Nouveaux chiffres inquiétants sur la consommation de méthamphétamine en Polynésie

Une "bulle" saisie dans un véhicule.
Plus de 56% d'engagements à la croix bleue pour consommation d'ICE, 50 kg saisis à destination de la Polynésie : ce sont les chiffres qui ressortent du diagnostic sur la consommation de méthamphétamine que nous nous sommes procuré. Plus de détails dans cet article.

Une étude a été menée en 2024 sur la consommation d'ICE en Polynésie. Malgré le manque d'indicateurs fiables et de données médicales, il apparaissait urgent de dresser un diagnostic sur lequel s'appuyer pour mettre en place une politique adaptée.

L'étude en question, rédigée par deux experts en criminalité, se base entre autres sur des entretiens, articles de presse, rapports et programmes d'action gouvernementaux.

Des voyants au rouge

Ce rapport dévoile, sans surprise, des chiffres en augmentation : 

  • En 2022, les infractions liées aux stupéfiants, affichent des taux alarmants en Polynésie française, dépassant largement ceux observés en métropole : 5,87 pour 1000 habitants contre 2,87.  
  • En 2022, les saisies d'ICE ont augmenté de 142 % par rapport à 2021, représentant près de 10 % des saisies d'ICE en France soit une vingtaine de kilos.
  • Sur les seize mois précédant le 26 avril 2024, les douanes américaines et françaises ont saisi 50 kg d'ICE à destination de la Polynésie. De son côté, le haut-commissariat annonçait dans son bilan d'action 2024, 13 kg saisis en Polynésie. Si l'on ajoute les 15 kg saisis aux Etats-Unis à destination de la Polynésie, le total atteint 28 kg.
  • Au 1er trimestre 2024, sur 132 personnes engagées à la Croix Bleue, 74 ont signé pour consommation d'ICE. En 2023, les consommateurs d'ICE étaient 83 sur 160 et en 2022, 38 sur 124. Le nombre de consommateurs d'ICE qui signent à la Croix Bleue est donc aujourd'hui majoritaire et a nettement augmenté en l'espace de deux ans. Ce programme de l'Eglise catholique de Papeete est ouvert aux personnes qui souffrent d'addictions.

L'urgence de protéger les jeunes

Le rapport dresse également un "profil type" du consommateur d'ICE :

  • homme de moins de 40 ans,
  • intégré dans la société,
  • seulement 11% sont sans emploi et la majorité n'a pas d’antécédents judiciaires.

En parallèle, le président du Pays indiquait ce lundi 24 février sur notre antenne que le nombre de consommateurs serait passé de 10 000 à 30 000 aujourd'hui.

Selon Moetai Brotherson, le plus jeune fumeur d'ICE aurait huit ans.

L'enquête Ea Piahi – Santé Jeune 2024 menée auprès d'un échantillon de 3118 élèves issus des établissements publics et privés de tous les archipels de Polynésie, révèle également que 3,5% des adolescents ont déclaré au moins une consommation d'ICE au cours de leur vie, ce
qui représente 12,1 % des élèves ayant déclaré une consommation d'au moins une drogue
dans leur vie. 

Les enfants sont une cible facile pour les dealers, qui rôdent autour des établissements scolaires. D'après le rapport cité plus haut, des "bouffées" allant de 1 000 à 5 000 francs Pacifique sont proposées.

Le rapport établit que "la consommation et le trafic de méthamphétamine contribuent à une augmentation significative de la délinquance, fragilisant davantage le contexte sécuritaire déjà précaire".

Il recommande notamment :

  • de "mettre en place un système de collecte de données auprès des professionnels de santé, en respectant la confidentialité des patients", la Caisse de Prévoyance Sociale et le service psychiatrique ne disposant pas d'outils pour identifier les cas liés à la méthamphétamine,
  • de renforcer la prévention,
  • la création de structures d'accueil et d'accompagnement vers le sevrage. Aujourd'hui, seul le CPSA est spécialisé dans le traitement et ne dispose que d'une équipe de dix personnes environ, pour 1 800 patients suivis. 

La collaboration entre tous les services est essentielle pour lutter efficacement contre l'ICE, le trafic et le blanchiment.

Le Président Brotherson a d'ores et déjà annoncé 250 millions de fonds pour les associations et plus généralement des moyens à la hauteur de l'urgence.