P.1ère Cela fait 6 mois que vous travaillez au Palais Boubon, quel premier bilan en tirez-vous ?
"On a surtout eu la capacité de travailler avec le gouvernement Barnier. Pendant le projet de loi de finances, 16 amendements ont été proposés: amélioration de l'accès à la défiscalisation et l'élargissement du champ, pour permettre la création d'activités supplémentaires et la mise en oeuvre de projets en Polynésie, pour stimuler la création d'emplois. Et on continue à travailler sur des sujets majeurs sur lesquels on s'était engagés pendant la campagne, avec de nouvelles propositions de loi. Vous vous souvenez, pendant la campagne, les 5 partis se sont réunis, non autour de l'élection en elle-même, un programme qui est clair et sur lequel on a travaillé à 5 mains. Aujourd'hui on décline les axes de ce programme.
Notre engagement principal a été la lutte contre la vie chère, en ce qui me concerne je priorise la baisse du prix de l'électricité pour chaque famille polynésienne, la baisse des prix des produits alimentaires dans les commerces, et la baisse du prix du billet d'avion, des îles vers Tahiti.
J'ai bon espoir de faire passer ces textes car nous sommes soutenus, non seulement par les députés ultramarins, mais aussi par d'autres groupes politiques. Les mécanismes sont un peu complexes :
Pour la baisse du prix de l'électricité, on a un dispositif qui est la péréquation nationale qui est applicable partout, sauf en Polynésie et en Nouvelle Calédonie. Ce dispositif a été élargi progressivement à tous les territoires, les derniers à en avoir bénéficié ce sont nos amis de Wallis et Futuna, en 2021. Désormais, on tente de convaincre, et on demande la solidarité du gouvernement central, car, comme vous le savez, la Polynésie a payé un lourd tribut aux essais nucléaires, et c'est grâce à nous que la France peut proposer des tarifs à bas coût".
P.1ère Lors de ses vœux à la presse lundi, le président du Rassemblement National, n'a pas écarté une nouvelle dissolution lorsque cela sera possible. En revanche le président Emmanuel Macron a annoncé "pas de dissolution avant 2027". Pas facile de travailler dans cette ambiance au Palais Bourbon
"C'est vrai que c'est très compliqué. Aucun groupe n'a la majorité absolue. Moi je siège dans le bloc central, on est 213 députés. Donc on a une majorité qui est relative et on doit aller convaincre les collègues des autres groupes. Mais, on y arrive. Je rappelle que pendant le projet de loi de finances, on a pu faire valider une dizaine d'amendements, que ce soit en commission des Finances ou séance plénière. Les Outre-mer ne sont un sujet aussi clivant que les sujets nationaux comme l'immigration ou autre. Donc, oui, on avance avec tout un travail de lobbying qu'on a fait en allant voir les groupes, discuter avec les députés, ce n'est pas au moment du vote qu'il faut convaincre. Pas uniquement les parlementaires d'ailleurs, mais aussi les conseillers territoriaux."
P.1ERE On parle beaucoup, à Paris, d'avoir un probable retour aux urnes dans le cadre des législatives. Qu'elle est votre analyse, vous qui êtes sur place ?
"Effectivement, vu l'instabilité, c'est une possibilité. Mais à titre personnel, je ne pense pas qu'on aura une élection. Cela ne ferait que rajouter du désordre et rien ne dit, qu'à la sortie de cette nouvelle élection, une majorité claire puisse se dégager. Ce que je garde en tête, c'est d'avancer au maximum et au plus vite possible sur nos dossiers, parce qu'on ne peut pas se projeter sur 5 ans. Il faut dérouler à toute vitesse le travail parlementaire. On ne porte pas que ces sujets majeurs dans le cadre du programme, on porte aussi d'autres sujets sur lesquels on a été sollicités.
Il y a plusieurs communes qui sont venues nous trouver. Bien sûr, la Communauté de communes des Marquises qui nous demande de porter plusieurs dossiers sur les aires marines ou sur un financement des nouvelles compétences environnementales eaux/déchets/assainissement. Je suis interpellé par plusieurs communes. Mais aussi par des associations étudiantes, qui me demandent de sanctuariser le budget de l'aide au logement étudiant, pour que chaque année ils puissent en bénéficier et réduire de façon considérable le loyer de leur logement."
P.1ere Mr le député, qu'en est-il de cette plateforme autonomiste ? Est-elle fiable ou pas ?
"La plateforme autonomiste, ce n'est pas seulement une idée de regroupement. Il y a des critiques qui nous ont été formulées : "la plateforme, on en parle que pendant les élections". Mais c'est faux. Comme je l'ai indiqué, j'ai passé du temps à établir ma profession de foi. Et ça, c'est le cap qu'on a fixé avec les 5 partis pour pouvoir travailler sur l'ensemble de cette législature. Et, que ce soit moi ou Nicole Sanquer, c'est notre guide. L'ensemble des actions que l'on mène se réfèrent à ce programme établi en commun."
P.1ère Est-ce que c'est facile de réunir tous les autonomistes à plus d'un an des municipales ?
"On avait une partie des leaders autonomistes samedi, lors du repas de remerciement. Hier soir, à la mairie de Pirae, on a tenu une belle réunion avec une centaine de membres, avec des conseillers municipaux de Pirae et Papeete. Bruno Sandras était présent. Donc, on arrive à concilier ces différentes sensibilités chez les autonomistes. Vous savez, on ne défend pas un parti, on ne défend pas une idéologie. On défend notre fenua, on défend nos dossiers, on porte des projets et je suis persuadé que l'on va réussir à établir un terrain d'entente."
Nos gouvernements locaux nous parlent sans cesse de promesses d'avenir, mais nous enchaînent aux problématiques du passé."
Moerani FrebaultDéputé de la Polynésie
P.1ère Le sujet qui fait couler beaucoup d'encre ces derniers jours, cette alliance entre le Tavini et Azerbaïdjan. Le Ministre des Outre-mer est monté au créneau contre ce qu'il appelle les "nouvelles ingérences et de déstabilisation" de ce pays dans les territoires ultramarins ?
"Vous avez vu les éléments de Nouvelle-Calédonie. Nouméa n'a jamais été en proie à autant de difficultés. L'Azerbaïdjan n'est bien sûr pas seul responsable. Ils sont venus souffler sur les braises et ça n'a fait qu'aggraver la violence. Évidemment, l'Azerbaïdjan ne fait pas cela par bonté d'âme. Il s'agit uniquement d'une vengeance diplomatique vis-à-vis de la République. On ne peut pas laisser faire les choses et vous avez sans doute vu cela récemment, avec mon groupe politique et d'autres députés, on a cosigné avec 95 députés, une résolution européenne , avec des mesures diplomatiques fortes pour condamner cette ingérence. Il faut arrêter à un moment donné ! Nos gouvernements locaux nous parlent sans cesse de promesses d'avenir, mais nous enchaînent aux problématiques du passé."
P.1ère Justement le parti Tavini par la voix de son président Oscar Temaru a fait savoir qu'il continue à travailler avec Bakou, une idée qui n'est pas partagée par tous les élus indépendantistes, comme Tematai Le Gayic qui s'est exprimé hier sur les réseaux sociaux . Pour lui cette annonce est "contre nature". On a l'impression que l'Azerbaïdjan met au jour les divisions au sein du parti indépendantistes. Est-ce que vous pouvez en tirer parti politiquement ?
"On est jamais content des divisions qui peuvent avoir lieu chez nos opposants. Par contre on se satisfait de cette prise de conscience. Voilà deux ans qu'on en parle et qu'on alerte sur le rapprochement de ce pays. Et là, on voit qu'il y a enfin une prise de conscience au sein du parti Tavini Huiraatira. Après on espère que cette prise de conscience est sincère et pas juste une stratégie avec les élections municipales qui s'annoncent. Après c'est tout de même inquiétant. On voit qu'on manque un peu de stabilité au niveau de la gestion des affaires du Pays. On connaissait la scission entre le Président de l'Assemblée de Polynésie Moetai Brotherson. Si maintenant il y a d'autres scissions en interne, ça risque d'être compliqué. Je me demande quel sera le résultat du parti qui arrivera bientôt."
P.1ère Le premier conseil des ministres décentralisé a lieu aujourd'hui a lieu à Nuku Hiva. D'ores et déjà les élus locaux ont parlé de leurs problématiques sur l'eau et l'assainissement. Ils réclament également davantage de compétences. Est-ce que pour vous, c'est le seul moyen pour faire avancer les dossiers marquisiens ?
"C'est un des moyens, mais je suis content de cette intervention du président de la CODIM. On agite beaucoup quand on parle de cet archipel, du spectre de la sécession, de la séparation avec le gouvernement de Papeete, de la départementalisation. Ce ne sont pas des combats qui sont portés par les Hakaiki. Ils veulent qu'on puisse développer les compétences environnementales, pour protéger les ressources en poissons des eaux marquisiennes. Ce sont les seules demandes qui sont portées. Cela fait plusieurs années que le transfert des compétences est demandé au Pays, mais s'il n'y a pas de réalisation, les Hakaiki disent "si Papeete ne le fait pas, laissez-nous faire à ce moment-là, et déléguez-nous les compétences, pour qu'on ne le fasse pas tout seul dans notre coin, mais tous ensemble." Ils demandent juste plus de considération, plus d'implication dans les processus de décision".
P.1ère Samedi matin, vous retournez à Paris, vous allez rencontrer notamment le ministre des Outre-mer, Manuel Valls. Quels sont vos dossiers prioritaires ?
"Le planning sera chargé. En rentrant le 4 février, je pose une question au gouvernement en séance plénière au ministre de l'énergie sur l'extension de la péréquation pour l'électricité. Avec Manuel Valls ensuite, j'évoquerai avec lui plusieurs sujets en lien avec le financement de la DGOM, notamment l'aide au logement étudiant, le syndicat du rhum polynésien également, qui tente une inscription en territoire protégé. On va également préparer la venue de Manuel Valls en mai"