Les circonstances du décès de la plongeuse japonaise en 2014, à Rangiroa, ont été examinées, mardi 04 mai 2021, par le tribunal correctionnel. La victime est morte en faisant une dérivante dans la fameuse passe de Tiputa.
Que s’est-il passé sous l’eau ce 27 juillet 2014 ? Les versions divergent. Selon trois plongeurs italiens qui faisaient partie de la palanquée, la victime aurait percuté le récif et aurait ainsi perdu son masque mais aussi son détendeur lié à sa bouteille d’oxygène. Une scène que n’a pas vu le chef de la palanquée occupé avec le mari de la victime, parti plus bas prendre des photos. Selon ce moniteur expérimenté, la plongeuse japonaise qui avait des problèmes pour maintenir son masque sur son visage l’aurait perdu à cause du fort courant et dans la panique aurait enlevé le détendeur. Maître François Quinquis, son avocat, considère que " lorsque le masque laisse passer un petit peu d'eau [...] on panique très vite, on peut avoir 160 heures de plongée [...] on est très mal quand on commence à boire la tasse ".
" On est très mal quand on commence à boire la tasse ", maître François Quinquis
Le couple arrivé du Japon la veille du 27 juillet 2014, en était à sa troisième plongée le jour du drame. La justice reproche au club de ne pas avoir tenu compte de l’état de fatigue du couple après un voyage de plus de 10h, mais aussi le non-respect de la limite de profondeur. Les deux plongeurs japonais aguerris parcouraient le monde pour pratiquer cette activité. La victime avait 160 plongées à son actif, 200 pour son mari. Détenteurs d'une certification PADI niveau Open water diver, ils étaient habilités à descendre au maximum à 29 mètres, pourtant, ils sont allés au-delà de 30 mètres, 36 mètres pour le mari. Une faute non-imputable au chef de la palanquée indique maître François Quinquis, " ce n'est pas le chef de palanquée qui a décidé de descendre au-delà des 29 mètres mais c'est bien le mari de la victime ". L'avocat estime donc "qu'on doit considérer qu'il n'y a aucun lien de causalité de démontré, entre ce dépassement de la profondeur et l'accident, qui est intervenu quand même 16 minutes après".
" Ce n'est pas le chef de la palanquée qui a décidé de descendre au-delà des 29 mètres ", maître François Quinquis
Avant de partir, en plongée, le moniteur n'a pas vérifié les fiches de ses clients. Les documents étaient introuvables. Mais, il a expliqué à la barre du tribunal correctionnel qu'il avait pu évaluer leur niveau grâce à une plongée plus simple, effectuée le matin. Dans son réquisitoire, le procureur a indiqué qu'il avait une " impression de flou et de laisser-aller " dans ce dossier. Il faisait référence notamment à l'entretien du matériel de plongée. Des anciens moniteurs du club et des experts ont pointé du doigt la détérioration, par exemple, des détendeurs ou encore le manque de désinfection du matériel. Mais, ces manquements n'ont pas été retenus par le juge d'instruction pour expliquer le décès de la victime.
Une victime qui avait dit à son mari qu'elle était réticente à faire cette plongée. Son époux reconnaitra plus tard que la troisième plongée était trop dure pour eux. A la barre du tribunal correctionnel, le chef de la palanquée a indiqué que s'il devait être reconnu coupable d'avoir réalisé cette dérivante avec ces plongeurs aguerris, la décision ferait jurisprudence et signifierait la mort annoncée de tous les clubs de plongée de Rangiroa qui emmènent, tous les jours, des plongeurs du monde entier admirer le mur de requins gris de la passe de Tiputa.
La famille de la victime était absente au procès, elle ne s’est d'ailleurs pas constituée partie civile. Le procureur a requis une peine de 18 mois de prison avec sursis et 500 000 francs d’amende à l'encontre du chef de la palanquée. 5 millions de francs d’amende pour la société propriétaire du club. La décision a été mise en délibéré au 1er juin.