C’était une séance très attendue par les élus de l’opposition notamment. Depuis l’élection du président de la Polynésie française et de son gouvernement, plus d’un mois s’est écoulé sans qu’aucune mesure phare ne soit prise. Réduire le coût de la vie étant une grande promesse du camp indépendantiste durant la campagne des territoriales. Ce jeudi était donc l'occasion pour les élus d'interroger le gouvernement sur sa "stratégie pour réduire le coût de la vie, les mesures correspondantes, le calendrier et les équilibres financiers".
« Supprimée »
Jugée, à tort ou à raison, trop inflationniste, la TVA sociale de 1% va être « supprimée ». Une annonce faîtes par le président de la Polynésie française Moetai Brotherson à l’assemblée de la Polynésie, en réponse à la question de l’élue rouge et blanc, Teura Iriti.
Il s’agit d’un engagement de mon gouvernement. Cette taxe sera supprimée. Le calendrier de sa suppression est travaillé et fera l’objet d’une annonce prochaine. Les dernières évaluations sont en cours, les mécanismes compensatoires seront mis en place à hauteur des moyens nécessaires, pour la couverture des besoins des régimes sociaux dans le cadre du budget 2024.
Moetai Brotherson, président de la Polynésie française
En d’autres termes, patience ! Il n’y aura pas de changement avant la rentrée budgétaire soit au mois de septembre.
1%, 2 % ? Qui dit mieux ?
Chiffres à l’appui, l’élue rouge et blanc défend cette « mesure courageuse » prise par le gouvernement Fritch en citant l’ISPF qui « a démontré que l'impact de la TVA sociale sur l'inflation était inférieur à 1% ».
Dans sa réponse, le président de la Polynésie française dément ces propos. « Pourtant le groupe WAN, auditionné par la commission de l’assemblée nationale sur le coût de la vie dans les outre-mer, a publiquement annoncé un impact de cette taxe a minima, à hauteur de 2% ».
Toujours est-il qu’il faudra bien trouver un moyen pour remplacer la TVA sociale, qui aurait rapporté 8 milliards CFP en 2022.
A ce stade, il ne s’agit plus d’ouvrir une bataille sur les chiffres, 1%, 2%, X% ! Le constat est là ! Avez-vous agit sagement dans l’intérêt du pouvoir d’achat des ménages polynésiens en mettant en place une telle mesure ? La réponse est non !
Moetai Brotherson, président de la Polynésie française
Mais alors, la suppression de la TVA sociale va-t-elle réellement soutenir le pouvoir d'achat des ménages ? Le ministre des finances semble penser le contraire.
Votre groupe politique avait affirmé que cette TVA sociale représentait près de 5% de l'inflation et que sa suppression était la solution pour faire baisser les prix à la consommation. Cependant, dans le compte rendu de la commission budgétaire du jeudi 15 juin, le ministre des finances a déclaré : "On ne peut pas supprimer la TVA sociale tant que nous n'avons pas trouvé de solution de remplacement... et supprimer la TVA sociale ne fera pas baisser les prix...". Monsieur le Président, ses propos et ses annonces sont en contradiction totale avec vos promesses, ainsi vous reconnaissez implicitement que l'impact de la TVA sociale sur les prix est insignifiant et négligeable, car sa suppression n'entraînera pas de baisse des prix... Monsieur le Président, qu'en pensez-vous ?
Teura Iriti, élue Tapura Huiraatira
Là aussi, il faudra patienter en septembre pour connaître la réponse.
Et les PPN ?
Après Teura Iriti, vient au tour de Lana Tetuanui, élue Tapura Huiraatira, d'interroger le gouvernement sur la "maîtrise du coût de la vie", avec la suppression des PPN, les produits de première nécessité, dont la liste a été élargie l'an dernier.
La sénatrice a d'abord fait l'éloge de l'ancien gouvernement en précisant que "notre Pays a traversé deux crises majeures : la COVID sur la période 2020-2021 et la crise mondiale 2022 qui a engendré une inflation importée historique que notre Pays n’a jamais connue". Et de poursuivre, "pour pallier ces événements majeurs et violents, le gouvernement FRITCH a déployé des actions ciblées telles que le plan de sauvegarde des emplois et le lancement du Plan de Relance 2021-2023 sur la période COVID, et sur l’année 2022 un accompagnement massif des aides et autres exonérations, qui ont contribué à limiter les effets de l’inflation importée sur les prix des produits à la consommation et directement sur le pouvoir d’achat de nos populations".
Au passage, petite remarque sur la position adoptée par la fédération générale du commerce, qui remet en cause les PPN. Pour la sénatrice, la FGC "aime à utiliser les recours".
Le 4 juin 2023, la FGC, qui aime à utiliser les recours, attaque cette fois ci cet arrêté et la liste des PPN. A titre de rappel, la liste des PPN propose un panel de produit à prix encadrés. La FGC souhaite faire révision qui ne bénéficierait pas à tous les consommateurs, mais surtout aux personnes aux maigres revenus, ce qui est louable, quitte à faire peser un peu plus encore de pression fiscale sur la "classe moyenne".
Lana Tetuanui, élue Tapura Huiraatira
"Absence de consensus"
La liste des PPN a fait l'objet de multiples recours, alors, selon le président de la Polynésie française, "ces recours illustrent parfaitement l'absence de consensus autour du principe même de ce dispositif".
Moetai Brotherson reconnaît cependant que le dispositif des PPN fonctionne, et répond aux objectifs recherchés.
Néanmoins, les études et relevés de prix menés par la Direction générale des affaires économiques montrent que ce dispositif, bien impliqué, porte ses fruits. Le passage en PPN des protections hygiéniques féminines a conduit à des baisses de prix pouvant atteindre 70% sur des marges fixées en moyenne, avant la réforme, à 135%. A contrario, la libéralisation d'une partie des conditionnements de papier toilette a fait flamber le prix sur ces produits. [...] La stratégie de lutte contre la vie chère doit associer à la fois des mesures de soutien économique en faveur de la croissance des entreprises, et donc de l'emploi, à des mesures plus coercitives visant à s'assurer que les entreprises ne récupèrent pas la totalité du bénéfice de ces mesures coûteuses pour le pays, sans ce fameux "ruissellement" dans l'économie polynésienne au travers d'une baisse des prix des produits.
Moetai Brotherson, président de la Polynésie française
Pour développer sa stratégie "pluridisciplinaire", le ministre de l'économie organisera les 27 et 28 juin prochains, les journées de prospectives économiques autour de ces thèmes.
D'ici-là, patience est de rigueur.