Nouvelle-Calédonie : arrivée de Macron, barrages reformés, réouverture de supermarchés...

De nombreuses carcasses de voitures calcinées jonchent les rues en Nouvelle-Calédonie
Visite d'Emmanuel Macron pour "ouvrir le dialogue", démantèlement des barrages reformés, vols commerciaux fermés jusqu'au 25 mai, conséquences économiques... Le point sur la situation en Nouvelle-Calédonie.

L'annonce a été faite suite au conseil des ministres de ce mardi 21 mai. Le président de la République s’envole pour l’archipel afin d’y installer "une mission". Il est accompagné du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, de la ministre déléguée chargée des Outre-mer, Marie Guévenoux, du ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Emmanuel Macron souhaite "ouvrir le dialogue".

Sur place, le président va rencontrer des élus. Il devrait s’exprimer à l’issue de ces différents échanges. La visite présidentielle doit durer une journée. Malgré « le fragile retour au calme qui se poursuit sur l’ensemble du territoire », le représentant de l’Etat sur place, le Haut-commissaire Louis Le Franc, a annoncé l’envoi d’effectifs supplémentaires « dans les heures à venir » pour juguler les violences qui secouent l’archipel.

Des barrages reformés

Durant le week-end, la voie rapide qui relie Nouméa à l'aéroport international de La Tontouta a été dégagée notamment à l'aide de camions blindés. "Les opérations de déblaiement des axes routiers se poursuivent dans l'agglomération de Nouméa. Les nombreux moyens matériels déployés sur le terrain permettent le retrait des carcasses et le nettoyage des 76 barrages déjà neutralisés sur l'axe principal", a affirmé le Haut-Commassariat de la République dans un communiqué publié mardi.

Mais mardi, des dizaines de barrières se dressaient à nouveau sur cet axe. Malgré les interventions, plusieurs quartiers de l'agglomération restent enclavés, les barrages dégagés sont souvent remontés dans la foulée.

Le bilan des victimes reste inchangé, indique le haut-commissariat : six morts officiels, dont deux gendarmes. Selon ce bilan, 270 émeutiers ont été interpellés. Le couvre-feu reste en vigueur, ainsi que l'interdiction de rassemblements, de transport d'armes et de ventes d'alcool.

150 entreprises incendiées, 1000 employés sans travail 

Les émeutes ont aussi des conséquences économiques. Environ 400 entreprises et commerces ont subi des dégradations, "notamment par incendie", dans Nouméa et les communes limitrophes. La chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie a appelé lundi à "préserver le peu qu'il reste" de l'économie de l'archipel. Elle estime, pour sa part, que "plus de 150 entreprises ont été pillées et incendiées, laissant plus de 1 000 employés sans travail".

David Guyenne, le président de la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie a estimé sur France Culture que "le milliard d'euros" de dégâts serait atteint. Un bilan considérablement revu à la hausse puisque ce chiffre était de 200 millions d'euros quelques jours plus. À l'échelle de la Nouvelle-Calédonie, "c'est considérable" et "tous les secteurs d'activité sont touchés".

Au moins 21 grandes surfaces ont par ailleurs pu rouvrir et sont progressivement réapprovisionnées. Dans les supermarchés, la peur des pénuries est justement au cœur des préoccupations. Mais le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie se veut rassurant. "Il y a deux mois de stocks", a assuré l'un de ses membres, concédant toutefois que la situation est contrastée en fonction des régions, à cause des blocages routiers.

Crise sanitaire

Le système de santé subit également de plein fouet la crise calédonienne. Pour Yannick Slamet, membre du gouvernement local en charge de la santé, "la problématique, c'est que le personnel est là, mais il faut qu'il puisse accéder" aux établissements de santé et "la relève doit pouvoir retourner chez elle", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. Selon lui, les stocks de médicaments sont toutefois "disponibles et suffisants".

Outre les soignants, beaucoup de patients ne peuvent pas rejoindre les centres médicaux. Si un poste médical avancé a notamment été aménagé dans le centre-ville de Nouméa, pour accueillir le public qui ne peut être évacué vers le médipôle de Koutio, en raison des barrages routiers, on dénombre plusieurs victimes collatérales de ces émeutes.

Un habitant du Grand Nouméa, souffrant de diabète, a été découvert mort chez lui mercredi. Juste après le début des émeutes, une femme enceinte de Boulouparis a également perdu son bébé faute de pouvoir se rendre à l'hôpital.

Aéroport fermé jusqu'au 25 mai 

La fermeture de l'aéroport a été prolongée jusqu'au samedi 25 mai, au moins. Tous les vols commerciaux sont ainsi annulés. Mais l'évacuation des touristes coincés sur place a commencé. Un premier vol est arrivé. 

Le gouvernement néo-zélandais a affrété un vol en direction de Nouméa pour rapatrier cinquante de ses ressortissants, Canberra ayant annoncé, pour sa part, l’envoi dans la journée de deux avions qui évacueront "des touristes australiens et d’autres".

Les pistes évoquées par les politiques pour sortir de la crise 

Face à la flambée de violence, partis politiques, élus locaux et autres acteurs avancent divers scénarios pour apaiser la situation dans l'archipel. Premier scénario évoqué, de la gauche à l'extrême droite en passant par la majorité et jusqu'à la maire de Nouméa : un report du Congrès de Versailles visant à entériner la réforme constitutionnelle.

Emmanuel Macron a "compris" qu'il ne fallait pas convoquer le Congrès dans l'immédiat et qu'une "pause" s'imposait pour un retour au calme, a déclaré la maire Renaissance de Nouméa, Sonia Lagarde, au Monde, lundi. "Je ne suis pas du tout d'accord pour qu'on y aille en force. Je crois qu'il faut de la sagesse et de la raison". Sur BFMTV, elle a répété la nécessité de "remettre les gens autour d'une table". "Nous n'avons pas d'autre solution aujourd'hui que celle-là."

 "Il va falloir qu'on soit entendus et qu'il y ait des gestes forts du gouvernement"

Dominique Fochi, secrétaire général de l'Union calédonienne

D'autres réclament le "retrait immédiat" de la réforme, à l'instar de quatre présidents de régions ultramarines (Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion), signataires avec une vingtaine de parlementaires ultramarins d'une tribune. Pour les signataires, le retrait du texte est "un préalable à la reprise d’un dialogue apaisé". "Seule la réponse politique mettra fin à la montée des violences et empêchera la guerre civile", écrivent-ils.

Même demande du côté de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), collectif indépendantiste accusé par l'Etat d'attiser les violences, mais qui affirme rester "dans une démarche pacifique". "Il va falloir qu'on soit entendus et qu'il y ait des gestes forts du gouvernement"fait valoir Dominique Fochi, secrétaire général de l'Union calédonienne, le principal mouvement indépendantiste de l'archipel.

D'autres sont, au contraire, pour le maintien du calendrier, afin que la réforme qui embrase l'archipel aille à son terme. C'est le cas de la droite, qui, par la voix du président des Républicains, Eric Ciotti, rejette "toute logique de temporisation" et affirme dans un communiqué qu'"il n'y a pas lieu de suspendre" le processus législatif. Dans l'archipel, les principales figures non indépendantistes ont aussi appelé, mardi, à poursuivre l'examen du projet de loi constitutionnelle.

Au risque d'ouvrir un débat supplémentaire, le patron du Parti communiste, Fabien Roussel, s'est de son côté prononcé pour "une forme d'indépendance" de la Nouvelle-Calédonie, lors du "Grand rendez-vous" de CNews-Europe 1-Les Echos. Quitte à convoquer un quatrième référendum pour permettre aux habitants de l'archipel de trancher à nouveau cette question. Une piste également évoquée cette semaine par Marine Le Pen, qui a proposé sur France 2 d'organiser cette consultation dans quarante ans.