parties n’est pas encore possible. Victimes et assassins ne sont pas prêts.
Le documentaire a permis aussi de faire connaître aux descendants des auteurs de la fusillade cette histoire, l’histoire d’un pays et une histoire de familles. « Un documentaire c’est raconter le réel même si les cicatrices sont parfois encore à vif. C’est important et essentiel car il s’agit de douleurs collectives. En Nouvelle-Calédonie, il faut aller petit à petit. C’était déjà beaucoup de retracer cette histoire mais il faut aller doucement. »
Dorothée Tromparent aura mis quatre ans pour réaliser ce film mais elle aura réussi son pari.
Waan Yaat, mémoires d’un Pays a obtenu le deuxième prix spécial du Jury au Festival International du Film documentaire Océanien, vendredi 10 février au grand théâtre de la Maison de la Culture