Les 100 jours du parti Tavini Huiraatira au gouvernement

A la tête deux hommes, l’un de 78 ans, l’autre de 53 ans. Deux visions, un même objectif. À la veille de l’allocution du président Moetai Brotherson sur le bilan des 100 jours de son gouvernement. Les présidents du Tavini Huiraatira et du Pays fonctionnent-ils en duo ou en duel?

Le leader du parti indépendantiste Oscar Temaru et le président de la Polynésie française Moetai Brotherson s’érigent en chefs de clan ma'ohi. Très discret depuis 100 jours sur la politique du gouvernement, le leader indépendantiste montre tout de même, qu'il garde le contrôle des discussions avec Paris sur la question de l’indépendance de la Polynésie. Il rappelle les objectifs politiques du parti. Plus nuancé, tout aussi indépendantiste mais diplomate, Moetai Brotherson est néanmoins clair sur la question de l’accession de la Polynésie française à sa pleine souveraineté.

Capture écran de la page Facebook de Moetai Brotherson. Illustration postée le 21/08/2023, quelques jours après le passage du 1er ministre Gérald Darmanin et à deux jours avant son discours des 100j. On peut y lire "I"m disillusionment. Enlightenment is over there." soit "Je suis la désillusion! Pour l'illumination c'est par là bas."

Ce cliché, posté sur la page de Moetai Brotherson le 21 Août 2023, est peut-être un rappel du sentier sinueux emprunté par les deux hommes forts de Maohi Nui pour atteindre leur objectif commun. Leur positionnement sur la question de l’indépendance précipitée ou planifiée de l’archipel fera écho dans un calendrier politique chargé jusqu’en fin d’année.

  •  En octobre lors de la 4ème commission de l’ONU consacrée aux territoires à décoloniser
  •  En novembre à Avarua aux Îles Cook pour le forum du pacifique avec les états insulaires indépendants 
  •  Et en fin d’année dans le budget de la Polynésie Française 2024 de Brotherson après, près de 30 ans de politique autonomiste.
Oscar Temaru, président du parti indépendantiste Tavini Huiraatira.

Oscar Temaru toujours là

Sauf qu'Oscar Temaru n’a pas attendu le déplacement new-yorkais pour provoquer l’Etat dont les relations sont au "beau fixe" selon Gérald Darmanin avec le gouvernement Brotherson. Il y a 3 jours, alors qu'il était en visite aux îles Marquises en Polynésie française, le ministre de l’intérieur et des Outre-Mer a regretté les attaques du leader indépendantiste. Oscar Temaru, maire de la commune de Faaa et président de la commission permanente à l’Assemblée de la Polynésie avait ainsi lancé au ministre d’Etat depuis son quartier général "Sans nous, sans la Nouvelle-Calédonie, la France ne serait rien".

Le chef du Tavini Huiraatira regrette qu’à son arrivée en Polynesie, le représentant de l’Etat n’ait pas souhaité aborder la question de la présence de la France au siège des Nations Unies en octobre prochain.

Au sujet du déplacement de Gérald Damanin en terres ma'ohi, le maire de Faa'a rajoutera "C'est de la géopolitique ! On utilise le mot développement, mais ce sont des idées que nous préconisons depuis déjà une quarantaine d'années, comme la construction d'un aéroport international aux Marquises et le trafic maritime. Si ses ancêtres avaient pensé comme lui, la France serait aujourd'hui allemande" a-t-il conclu.

"Ça n'est pas moi qui vais arbitrer les gueguerres à l'intérieur du Tavini" a commenté Gérald Darmanin.

Gérald Darmanin

Des propos condamnés par Gérald Darmanin qui a rappelé que « la position et la situation politique de la Polynésie ne peuvent pas être comparées à celles de la Nouvelle-Calédonie". "Il n'y a pas d'urgence à modifier la Constitution, nous avons des échanges productifs avec le président Moetai Brotherson (…) Dès mon arrivée à Paris, je rendrai compte de ces demandes au Président de la République," précise-t-il.

Gérald Darmanin, interrogé sur la déclaration d'Oscar Temaru, considère qu'il n'y a pas à décoloniser la Polynésie. "Qui préside ? Les indépendantistes à la fois à l'Assemblée et au gouvernement (...) C'est aujourd'hui les Polynésiens qui dirigent la vie polynésienne". Quant à la présence de la France à l'ONU en octobre prochain "Je respecte l'identité, la langue, la culture polynésienne. Je n'ai pas de vision jacobine de Paris (...) J’irai voir le Président pour expliquer la vision de Moetai Brotherson, bien entendu qu’on doit discuter," confirme le ministre .

Alors que le président du Pays demande l’expertise des services de l'Etat  pour la réforme de la PSG notamment, alors que les échanges sont productifs entre Paris et Papeete, Oscar Temaru pourrait bien avec ses déclarations intempestives « gêner » les nouvelles relations entre indépendantistes et Paris.

Oscar Temaru ne lâche rien

En 2004, les relations étaient très tendues entre Oscar Temaru, ancien président du Pays et le Président Nicolas Sarkoy. Près de 20 ans après, c'est le retour des indépendantistes au pouvoir et Oscar Temaru est un homme plus pressé que jamais.

Malgré une santé fragile, il engage un bras de fer avec Emmanuel Macron s’agissant de la tenue le 6 septembre prochain, d’une conférence à l’Assemblée de la Polynésie sur le « développement commun ». L’événement est organisé par le Consulat de Chine en Polynésie et la mairie de Faa'a, quelques jours à peine après la visite du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer. À plusieurs reprises, ce dernier avait mis la Polynésie en garde contre l’impérialisme chinois. 

Dans quelques heures Moetai Brotherson va se prêter à l’exercice périlleux du bilan des 100 jours de son gouvernement. Les attentes de la population sont énormes. Moetai Brotherson avait donné 100 jours et l'heure du premier bilan est arrivée. En premier constat, le président Moetai Brotherson parle très peu d’indépendance. 

Capture écran site de la présidence de la Polynésie française

Les promesses de campagne

C’était une promesse de campagne. Il l’avait pourtant rappelé au lendemain de son élection à la tête du pays: la suppression de la TVA Sociale. Sans pour autant préciser comment il comptait faire pour remplacer les 9 milliards Fcp de manque à gagner pour la CPS.

Exit la Taxe sociale le 1er octobre prochain. Reste donc la question de la vie chère. Le thème avait dominé les débats durant la campagne. Pour le moment, la question reste en suspens. D’autant que le ministre de l’économie et du budget est plutôt discret. Aucune annonce non plus du côté du tourisme, portefeuille stratégique pour l’économie du pays... Qui est assumé par le président lui-même. En attendant, les leaders de l’opposition fourbissent leurs arguments à l’approche des 100 jours. Le Président Brotherson ressemble encore beaucoup au candidat Moetai. Le style cool et accessible est toujours assumé. Néanmoins, il se sait attendu au tournant. Au risque de décevoir ceux qui ont voté pour lui lors des dernières élections