Meurtre d’Augustine : son concubin Rudy condamné à 25 ans de réclusion criminelle

Rudy, à gauche dans le box des accusés, est resté tête baissée pendant les trois jours de procès.
Ce lundi s’est tenu le troisième et dernier jour d’un procès particulièrement tendu : celui concernant la mort d'Augustine. Les experts ont été entendus et ont décrit l’accusé comme un homme "aux tendances narcissiques" et "égocentriques". Il s'agissait aujourd'hui de définir la qualification du crime – intentionnel ou pas. Rudy Yau encourait la perpétuité. La Cour l'a finalement condamné à 25 ans de prison. Quant à la famille, elle devra faire son deuil et accepter le fait que le corps d'Augustine ne soit jamais retrouvé.

Augustine, dite Toia, aurait eu 31 ans le 25 décembre 2025, le jour de Noël. Chaque année depuis quatre ans, sa famille célèbre son anniversaire sans tombe sur laquelle se recueillir. Il n'y a toujours aucun avis de décès à son nom. "Le cimetière de Toia, c’est l’Océan Pacifique" lance l'avocat général, en se tournant vers la famille d'Augustine. Pour le magistrat, la thèse de l’enterrement n'est pas plausible. L'infime espoir de retrouver le corps de la jeune femme s'est définitivement envolé.

L'avis de recherche concernant Augustine Marea a été lancé par la gendarmerie le 26 mai 2021.

"Il n'aurait jamais eu le temps d'enterrer le corps"

Augustine, dite Toia, a été tuée dans la nuit du 26 au 27 avril 2021. Son compagnon Rudy l'a frappé à mort et a jeté son corps inanimé du haut de la falaise de Rocky Point à Papenoo. C'était un soir de pleine lune. Rudy a tout vu, la chute de 10 mètres, le corps de sa maîtresse s'écraser contre les rochers puis s’évaporer dans le grand large. Puis il est retourné passer la nuit chez la grand-mère de celle qu’il venait de tuer, comme si de rien n’était pendant que les requins se chargeaient de faire disparaître le cadavre. "Les faits se sont produits entre 00h30 et 1h37. Il n'aurait jamais eu le temps d'enterrer le corps" soutient l'avocat général.

Rudy, pour atténuer la gravité de son geste, a prétendu lors du premier jour de procès que Toia était accidentellement tombée de la falaise, après qu'il lui a asséné un coup très violent à la tête. Le trentenaire baraqué d’1 mètre 80 reste, comme au premier jour du procès, tête baissée dans le box des accusés. Une attitude qui démontre indéniablement sa culpabilité selon Maître Armour-Lazzari, avocate des parties civiles. 

Un procès particulièrement tendu

Les proches de Toia, complètement abattus, attendent que le verdict le plus sévère soit prononcé. L'avocat général reconnaît que Rudy est coupable de meurtre intentionnel et aggravé. Mais, à la surprise des proches de la victime, le magistrat décide de ne pas requérir la perpétuité pour laisser l'opportunité à Rudy de "réfléchir à son geste".

Entre meurtre intentionnel sur conjoint et violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, il y a une grande différence dans la loi française. La première qualification étant punie de la réclusion criminelle à perpétuité. "Quand tu frappes une femme, qu’elle tombe dans les pommes et que tu la jettes de la falaise, bien sûr que tu as l’intention de la tuer" souligne l’avocat général. "La loi c’est le respect de l’intégrité physique, le respect de la femme, de la compagne, de la concubine, le respect de son corps, le respect de sa liberté" argumente-t-il avant de conclure : "Rudy est un meurtrier" mais il n’est "pas un monstre, c'est un homme". L'avocat général requiert 25 ans de réclusion criminelle, l’interdiction pour Rudy de se rendre à Oremu pendant six ans et son inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS). 

C'est nul ce procès ! T** !

Frère de la victime

"Ce n’est rien ça !" crie l’un des frères de la victime, à la sortie du tribunal. L’ambiance est extrêmement tendue après les réquisitions. Les proches sont en colère. Le frère perd patience et se met à jurer. Il s‘est déjà énervé à la barre jeudi. "Que du blabla, mais je n’ai plus ma sœur" vocifère Edouard Marea, les larmes aux yeux. Il demande la perpétuité. 

L’audience reprend avec la plaidoirie de la défense. Maître Nougaro tente de convaincre la Cour que Rudy, bien qu’il ait été violent, n’avait pas l’intention de tuer Augustine. Elle est dans son rôle et cherche à réduire les peines prononcées à l’encontre de son client. Les propos de l’avocate sont insoutenables pour la famille. La tante de Toia quitte la salle. "Je ne voulais pas l’entendre" lance-t-elle. "Ce matin, les experts ont dit qu’il était conscient de ce qu’il faisait !" soutient la tatie. 

Qui est Rudy Yau ?

Toute la matinée était effectivement consacrée aux interventions des experts en visioconférence, qui ont pu analyser la personnalité de Rudy lors de divers entretiens. L'accusé est allé jusqu'au baccalauréat mais ne l'a pas obtenu. Les résultats de son test intellectuel montrent qu'il est dans la norme et qu'il ne présente pas de signes psychotiques. En revanche, les experts décrivent un homme "autocentré" aux "tendances narcissiques" et aux propos sommaires qui a reproduit les comportements de son père. 

La consommation excessive d'alcool engendre chez Rudy des pulsions violentes, qui lui ont déjà valu plusieurs condamnations. Selon l'experte le criminel se complaisait dans cette double vie, avec d'un côté une femme et trois enfants qui lui permettait d'asseoir son statut de chef de famille, et d'autre part, sa maîtresse Augustine, qui était dépendante de lui, financièrement et affectivement et qu'il pouvait donc contrôler à sa guise. Il battait ses deux femmes mais elles n'ont jamais porté plainte. Il était visiblement amoureux de Toia plus que de sa femme, puisqu'il a délaissé sa famille pour passer du temps avec elle.

Le passage à l'acte était une manière de se l'approprier définitivement.

Experte

"L'accusé ne pense qu'à ses intérêts et son plaisir. Il ne se met pas de limites. Sa maîtresse était un moyen pour lui de se détacher de ses responsabilités" rapporte l'experte. Il lui était inconcevable que Toia ne le quitte. "Plutôt morte pour moi que vivante pour un autre ?" demande l'avocat général à l'experte. "Oui. Le passage à l'acte était une manière de se l'approprier définitivement" résume la professionnelle. 

Au début, Rudy a tenté de dissimuler son crime pour éviter de "dévoiler sa vraie personnalité", "par honte" et "par peur". Aujourd'hui encore, le doute demeure quant à la thèse retenue par l'avocat générale puisque le corps n'a jamais été retrouvé. 

"Je ne voulais pas la tuer"

La Cour a rendu son verdict après trois jours de procès et suivi les réquisitions de l'avocat général. Rudy, qui encourait la perpétuité pour ce féminicide, a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle. Il dispose de dix jours pour faire appel. "Je demande pardon à la famille. Je ne voulais pas la tuer" adresse le meurtrier à la fin du procès. Comme si des excuses pouvaient soulager la douleur. "Je n'ai toujours pas vu le corps, je ne sais pas s'il ment" exprime la grand-mère de Toia.

On ne peut toujours pas faire notre deuil.

Grand-mère de Toia

Qu'est-ce 25 ans de prison face à la perte d'un être cher ? La sentence n'atténue pas la tristesse des proches. Ils continuent de vivre dans le même quartier que la mère du meurtrier de Toia qui l'a couvert tout ce temps. La non-dénonciation de crime est normalement punie de trois ans d'emprisonnement mais la justice française fait exception pour les parents en ligne directe et leurs conjoints. La mère et l’ex-conjointe, qui ont dissimulé des éléments essentiels, échappent ainsi à la prison. 

Quant à Rudy, il pourra selon Maître Nougaro prétendre à un aménagement de peine et un transfert en métropole.