Dans la commune de Paea, Tino scrute son jardin…comme après chaque pluie, il est rempli d’eau et s’il ne sèche pas rapidement, les larves de moustiques peuvent s’y développer. Le couple vide systématiquement les contenants qui trainent chez eux mais pour les flaques d'eau qui stagnent, c'est plus compliqué.
"Quand il pleut fort pendant trois-quatre jours, l'eau stagne...elle descend de l’école. D’où, comment je ne sais pas. Et puis après ça reste aussi chez le voisin. La terre ici n’absorbe pas l’eau. Voilà le souci", décrit la femme de Tino. Alors même si elle est asthmatique, parfois, elle est obligée de "mettre des tortillons, ou sinon des moustiquaires au-dessus du matelas !" ou encore chasser les insectes piqueurs à coups de raquette électrique. Des solutions largement adoptées par les habitants de la Polynésie...
Un avenir sans moustique ?
Mais peut-être bien que Tino et sa femme seront définitivement débarassés de ces moustiques dans quelques années…car dans leur commune, le laboratoire d’entomologie de l’Institut Louis Malardé travaille en profondeur sur la question.
Depuis 2015, des lâchers de moustiques stériles sont organisés sur la zone du luxueux The Brando et les résultats sont très concluants, grâce notamment à l'appareil de stérilisation par rayon X du labo. L’expérience sera bientôt étendue d’abord à Paea en juillet prochain, puis sur toute l’île de Tahiti. Une première réunion a eu lieu mercredi avec le maire de la commune. En amont, un plan de communication adapté doit être mis en place auprès de la population pour éliminer un maximum de gîtes à moustiques, de manière efficace et durable.
"Concrètement, on va mettre en place la technologie qu’on maîtrise maintenant depuis plusieurs années : développer et lâcher ces fameux moustiques mâles stériles qui vont stériliser les femelles sauvages sur le terrain dans les zones qui sont infestées de ces moustiques Aedes Aegypti. Ce faisant, les femelles stérilisées ne vont pas donner de descendance. Ainsi la population s’effondre comme on a pû le démontrer avec succès sur l’atoll de Tetiaroa", souligne Hervé Bossin, chercheur en chef et entomologiste médical à l'Institut Louis Malardé.
L'institut nous réserve encore quelques surprises
À plus grande échelle, il faudra forcément davantage de moyens humains et financiers. Nul doute que la Tetiaroa Society fera partie de l'aventure, ainsi que le Pays et l'Etat. L’Organisation mondiale de la santé est également investie auprès de l’ILM, fer de lance dans la recherche sur les moustiques à travers toute la France. L'établissement connaît un essor remarquable depuis 2019, notamment le labo d'entomologie, plus de cinquante ans après sa création. Aujourd'hui, 250 000 moustiques naissent chaque semaine à l'ILM à des fins scientifiques.
Pour ceux qui s'en inquiéteraient les chercheurs assurent que l'éradication des moustiques ne présente aucun risque pour la biodiversité. D'autant que le moustique Aedes Aegypti principalement visé par ces travaux, a été introduit il y a quelques années en Polynésie et prolifère surtout en zone urbaine... Et, à priori, il n'aurait pas d'autre utilité à part celle de nourrir certains animaux, tels que les oiseaux. Sa disparition permettrait en revanche d'épargner des centaine de milliers de victimes de la dengue, du zika, du chikungunya, de la filariose ou de la malaria mais aussi, de préserver l'endémique monarque de Fatu Iva en danger critique d'extinction à cause d'une maladie transmise par les moustiques.